L’intrigue de cette tragédie rappelle celle d’un conte populaire, ou d’une parabole évangélique. Un vieux roi distribue richesse et pouvoir à ses filles Régane et Goneril, hypocrites et ingrates mais déshérite Cordelia la plus jeune, honnête et sincère.
Lear, tyrannique, vaniteux, égoïste et têtu mais sûr de sa grandeur, de sa puissance absolue et de son omniscience, croit qu’il est presque un dieu et qu’il a le droit de manipuler à volonté, les gens et leurs émotions.
William Shakespeare écrit ici une allégorie sur l’arrogance du pouvoir et sur la folie humaine. La grande passion et le tourment de Lear sont le purgatoire d’un homme qui découvre les grandes vérités de la vie et du monde, après avoir gravi toute l’ascension de la souffrance, causée à la fois par sa propre folie et la barbarie sociale… à laquelle il a amplement contribué.
Stratis Paschalis a écrit une version moderne et condensée de la célèbre pièce en vingt-six scènes et en un seul lieu, sous une immense coupole étoilée. Les époux des filles de Lear, d’autres rôles mineurs et une partie de la rhétorique exubérante de l’original sont absents. Et Kent et le Fou réunis en une seul personnage. Mais rien ne trahit le style et l’esprit du discours poétique.
Stathis Livathinos a gardé l’essence de la pièce et met en scène un XXI ème siècle dominé par la technologie numérique et les écrans. L’homme est captif d’une réalité virtuelle qui l’aliène de son prochain: une nouvelle forme de maladie… Et ce Lear qui n’a pas de trône, souffre, dans un service de soins intensifs en perpétuel mouvement.
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Hélène Manolopoulou a imaginé un environnement morbide et suffocant, avec nombreux écrans au centre de la scène où des câbles interminables délimitent et submergent l’espace. Les vidéos de Christos Dimas et les éclairages centraux d’Alekos Anastassiou capturent l’invisible et l’indicible du monde mental des personnages. Télémaque Moussas crée un environnement sonore renforçant le mystère et un climat menaçant, tout en soulignant la contribution de la Nature, dans la confrontation de Lear avec le monde.
Betty Arvaniti, grande comédienne grecque, souligne de manière évolutive et approfondie la cruauté, l’autoritarisme, l’ arrogance, la folie et la dimension tragique de ce Lear qui marche vers sa perte. Nikos Alexiou joue avec agilité et précision Kent et le Fou. Antonis Giannakos (Edgar) incarne avec souplesse, un désespoir confinant à la folie.
Nestoras Kopsidas (Gloucester) exprime sans détour l’expérience de la trahison, de la tromperie et de l’abus que subit ce personnage théâtral et exprime la relation conflictuelle entre le bien et le mal et Gal Robissa, est impressionnant en aventureux Edmond, avec un mouvement éloquent et un cynisme exemplaires.
Erato Pissi (Cordélia), Eva Simatou (Régane) et Virginia Tabaropoulou (Goneril) sont, avec clarté et poésie, des figures symboliques et elles agissent comme des vases communicants, mais aussi comme une loupe qui montrerait sous un jour encore plus repoussant, le visage de ce père tyrannique et abusif. Un spectacle à ne pas manquer !
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre de la rue Kefallinias, 18 rue Kefallinias, Athènes, T. : 0030210 8838727.
https://www.youtube.com/watch?v=aErWvcVbwVI