Κυριακή 14 Ιανουαρίου 2018

Les Chaises d’Eugène Ionesco, mise en scène Jean-Paul Denizon, traduction en grec Hélène Papachristopoulou, Théâtre « Ekstan »

Dans la farce tragique, Les Chaises (1952), en plus de l’indomptabilité du langage apparaît la prolifération de la matière, en l’occurrence, ici, les chaises. Un vieux et sa femme, Sémiramis, vivent seuls dans une maison, avec pour tout viatique un amour usé. Le vieux néanmoins, penseur et écrivain, a un message à livrer à l’humanité dont il a convoqué les meilleurs représentants pour une soirée mémorable. Un à un les invités arriveront, invisibles, matérialisés par les seules chaises. Est attendu aussi l’Orateur, dont la science de la parole doit permettre au message du vieux d’être communiqué au monde. Dans ce néant encombré de fantômes, l’Empereur lui-même viendra. Les deux vieux ne le verront que de loin, quoique étant dans leur propre demeure, tant les chaises déjà les empêchent de bouger. Littéralement engloutis par les chaises, ils réussiront, sans pouvoir se rejoindre, à sauter chacun par une fenêtre alors que l’Orateur, sourd et muet, débite des mots incompréhensibles.
La mise en scène de Jean-Paul Denizon suit une esthétique de la narration pure, illustrée par de petits éléments insolites pour celui qui réfléchit sur le théâtre dit de l’absurde. Denizon opère sur l’axe syntagmatique de la narration et traite la verticalité selon certains paradoxes : par exemple, les chaises sont des objets assurant un certain confort au corps humain qui s’y appuie. Cela dit, l’espace entourant les chaises diminue l’objet (chaises) et en même temps élargit le sentiment de l’attente de la part du spectateur. L’espace devient donc extrêmement spectaculaire en ce qui concerne la dialectique développée  entre ceux qui regardent et ceux qui sont regardés. La conférence qui aura lieu dans la salle indiquée se prépare de façon minutieuse par les responsables de l’événement culturel. Alors, le vieux et la vieille présupposent une habitude durant des années consécutives, une habitude qui devient modus vivendi.
Les comédiens Yannis Stamatiou et Hélène Papachristopoulou incarnent les rôles du vieux et de la vieille qui reçoivent le public tout en soulignant l’impression furtive d’une espèce de « théâtre dans le théâtre ». Ils suivent le rituel de l’interprétation et arrivent à construire le microcosme d’Ionesco avec exactitude. La tension intérieure se reflète sur leur visage, leur apparence, leur attitude et leur comportement. De plus, leur expression se redouble étant donné qu’aussi bien le vieux que la vieille sont censés interpréter des rôles multiples au fur et à mesure que l’audience fictive entre en scène. Notons que le personnage de l’Orateur est muet et se place du côté des présences – absences. Son apparition sur scène se fait à travers une espèce de marionnette – spectre, symbole peut-être d’un ange de la mort qui sème la panique.
Il s’agit d’un spectacle qui respecte l’absurde d’Eugène Ionesco aux tons d’une ironie exaspérante à la limite du tragique. Le comique n’arrive pas à s’emparer du spectacle en entier. Il n’arrive pas non plus à colorer certaines tournures graves de l’humour grotesque et métaphysique, l’on dirait, de l’écrivain roumain d’expression française.

Nektarios – Georgios Konstantinidis

Théâtre « Ekstan », 5 rue Kaftantzoglou, tél. 0030 213 0210339



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