Qui a tué mon père n’est pas une question mais une accusation. L’auteur dresse la liste de ceux qu’il juge responsables de la destruction du corps paternel. Selon lui, les présidents comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron… ont mené des réformes qui ont abimé la vie des plus démunis. Il dit vouloir faire entrer par vengeance ces noms de politiques dans l’Histoire. Louis critique ici la croyance populaire selon laquelle la Culture à l’école serait aux antipodes de l’affirmation d’une identité sexuelle masculine.
Dans cet espace de domination selon lui, s’y soumettre équivaudrait à avoir une identité sexuelle féminine. Rien d’étonnant, puisque dans les représentations littéraires de l’école, le premier de la classe s’oppose au cancre. Le premier séduit très peu, alors que le second est le symbole de la masculinité révoltée contre l’ordre établi. Un cancre est considéré plus viril. L’échec scolaire semble correspondre à un idéal de la masculinité, alors que la réussite est associée à la féminité, mais pas uniquement.
Les ouvriers, dont l’histoire politique n’est pas encore écrite dans les manuels d’histoire, subissent le même sort que la masculinité qui se construit en marge des systèmes éducatifs. Cette littérature veut dénoncer l’acte oppressif d’une Histoire excluant les pauvres, les personnes racisées ou les minorités sexuelles.
Est-ce une pièce de théâtre? Plutôt un récit adressé et il y a donc théâtre. Edouard Louis commence par un beau préambule: «Si c’était un texte de théâtre, c’est avec ces mots-là, qu’il faudrait commencer : un père et un fils sont à quelques mètres l’un de l’autre dans un grand espace vide.»Exactement ce que nous voyons et Christos Théodoridis, avec de grandes qualités d’évocation, parle avec une douceur amère, de la violence homophobe. Un hangar vide est transformé en salle de théâtre, soit un vaste espace avec peu d’objets, un grand lit, un frigo, un micro-ondes et quelques ustensiles de cuisine. À travers des fragments mémoriels, les comédiens interprètent ce monologue viscéral en alternant les personnages du fils, du père et des autres personnages.
Le spectacle commence par un très long silence: face à face, Denis Makris sur le lit et Giorgos Kissandrakis debout. Le texte se raconte à travers les corps, les voix et surtout le regard. «Regarde-moi» répètent-ils souvent. Et ils soulignent le droit pour chacun d’être différent et aussi ce qu’il veut être. Une gestualité et une expression exemplaire avec panache et conviction pour dire les mots de ce roman-pamphlet. Tantôt parole fracassante, tantôt simple murmure, ce texte frontal d’une grande intensité nous étreint. Et tout ce qu’il énonce, est parfaitement audible…
Nektarios-Georgios Konstantinidis
ΠΛΥΦΑ, 39 rue Korytsas, Athènes, T. : 00306938690612
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