Σάββατο 17 Φεβρουαρίου 2018

Ubu roi d’Alfred Jarry, traduction d’Achilleas Kyriakidis, mise en scène Manos Vavadakis, Théâtre National de la Grèce

     

       L’intrigue est simple. Ancien roi d’Aragon, Ubu renverse le roi de Pologne qui est son bienfaiteur. Il fait lâchement massacrer tous ceux qui constituent un obstacle entre lui et le trône. La pièce qui est une réécriture parodique de Macbeth de Shakespeare, nous fait aussi penser à la folie de Caligula que Camus peindra plus tard dans sa fameuse œuvre. En fait, Alfred Jarry fait de l’absurde dans Ubu Roi un instrument d’introspection individuelle autant que de contestation sociale. Nous pouvons signaler qu’il annonce le théâtre de l’absurde. On retrouve dans sa trilogie des souvenirs d’Œdipe roi de Sophocle.  

       Symbole de la cruauté, Ubu est un despote haï. Il représente les instincts les plus bas et il n’a rien de sympathique en tuant aveuglément ses adversaires. Il devient ainsi maître de l’absurde comme il incarne l’arbitraire du pouvoir. C’est un personnage de farce. Ses traits et ses gestes sont démesurément grandis. Il nous permet de gouter à la puissance de subversion et à l’insolence de l’enfance, des jeunes collégiens de Rennes. Jarry s’amusait avec ses camarades de lycée à railler son professeur de physique, M. Hébert. De ces plaisanteries de potaches naît la figure d’Ubu, qui déclenche un immense scandale le 10 décembre 1896, lors de la première représentation d’Ubu roi au Théâtre de l’Œuvre.
       Jarry est le précurseur des dadaïstes et des surréalistes qui ont vu dans Ubu Roi l’expression de l’inconscient. Tout en restant loin des écoles, il ouvre la voie à de nombreux dramaturges et mouvements. En son honneur, en 1926, Antonin Artaud et Roger Vitrac créent le Théâtre « Alfred Jarry ».
       La traduction en grec par Achilleas Kyriakidis propose des énoncés qui gardent intact l’esprit railleur de l’écrivain tout en soulignant le caractère grossier d’une expression comique, disons aristophanienne. Un texte plein des solutions adéquates qui transposent le style baroque d’une écriture qui s’étend de la vulgarité des paroles au paradoxe des situations. D’ailleurs, la mise en scène de Manos Vavadakis se plonge dans un scepticisme mélancolique du début à la fin du spectacle. Aucun changement politique n’apporte quelque chose vraiment de nouveau et tout reste condamné à un cercle vicieux. La crise économique ne prend jamais fin. Ceux qui exercent le pouvoir se comportent toujours d’une avidité nuisible pour l’ensemble de la société. Le peuple en est assez des promesses mais tombe toujours au piège d’un bon orateur qui rêve seulement à satisfaire ses ambitions personnelles.
        La scénographie de Manos Vavadakis projette deux mondes où règne le spectacle : un écran et une sorte de boite de nuit. Les costumes de Giorgina Germanou soutiennent par des éléments hétéroclites le factice et le kitch. La lumière de Stella Kaltsou et surtout la couleur rouge renforce une esthétique qui baigne entre le burlesque et le grotesque. La musique de Giannis Niarros et de Christos Mastroyiannidis anime le caractère comique des scènes. Notons que le video art de Giorgos Tsirogiannis, le décor et les costumes renvoient au jeu vidéo et à la fameuse série « Stars wars ». Cette procédure de parodie crée une sorte de critique de la part de la mise en scène envers l’actualité contemporaine de la Grèce.
        Les comédiens de la troupe (Manos Vavadakis, Stella Voyiatzaki, Chara-Mata Giannatou, Panaghiotis Exaerheas, Katerina Zissoudi, Aris Laskos, Maria Moschouri, Giannis Niarros) jouent les rôles d’un expressionnisme modéré qui trace des lignes de démarcation entre les mouvements légers et les grimaces cruelles. Ils gardent une vivacité et une exagération indispensables au caractère de la pièce.      

Nektarios – Georgios Konstantinidis


Théâtre National de la Grèce, Théâtre « Rex », Scène d’expérimentation -1 (Scène « Katina Paxinou »), 48 rue Panepistimiou, tél. 0030 210 33 01 881

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