Τετάρτη 12 Απριλίου 2017

Antigone de Jean Anouilh, mise en scène d’Hélène Efthymiou (spectacle en grec)

     
    Jean Anouilh est un auteur dramatique qui se distingue par la diversité des sujets qu’il emploie ainsi que de la forme des situations sur lesquelles il s’appuie, pour montrer le lien entre la vie et le fait « théâtre » qui la dépasse. En effet, son microcosme théâtral décrit la partie métonymique des choses qui tissent les occupations et les préoccupations quotidiennes. Ainsi, la métaphore acquiert sa place entière et devient ultra-fonctionnelle à partir du moment où elle traduit et interprète le passage d’une réalité historique à une réalité fantasmatique, fictionnelle.

      Dans sa pièce Antigone, Anouilh garde intacte la fable archétypale de la tragédie de Sophocle tout en lui insufflant l’air de l’époque aux alentours de 1944, date de la première représentation de la pièce devant le public français. Toutefois, l’intertexte d’Anouilh se construit petit à petit, au fur et à mesure que l’entre-deux-guerres fournit des exemples de tortures et de luttes humaines qui poussent les intellectuels, écrivains et artistes, à la protestation pour dénoncer le totalitarisme et tout ce qu’engendre de maléfique à savoir l’esprit nazi et le fascisme. Aussi, l’entre-deux-guerres s’enrichit-il de potentiel en ce qui concerne la révolte et la résistance contre l’horreur et les atrocités de la Seconde Guerre Mondiale. De toute façon, Antigone antique est déjà synonyme de résistance. Elle se place du côté de ceux qui aspirent à exercer leur devoir de citoyen face à ceux qui exercent le pouvoir. Antigone d’Anouilh dénonce l’élément conflictuel au profit d’une cité pacifique et favorable envers les citoyens consciencieux réclamant leur droit à la désobéissance à l’égard d’un système politique considéré comme injuste.
      Notons que le nouvel élément qu’apporte l’intertexte d’Antigone, d’après Jean Anouilh, se base sur le renouvellement du « contrat » entre les vieux systèmes de valeurs mis en cause. En outre, on remet en vigueur les vieux codes coutumieux dans le but d’y reconnaître la valeur universelle de tel ou tel élément qui codifie l’histoire dans l’ « ici et maintenant ». De cette manière, l’actualisation d’Antigone de Sophocle s’avère un acte de grande importance au niveau de la symbolisation, comme procédure qui assure la codification de l’archétype et sa portée dans l’actualité. Anouilh respecte la matière première qui lui est offerte par le texte du poète tragique grec. Comme son précédant, il focalise sur l’ « agon » de logos, donc sur la lutte au niveau de l’argumentation formulée dans la perspective d’exprimer une opinion. C’est ainsi qu’Anouilh formule le discours de la bravoure et du sentiment face au discours du devoir et de la raison. Sous cette optique, le conflit paraît inévitable si l’on y ajoute l’intransigeance des uns et des autres. A partir de là, le discours du tragique, renouvelé par Anouilh, remet en situation l’homme en train de se mesurer avec ses propres ressources foncières de l’ « égo » coexistentiel.
       Il est à souligner que la traduction grecque de Stratis Paschalis se met au service de l’auteur français dans une « rencontre » des plus harmonieuses au niveau de la production de signification. En ce qui concerne la thématique surtout, le traducteur grec conduit son texte à la découverte d’un univers tout nouveau, attaché pourtant au climat conflictuel qui a fait naître, d’abord la « mythologie » d’Antigone à travers Sophocle, puis celle d’Anouilh. Antigone d’Anouilh prend ses distances par rapport à l’antiquité, juste pour mettre à la lumière du jour les antinomies de tout conflit majeur, élaboré dans un centre, c’est-à-dire dans un huis clos caractéristique pour emmener au plus profond et au plus large du discours de la guerre. Stratis Paschalis traduit en interprète convaincu l’intertexte d’Anouilh, tout en le traitant comme une occasion de toucher à des problèmes de l’actualité crue et cruelle. L’on dirait, d’ailleurs, que la traduction de Paschalis en constitue un nouvel intertexte qui commente la dialectique de l’allusion et des mots couverts jusqu’à ce qu’éclate ce quelque chose depuis longtemps attendu avec aversion.
       Antigone d’Anouilh est représentée dans le cadre du Festival d’Athènes, au Théâtre « Rex », sous la direction d’Hélène Efthymiou, dans une mise en scène particulièrement choquante, vue l’ambiance maladive dans laquelle plonge l’histoire de la fille d’Œdipe. C’est plutôt cet élément qui constitue le détail significatif du discours conflictuel, demi « innocent » et/ou inoffensif et demi nuisible et mortel. En effet, la fable d’Antigone d’Anouilh se développe dans une maison de retraite, un asile ou même un endroit dans un hôpital d’invalides, parfaitement dessiné et mis sur pied par la scénographie de Zoé Molyvda Fameli. Les objets qui indiquent la signifiance de la localité sont les ventilateurs, utilisés comme objet – extase, manipulés dans le but de renforcer l’air maladif dans son mouvement perpétuellement clos. Les « habitants » de cet espace semblent irrévocablement cloués et immobiles.
       Dans le rôle d’Antigone, Vassiliki Troufacou donne plutôt l’impression de raconter l’itinéraire du personnage et de la personnalité d’Antigone, sans approfondir vraiment aux profondeurs de l’héroïne tragique. Par contre, Stelios Maïnas, en tant que Créon, conduit le spectacle entier à d’autres horizons beaucoup plus solides et sensibles, pour ce qui est les fondements de l’archétype du pouvoir vilipendé par les circonstances dues à l’impotence. 
       Le Chœur, incarné par l’acteur Phédon Kastris, exprime le fonctionnement du « masque » qui met en miettes le personnage référé. Aussi, la Nourrice d’Aneza Papadopoulou, crée-t-elle une présence faite de sympathie et d’acceptation. En outre, l’Ismène de Jeanne Mavréa et l’Hémon de Georges Frintzilas jouent entre la mesure et la démesure dans le jeu de l’acteur. De même, les gardes de Nicos Dalas et d’Erricos Litsis construisent une paire dynamique au niveau de leur participation artistique qui ne passe pas inaperçu. D’ailleurs, Erricos Miliaris, comme le Page de Créon, malgré le peu de paroles, qui lui sont fournies, souligne sa présence de façon particulière ainsi que Marie Liami, qui incarne le personnage muet d’Eurydice traversant majestueusement l’espace dans sa marche vers le suicide.
       Il est à noter que la pièce d’Anouilh se termine sur les paroles de l’écrivain montrant la mise en place des gardes, une fois que la fable prend fin. Le Chœur dit : « Il ne reste plus que les gardes. Eux, tout ca, cela leur est égal ; c’est pas leurs oignons. Ils continuent à jouer aux  cartes… ». Cependant, la mise en scène passe outre les indications de l’auteur, comme il aurait fallu faire, d’après nous, et ne saisit pas l’occasion de montrer la suite peu flattante à travers l’indifférence des gardes face au sérieux de l’histoire : pour eux, le destin fait son travail. A Thèbes, on attend le retour de Sphinx et d’Œdipe comme si de rien n’était.

Festival d’Athènes 2016

Nektarios-Georgios Konstantinidis


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