Après avoir fait fortune au loin et s’être marié, Jan arrive incognito en Bohème dans l’auberge que tiennent sa sœur, Martha et sa mère. Elles ont pris habitude d’assassiner les riches voyageurs pour les dévaliser. L’une a des scrupules mais l’autre est mue par le ressentiment. Quand elles découvrent qui est leur dernière victime, la mère se suicide et Martha aussi, après avoir crié sa haine du monde. Il n’y a plus personne pour consoler Maria, l’épouse de Jan. Et le vieux domestique se montre insensible à sa détresse.
En somme, le fils prodigue n’a pas trouvé les mots appropriés et cet homme de bonne volonté a été un piètre metteur en scène et acteur. En se faisant passer pour un autre, il a lui-même mis en marche l’engrenage qui va le broyer. Les malencontreuses interventions du domestique empêchent ces femmes de connaître l’identité de leur future victime. La lassitude de la mère, l’inhumanité de Martha frustrée de bonheur, contribuent aussi à un dénouement qui aurait pu être évité.
Dans ce lieu clos où l’on est exilé pour toujours, les personnages communiquent difficilement et les silences sont pesants. Avec cette fable, Albert Camus actualise le vieux schéma du quiproquo tragique. Comme dans les tragédies Iphigénie en Tauride, Œdipe roi et surtout Électre. Mais ici, différence fondamentale: Albert Camus venait d’écrire dans Le Mythe de Sisyphe, que le destin est «une affaire d’hommes qui doit être réglée entre les hommes». Construction en trois actes, strict respect des unités, dialogues et monologues de haut niveau: on a placé Le Malentendu du côté de la tradition théâtrale, à un moment où elle était contestée.
Chaque mise en scène de Yannis Houvardas est un essai porteur de signes, avec un méta-texte enrichissant les notions-clés, sous-entendus et non-dits. Et il demande à ses acteurs de prendre une distance par rapport au texte, et pour éviter sentimentalité et expression émotionnelle, de parler lentement et clairement.
Sur le plateau, le bar tout en longueur de l’auberge où rentrent ivres la mère et la fille et un praticable où Blaine L. Reininger joue des mélodies blues mélancoliques tout au long du spectacle. Il y a aussi un cafard géant que mère et fille embrassent souvent(une marionnette, clin d’œil à Kafka). En haut de la scène, une boîte étroite comme un cercueil: la chambre de Jan. Un univers hypnotique et hallucinogène.
Marianne Kalbari crée avec une clarté remarquable le personnage de la Mère, une morte-vivante se décomposant au ralenti, qui veut mais ne peut pas mourir, et qui incarne la fatigue, telle une condition existentielle. Pénélope Tsilika incarne Martha, vaisseau palpitant de désirs insatisfaits et écrasés, corps souillé par sa solitude et transformé de manière déchirante en un cygne noir qui laisse ses ténèbres se répandre.
Flomaria Papadaki (Maria) et Anastassis Roïlos (Jan) font très bien passer tous les doutes, fêlures et phobies qui deviendront cynisme, violence et culpabilité… Un spectacle de haut niveau à ne pas manquer !
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théatro Technis Karolos Koun, 14 rue Frynichou, Plaka, Athènes. T. : 00302103228706.
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