Cette compagnie de théâtre antique, qui porte le nom de l’aède aveugle dans L’Odyssée, a été créée par Philippe Brunet en 1995 pour dire et jouer l’épopée d’Homère et interpréter la musique grecque ancienne. Il est l’auteur d’une thèse de doctorat sur Le vers dactylique lyrique dans la tragédie grecque. En 2005-2007, la compagnie a dit à trois reprises toute L’Iliade. Puis a lancé, avec la Sorbonne le festival des Dionysies en 2006 et chaque année, fait battre le cœur de Paris au rythme de grandes œuvres de l’Antiquité. Elle joue Antigone depuis 2005 mais Philippe Brunet en a modifié la mise en scène, comme l’a suggéré de Yoshi Oida, le grand acteur de Peter Brook. Antigone avec Œdipe roi est le chef-d’œuvre de Sophocle qui a créé cette héroïne féminine symbolisant la supériorité des lois non écrites sur les lois écrites. Autrefois, le Groupe de Théâtre Antique de la Sorbonne, fondé entre autres par Roland Barthes, a recréé en mai 1936 Les Perses d’Eschyle dans la cour de la Sorbonne, puis à Épidaure (Grèce), Vaison-la-Romaine, Parme, etc. avec personnages demi-masqués et douze choreutes. Aujourd’hui, la troupe Démodocos lui a, en quelque sorte, succédé.
Le spectacle (en français avec quelques répliques en grec ancien) qui nous a profondément touchés ; s’est joué le site de la Pnyx où on a une vue magnifique sur l’Acropole et le mont Lycabette. Sur cette colline, les citoyens débattaient des questions essentielles à la vie de la Cité. Philippe Brunet qui a mis en scène Henri de Sabates (Ismène, Le Garde, Tirésias et Eurydice), Philippe Brunet (Antigone et Hémon) et Nicolas Lakshmanan (Créon, Le Messager) respecte la règle des trois acteurs masqués, telle qu’Aristote l’avait énoncée dans sa Poétique en attribuant à Sophocle, l’introduction d’un troisième acteur. Le Chœur est masqué lui aussi: Maël Bailly à la flûte, François Cam, le compositeur (à la lyre) et Yannis Cleret. Avec un double travail de chant rythmé en grec et de prosodie en français. A cette scansion assortie d’une création musicale selon les règles harmoniques retrouvées par les musicographes de l’Antiquité comme François Cam, s’ajoute un travail de chorégraphie expérimenté au fil des ans. Le battement des pieds rythme le vers antique : l’anapeste: trois syllabes avec deux brèves suivies d’une longue, le dactyle avec une longue et deux brèves…
«Être contemporain pour les personnages d’Antigone dit Philippe Brunet, ce n’est pas rejoindre l’actualité culturelle et la revendication strictement politique (l’erreur de Créon), mais prendre conscience des structures religieuses fondant le cosmos, et des personnages mythiques. Mettre en scène Antigone, c’est aussi faire parler le grec ancien, langue de mémoire, fondamentale, non pas élitiste et bourgeoise, mais trans-communautaire, et qui doit être mise à la portée de tous, à travers le rythme du français, dans un échange prosodique infini.
Faire entendre le grec ancien, ce n’est pas chercher à imiter ou à reconstituer une pièce selon une démarche académique fondée sur une prétendue archéologie mais essayer de réintroduire le rituel fondateur de l’acte théâtral. Avec loyauté et sans référence existante dans l’absolu.
Le théâtre devient alors nomade sur la route de la Soie qui a conduit les masques grecs jusqu’au Japon et à Bali. En revenant de l’Extrême-Orient, on peut réapprendre à associer rythme de la parole et rythme des pas, en recréant cette machine vivante de théâtre proche de la marionnette qu’est l’acteur masqué. »
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Spectacle vu le 28 mai sur le site de la Pnyx, aux Journées athéniennes, en partenariat avec Le Figaro Histoire, la Mairie et l’Académie d’Athènes.
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