Les pièces de Jean
Genet (1910 – 1986) présentent une poétique à portée sociale : son
expérience de la condition pénitentiaire, de la prostitution, du racisme
(contre les Noirs, les femmes, les colons). Ces créations artistiques sont « un
peu politiques », d’après l’écrivain, « dans ce sens où elles
abordent la politique obliquement. Ainsi, « aborder les situations
sociales qui provoquent une politique » tel est la dynamique de son
théâtre. Par la suite, c’est le théoricien de l’art et l’homme d’action dans un
mouvement purement révolutionnaire qui nous communique ses découvertes au
niveau artistique, humain, social et politique.
Le Funambule, publié pour
la première fois en 1958, nous fait découvrir l’artiste avec ses déchirements,
son ascèse dans sa marche vers la perfection. « Quatre heures à Chatila »,
article écrit après les massacres de Chatila en 1982, laisse apparaître son
nouveau langage, celui de l’engagement politique où la révolte, la passion, la
mort et la régénération se rencontrent et s’associent.
Dix ans avant 1968 et la
révolution estudiantine en France, celle de Prague et d’autres mouvements
libérateurs partout dans le monde, Jean
Genet définit le rôle de l’artiste dans ses écrits : L’atelier
de Giacometti, Ce qui est resté d’un Rembrandt déchiré et Le
Funambule. Il est fasciné par ces arts de l’espace, sculpture,
peinture, funambulisme qui donnent forme à l’informe et tentent de visualiser l’image
intérieure s’éloignant des faux-semblants, des manifestations visibles. Le funambule
permet à l’écrivain de donner une réalité sensible à ce qui n’était qu’absence.
Il arrive même à la transcendance, puisque sur le fil, l’artiste danse pour
Dieu, qui n’est que la somme de toutes ses possibilités.
Jean Genet, à l’aide de mots, élabore le statut d’artiste,
androgyne, être parfait tantôt dominé, tantôt dominant « gibier et
chasseur » à la fois. L’artiste travaille dans une solitude mortelle qui
cache sa blessure secrète. Le funambule, au costume rouge et doré, au
maquillage excessif, représente le Monstre, figure singulière du cirque,
remontée des époques diluviennes. Le danseur sur la corde suit une étape
initiatique dans la solitude exempté de toute prétention. Ce rite de passage
lui permettra d’accéder à une contrée fabuleuse. Le funambule incarne pour Genet l’acteur parfait, une « surmarionette »,
qu’il voulait pour le spectacle explosif dont il rêvait.
L’idée de l’artiste solitaire
et maudit n’est pas nouvelle. Baudelaire, Rimbaud, Nerval l’ont exprimée. Ce qui
est nouveau dans la création de Genet,
c’est que le funambule se cache dans le déshérité, la clocharde, pour rendre
plus extraordinaire sa métamorphose en artiste étincelant. Cette Figure représente
toute l’humanité : dominants, dominés et exclus.
Le spectacle que propose Zoi Manda se construit à des
matérielles élémentaires et essentielles qui renforcent la dynamique du
discours : la corporalité et le dessein – symbole. La ligne – corde, signe
des oppositions traitées dans le texte, domine à la scénographie, grâce à la
technologie (projection vidéo) qui contribue à la création d’un « dialogue »
avec les corps des acteurs. La mise en scène partage le texte en deux comédiens,
un homme (Lefteris Papakostas) et
une femme (Vallia Papachristou) qui incarnent la personnalité de l’artiste
en tant que idée ou idéologie. D’ailleurs, le décor (semé de figures
géométriques) facilite l’expression corporelle qui souligne la trajectoire des
instantanés. L’espace et la lumière « se transforment »
continuellement pour tracer les lignes de démarcation d’un itinéraire qui
jongle avec le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux, le secret et le
mensonge, la vie et la mort.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Argo, « Small Argo full of Art », 15,
rue Elefsinion, Metaxourghio, Athènes, tél. 0030 210 52 01 684
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