Τετάρτη 5 Μαρτίου 2025

Élégie de mémoire de Nick Payne, traduction de Dimitris Kioussis, mise en scène de Fotis Makris

 


La mémoire, élément fondamental du fonctionnement général de la pensée, nourrit notre vie d’humains d’expériences spatio-temporelles: nous sommes d’abord tout ce dont nous nous souvenons. Notre plus grand effort: préserver cette identité, de la naissance, à la mort. Si l’on perd la mémoire, quelqu’un d’autre doit nous rappeler les visages et les choses, pour que notre vie conserve les fils d’une continuité nécessaire. Mais tout sera-t-il comme avant ?

Dans Élégie de mémoire (2016), le dramaturge britannique éclaire l’indicible douleur de celui qui porte seul le lourd fardeau des souvenirs. Tournant son regard vers un futur proche, il contemple l’Homme qui profitant des avantages de l’avancée des technologies et de la science, en payant souvent un lourd tribut. La pièce est fondée sur une condition hypothétique: articuler les dilemmes réels apparaissant à travers le temps dans les relations humaines.

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Lorna et Carrie sont unies par les liens du mariage depuis vingt ans. Elles s’aiment. Mais Lorna est atteinte d’une maladie de dégénérescence neuronale. Miriam, son médecin, lui propose alors un traitement salvateur pour éviter la fatalité. Cela lui permettra de vivre mais effacera une grande partie de ses souvenirs, en particulier les années passées avec sa femme qui seront effacées. La pièce est fondée sur des références médicales, ce qui renforce la tension dramatique, tout en évitant le mélodrame. Et Nick Payne a observé minutieusement la plus grande privation vécue par l’homme: à savoir ce gouffre incorrigible projeté sous forme exagérée par l’absence, la perte et le manque de l’Autre.
Le dramaturge gère brillamment le temps en déroulant les événements à l’envers: cela commence par la fin où Lorna, saine de corps, ne reconnaît pas du tout sa femme. L’enchaînement des scènes se fait donc à rebours et Nick Payne décrit de manière poignante les étapes d’une  décision douloureuse et met en lumière les limites de la bioéthique.

Dimitris Kioussis, avec un langage théâtral fluide et vivant, a su mettre en valeur dans sa traduction, les termes et explications scientifiques sur le langage expérimental. Fotis Makris qui signe une mise en scène bien-rythmée et les éclairages, insiste sur l’aspect spectaculaire et place les visages des interprètes à des postes de tir dans un environnement stérile et cauchemardesque, envahi d’écrans et de fils. Ces lumières exemplaires illustrent le traumatisme invisible d’un esprit dérangé. Images fortes d’une plaie ouverte.  Et nous avons aimé la précision et la dynamique de l’excellente vidéo de Foivos Samartzis qui a créé un espace à l’intérieur de l’espace, complétant ainsi de manière critique, les dialogues de Nick Payne. La musique de Nilos Karagiannis contribue à l’esthétique d’un environnement audiovisuel morbide  angoissant, voire proche de la terreur et Vassiliki Syrma a imaginé des costumes simples mais correspondant aux qualités des personnages.


Stella Krouska incarne avec sensibilité la psyché labyrinthique de Lorna et maîtrise les couleurs tonales de la voix dans les éclats dus à la maladie. Maria Tsima (Carrie) est profondément émouvante, quand elle capitule en silence, face à l’inévitable et elle souligne le sacrifice d’une femme qui aime sa compagne et qui veut le meilleur pour elle. L’actrice a su créer une sensualité à travers des vibrations intérieures impulsives. Fani Panagiotidou (Miriam) incarne ce médecin qui garde une distance par rapport à l’émotion  et qui accomplit son devoir avec une froide logique. Un rôle métonymique multidimensionnel où l’actrice met bien en valeur les thèmes de cette pièce. A voir.
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes.  T. : 0030 2106453330
 
https://www.youtube.com/watch?v=P4mT5mi4tTI