Sans doute dans l’intention d’attaquer le parti dévot et, en particulier, les membres de l’influente Compagnie du Saint-Sacrement, Molière a-t-il voulu peindre un hypocrite prêchant la religion la plus austère pour mieux profiter de la naïveté de sa future victime.
Tartuffe parvient ainsi à s’introduire dans la maison d’Orgon, un grand bourgeois dont il veut capter la fortune et séduire l’épouse. Deux camps se forment alors: Orgon et sa mère, Madame Pernelle qui croient en la sincérité de cet imposteur.
Mais Dorine, la fidèle servante, Elmire, l’épouse et Damis et Marianne, les enfants d’Orgon, son beau-frère, Cléante et sa femme Elmire sont eux beaucoup plus lucides. Leurs actions combinées finiront par ouvrir les yeux d’Orgon, mais trop tard! Tartuffe a déjà pris possession de la maison , grâce à un acte qu’il a discrètement fait signer à Orgon. Mais un deus ex machina, en l’occurrence, Louis XIV lui-même, sauvera au dernier moment le patrimoine de cette famille.
Yannis Dalianis nous offre un spectacle moderne, plein de musique et de couleurs, dans une version qui respecte l’esprit du texte. Mais en dialoguant avec l’actualité. Belles trouvailles, jeux de mots, scènes improvisées et allusions discrètes rappellent et commentent l’abus de pouvoir, les harcèlements sexuels et tous les côtés négatifs de la vie politique contemporaine. Le rôle de Valère, le jeune amoureux de Marianne, a été supprimé: selon le metteur en scène, il retardait l’évolution de la pièce… Marianne, elle, devient une vivante-morte qui se sacrifie et Damis, un homosexuel. Et il y a très intéressant, un rôle-surprise: le valet de Tartuffe qui reste silencieux quand à la fin, il dévoile ses vraies intentions. Le metteur en scène utilise les chansons d’Elvis Prisley comme moyen de séduction.
Le jeu des comédiens est plein de brio et d’énergie et Manos Karatzoyannis incarne un Tartuffe exceptionnel. Il réussit à bien mettre en valeur le sarcasme et l’obscurité de ce personnage complexe. Une adaptation à ne pas manquer.
Ce spectacle est dédié à la mémoire du grand metteur en scène Lefteris Voyatzis, mort en 2013. Il avait mis en scène L’Ecole des Femmes et Le Misanthrope, que le public et la critique avait beaucoup appréciés. Et il avait aussi joué le rôle de Tartuffe sous la direction de Spiros Evaggelatos.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Stathmos, 55 rue Victor Hugo, Athènes. T. : 0030210523026
https://www.youtube.com/watch?v=-RxsSdZdcnI
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