L’intrigue est simple. Ancien
roi d’Aragon, Ubu renverse le roi de Pologne qui est son bienfaiteur. Il fait
lâchement massacrer tous ceux qui constituent un obstacle entre lui et le
trône. La pièce qui est une réécriture parodique de Macbeth de Shakespeare, nous fait aussi penser à la folie de
Caligula que Camus peindra plus tard dans sa fameuse œuvre. En fait, Alfred Jarry fait de l’absurde dans Ubu
Roi un instrument d’introspection individuelle autant que de
contestation sociale. Nous pouvons signaler qu’il annonce le théâtre de
l’absurde. On retrouve dans sa trilogie des souvenirs d’Œdipe roi de Sophocle.
Symbole de la cruauté, Ubu est
un despote haï. Il représente les instincts les plus bas et il n’a rien de
sympathique en tuant aveuglément ses adversaires. Il devient ainsi maître de
l’absurde comme il incarne l’arbitraire du pouvoir. C’est un personnage de
farce. Ses traits et ses gestes sont démesurément grandis. Il nous permet de
gouter à la puissance de subversion et à l’insolence de l’enfance, des jeunes
collégiens de Rennes. Jarry s’amusait avec ses camarades de lycée à railler son
professeur de physique, M. Hébert. De ces plaisanteries de potaches naît la
figure d’Ubu, qui déclenche un immense scandale le 10 décembre 1896, lors de la
première représentation d’Ubu roi au
Théâtre de l’Œuvre.
Jarry est le précurseur des
dadaïstes et des surréalistes qui ont vu dans Ubu Roi l’expression de l’inconscient. Tout en restant loin des
écoles, il ouvre la voie à de nombreux dramaturges et mouvements. En son
honneur, en 1926, Antonin Artaud et Roger Vitrac créent le Théâtre
« Alfred Jarry ».
La traduction en grec par Achilleas Kyriakidis propose des
énoncés qui gardent intact l’esprit railleur de l’écrivain tout en soulignant
le caractère grossier d’une expression comique, disons aristophanienne. Un
texte plein des solutions adéquates qui transposent le style baroque d’une
écriture qui s’étend de la vulgarité des paroles au paradoxe des situations.
D’ailleurs, la mise en scène de Manos
Vavadakis se plonge dans un scepticisme mélancolique du début à la fin du
spectacle. Aucun changement politique n’apporte quelque chose vraiment de
nouveau et tout reste condamné à un cercle vicieux. La crise économique ne
prend jamais fin. Ceux qui exercent le pouvoir se comportent toujours d’une
avidité nuisible pour l’ensemble de la société. Le peuple en est assez des
promesses mais tombe toujours au piège d’un bon orateur qui rêve seulement à
satisfaire ses ambitions personnelles.
La scénographie de Manos Vavadakis projette deux mondes où règne le spectacle :
un écran et une sorte de boite de nuit. Les costumes de Giorgina Germanou soutiennent par des éléments hétéroclites le
factice et le kitch. La lumière de Stella
Kaltsou et surtout la couleur rouge renforce une esthétique qui baigne
entre le burlesque et le grotesque. La musique de Giannis Niarros et de Christos
Mastroyiannidis anime le caractère comique des scènes. Notons que le video
art de Giorgos Tsirogiannis, le
décor et les costumes renvoient au jeu vidéo et à la fameuse série « Stars
wars ». Cette procédure de parodie crée une sorte de critique de la part
de la mise en scène envers l’actualité contemporaine de la Grèce.
Les comédiens de la troupe (Manos Vavadakis, Stella Voyiatzaki,
Chara-Mata Giannatou, Panaghiotis Exaerheas, Katerina Zissoudi, Aris Laskos,
Maria Moschouri, Giannis Niarros) jouent les rôles d’un expressionnisme
modéré qui trace des lignes de démarcation entre les mouvements légers et les
grimaces cruelles. Ils gardent une vivacité et une exagération indispensables
au caractère de la pièce.
Nektarios – Georgios Konstantinidis
Théâtre National de la Grèce, Théâtre « Rex »,
Scène d’expérimentation -1 (Scène « Katina Paxinou »), 48 rue Panepistimiou,
tél. 0030 210 33 01 881
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