Cette comédie créée par les Comédiens-Italiens en 1737 est une pièce de maturité. Marivaux a en effet quarante-neuf ans. Son écriture dramatique a changé: peut-être moins vive mais plus transparente à la réalité psychologique. Les répliques de ses personnages souvent distraits, laisse l’inconscient affleurer. Comme dans tout son théâtre, l’amour et sa naissance sont trahis par des propos dont la signification leur échappe mais sont évidents pour le public.
L’énonciation qui structure toute réplique est ici mise au service d’une révélation à double détente : d’abord pour le spectateur: dans un premier temps, le personnage ignore qu’il est amoureux, triche avec lui-même, fuit la réalité de ses sentiments, puis voit enfin clair en lui-même… La pièce s’achève alors par l’aveu, la déclaration, et la mise au net. Le marivaudage raconte toujours un peu la même histoire : celle d’un amour inconscient mais lisible par le spectateur. Et peu à peu, ce triomphe des obstacles, le plus souvent intérieurs. Dans Les Fausses Confidences, Araminte doit accepter d’aimer au-dessous de sa condition et en rupture avec les ambitions de sa mère rêvant qu’elle épouse un aristocrate plutôt qu’un simple intendant désargenté. Marivaux oblige chacun à être au clair avec son propre désir et place le désir amoureux au-dessus des intérêts pour en en faire une force vive. Araminte parvient ainsi à être en harmonie avec elle-même et à exercer pleinement sa liberté de femme émancipée par son veuvage. Dubois a beau être un valet machiavélique aux motivations un peu mystérieuses mais, avec véritable maïeutique, il aidera Araminte à accoucher de sa propre vérité.
Le personnage chez Marivaux a peur de se découvrir désirant et de n’avoir plus la maîtrise de soi. Plus le désir est puissant, plus il plonge l’être qui le ressent dans un chaos qui menace son identité. La surprise et la naissance de l’amour, telles que le célèbre auteur français les met en scène, restent d’une profonde actualité. Les sociétés changent, et avec elles, les préjugés et relations entre hommes et femmes. Mais le désir reste toujours une grande révolution intérieure et l’amour, une extraordinaire aventure où l’on se perd, pour mieux se trouver.
Marivaux mieux que personne, décrit avec la plus grande minutie cette révolution intérieure, ce branle-bas dans notre inconscient que nos paroles révèlent en échappant à notre propre intelligence, en devenant un « lapsus» sur lequel -bien avant Freud- est souvent fondé le délicat comique de ce théâtre.
Mais Fotis Makris n’est pas arrivé pas à saisir l’esprit du marivaudage avec tous ses sous-entendus et il crée alors une sorte de méta-texte aux trouvailles para-linguistiques et il a tendance à commenter presque chaque réplique.
Mais Fotis Makris n’est pas arrivé pas à saisir l’esprit du marivaudage avec tous ses sous-entendus et il crée alors une sorte de méta-texte aux trouvailles para-linguistiques et il a tendance à commenter presque chaque réplique.
C’est une version « moderne » de la pièce mais ici une gestualité parfois excessive prétend expliquer le texte, et des musiques illustratives interrompent l’action. Dans un salon où domine la couleur rose, dans le jardin un écran de télévision diffuse à des moments précis, des extraits des documentaires sur la reproduction de reptiles, une émission de gymnastique, des scènes de films pornos…. Bref, une association d’images superficielles pour provoquer et/ou désorienter le public. Avec toujours une tendance à commenter sentiments et motivations des personnages. A la fin, la scène reste vide d’accessoires. Les comédiens, en costume contemporain, jouent selon l’esthétique du metteur en scène, avec force paradoxes: ce qui pourrait être intéressant dans une recherche expérimentale mais qui n’a pas du tout sa place ici. Mais il faut mentionner la traduction exceptionnelle d’Andréas Staikos, grand spécialiste du dramaturge français, qui a réussi, lui, à recréer l’esprit du marivaudage.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes, T. : 0030 210 64 53 330
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