Grigorios Xénopoulos (1867 – 1951), membre de l’Académie
d’Athènes, figure parmi les dramaturges les plus importants et les plus joués
des débuts du vingtième siècle. Son œuvre littéraire (romans, nouvelles, pièces
de théâtre) a également intéressé les réalisateurs qui ont porté à l’écran
certaines de ses histoires, calquées sur la réalité ambiante. Aussi, ses sujets
embrassent-ils un vaste champ de thématiques appuyées sur la vérité idéologique
et culturelle de l’écrivain grec et de son entourage.
Grigorios Xénopoulos avait
vécu, en plus, les particularités de la politique en place, dominée par les
italiens qui avaient à l’époque cultivé l’esprit de la division du peuple, en
noblesse et en « popolari ». Cette idéologie, propre à la politique
dans les îles ioniennes, sous les italiens, traduisait une rupture au corpus
même du peuple qui se révoltait de temps à autre en réclamant son droit à l’égalité.
Pourtant, les problèmes sociaux ont plutôt fortifié, relativement vite, le
statut économique de ceux qui n’appartenaient pas à cette espèce de noblesse
décadente et oisive. Désormais riches, les gens du peuple dominent favorisés
par le commerce et le travail.
Le sujet en question traverse
de façon aiguë la pièce de Xénopoulos. Stella
Violanti est l’adaptation d’une nouvelle de l’auteur, intitulée Amour crucifié, étant donné que le motif
central porte à la lumière du jour l’histoire d’une jeune fille torturée par un
amour non vraiment partagé : son amoureux, noble appauvri, subit un
comportement futile et, à la fin, il s’oblige de trahir l’amour pur et chaste
de Stella qui doit également supporter l’humeur outrageante et la sévérité de
son père. Le dernier, riche bourgeois, gouverne chez lui en despote absolu qui
se soucie uniquement de l’opinion publique. Il ne peut accepter ni tolérer la
honte du comportement de sa fille. Il désire qu’elle se marie avec un vieux
mais très riche. Elle refuse. Elle aime Christakis. Il l’enferme dans une
mansarde. Néanmoins, la passion de Stella se dégénère en une obstination
mortelle : Stella ne veut plus vivre malgré l’attitude adoucie de son
père. Rien n’a plus d’importance une fois le malheur consommé.
La représentation athénienne,
au Théâtre « Dimitris Horn », rend avec exactitude les motivations
les plus cachées de chaque personnage impliqué au déroulement de l’action. Eugénie
Dimitropoulou, dans le rôle de Stella Violanti, se laisse montrer une
expression du pathos de l’héroïne qui lie la pièce, aussi bien à la société de
l’époque de Xénopoulos qu’à la société de tout temps scellé par le savoir faire
conformiste. Dans le rôle de la mère, Nektaria Yannoudaki interprète les deux
faces de la mère qui se soucie profondément du sort de sa fille. Son jeu
favorise la tension de la personne référentielle, conçue par l’auteur
dramatique et montre ainsi comment se cacher derrière le masque du « comme
il faut ».
En tant que père, Dimitris
Papanikolaou interprète également la tension en y ajoutant la force
psychologique du maître de tout ce qui respire dans la maison. Aux antipodes de
celui-ci, le rôle du frère, assumé par Ilias Latsis, se penche du côté de la
moquerie qui rend davantage plus futile l’histoire d’amour de sa sœur avec le
noble appauvri Christakis. Avgoustinos Koumoulos incarne avec justesse l’homme
dépourvu de tout honneur que promet sa caste.
Pénélope Markopoulou, comme
tante – nourrice, souligne la sentimentalité exhaustive de la femme dédiée en entier
à la personne de sa nièce, Stella. L’excellente comédienne joue avec son regard
et ses grimaces expressifs traduisant ainsi une personne de l’intrigue bien
travaillée. Dans le rôle de la servante, Athina Sakali complète l’impression d’un
ensemble des comédiens prompts et pleins de vitalité sur le plateau.
D’ailleurs, la mise en scène
de Georges Lyras, extrêmement bénéficiaire des bons résultats de tous les
acteurs, elle exploite aussi les avantages que lui offre la scénographie et les
costumes d’Apollon Papathéocharis. Il est à noter que Georges Lyras crée une
atmosphère fondée sur l’esthétique d’un naturalisme provoquant, ce qui met en
valeur le romantisme dépouillé du « romanzo ». On souligne pourtant l’extravagance
de la robe – piège que porte Stella ainsi que le parallélépipède de la table
énorme qui occupe le plein centre de l’action. Ces deux pointes indicatives
sont, malgré tout, de taille à annoncer un certain symbolisme qui ne se
manifeste pas encore. Cependant, la musique et certains effets sonores d’Antoine
Papakonstantinou fonctionnent, pensons nous, en présence d’éléments du
méta-moderne. De même l’éclairage d’Alexandros Alexandrou met l’accent sur l’extravagance
de quelques moments emportés par l’expressionisme d’une attente dépourvue de
substance opératoire.
Nektarios-Georgios Konstantinidis