Ce livre édité en 1925, après la mort de l’écrivain praguois de langue allemande, relate les mésaventures de Joseph K. (on ignore son nom de famille complet). Il se réveille un matin et, pour une raison obscure, sera arrêté et soumis aux rigueurs de la Justice. Ce Procès est une critique du système judiciaire, machine anonyme à broyer les individus. Avec des juges, avocats, policiers… tous gangrenés par la corruption et la bureaucratie. Mais une analyse plus fine relève d’autres thèmes récurrents chez Franz Kafka: absurdité et inhumanité du monde moderne, totalitarisme, aliénation de la subjectivité, ce dont le philosophe et sociologue Herbert Marcuse (1898-1979) parle dans L’Homme unidimensionnel…
Dès le début, ce récit illogique est augmenté par ce qui arrive à Joseph K. L’absurde total semble désigner chez Franz Kafka un vide rationnel dans le monde, dans la mesure où tout a été englouti par une hyper-rationalisation. L’Ecole de Francfort, notamment Theodor W. Adorno, verra ce processus comme l’avènement d’un monde totalitaire et devenant inhumain, car hostile à la subjectivité. L’homme n’a plus alors d’autre choix que de se fondre dans la foule…
J. K. -qui n’a pas de nom!- est à vrai dire insaisissable et énigmatique : l’homme en général est opaque pour lui-même et je est un autre. Une thématique approfondie par Martin Heidegger dans Etre et Temps où il décrit le monde public, comme une dictature du : on, et une forme d’inauthenticité. Chez Kafka, autrui est le bourreau, comme il le sera dans Huis-Clos de Jean-Paul Sartre. Son anti-héro, vit dans l’inauthenticité. Accusé sans doute à tort, il finit par abdiquer et se persuadera qu’il est coupable. Alors qu’il pourrait s’échapper du tribunal, J. K. préfère se laisser tuer après s’être laissé dominer par une société qui l’a objectivé et rivé dans sa culpabilité. Il a abandonné toute volonté de vivre et sera abattu comme un chien.On reconnaît ici des thèses développées par Nietzsche sur le dernier homme, ou celles de Sartre sur la mauvaise foi.
Cela se passe au sous-sol du théâtre-laboratoire de recherche Koryvantes. Dans la pénombre, salle et scène ne font qu’un et forment un univers kafkaïen engendrant angoisse et terreur.
Le public, en témoin oculaire, fait l’expérience de la situation absurde et du cauchemar vécu par J. K.. A la lumière des bougies et dans une pénombre qui dissimule et dévoile à la fois une scène-labyrinthe où se déroule chaque séquence. Ici, le temps se dilate avec de longs silences éloquents mais avec aussi des bruits et des musiques qui augmentent la peur.
Andreas Kokakis (Joseph K. ) et Andreas Theocharis qui incarne de façon aussi remarquable les autres personnages du roman, réussissent à nous transporter dans l’univers suffocant de Franz Kafka. Et la scène du peintre (Andrea Theocharis) dans son vieil atelier -la seule en couleurs- est d’une grande beauté… comme les autres dans la pénombre, entre autres celle du fouet symbolisant très bien la cruauté, pour arriver au coup de feu du dénouement. A distance des acteurs, nous avons fait le plein d’émotions et ce rituel scénique serait sans doute apprécié par le public d’un grand festival comme, entre autres, celui d’Avignon…
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Koryvantes, 78 rue Myllerou, Athènes, T. : 0030 2155404045.
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