Πέμπτη 16 Νοεμβρίου 2017

Le Funambule de Jean Genet, mise en scène Zoi Manda, spectacle en grec, traduction Michele Valley, Zoi Manda

     
Les pièces de Jean Genet (1910 – 1986) présentent une poétique à portée sociale : son expérience de la condition pénitentiaire, de la prostitution, du racisme (contre les Noirs, les femmes, les colons). Ces créations artistiques sont « un peu politiques », d’après l’écrivain, « dans ce sens où elles abordent la politique obliquement. Ainsi, « aborder les situations sociales qui provoquent une politique » tel est la dynamique de son théâtre. Par la suite, c’est le théoricien de l’art et l’homme d’action dans un mouvement purement révolutionnaire qui nous communique ses découvertes au niveau artistique, humain, social et politique.

     Le Funambule, publié pour la première fois en 1958, nous fait découvrir l’artiste avec ses déchirements, son ascèse dans sa marche vers la perfection. « Quatre heures à Chatila », article écrit après les massacres de Chatila en 1982, laisse apparaître son nouveau langage, celui de l’engagement politique où la révolte, la passion, la mort et la régénération se rencontrent et s’associent.
      Dix ans avant 1968 et la révolution estudiantine en France, celle de Prague et d’autres mouvements libérateurs partout dans le monde, Jean Genet définit le rôle de l’artiste dans ses écrits : L’atelier de Giacometti, Ce qui est resté d’un Rembrandt déchiré et Le Funambule. Il est fasciné par ces arts de l’espace, sculpture, peinture, funambulisme qui donnent forme à l’informe et tentent de visualiser l’image intérieure s’éloignant des faux-semblants, des manifestations visibles. Le funambule permet à l’écrivain de donner une réalité sensible à ce qui n’était qu’absence. Il arrive même à la transcendance, puisque sur le fil, l’artiste danse pour Dieu, qui n’est que la somme de toutes ses possibilités.
      Jean Genet, à l’aide de mots, élabore le statut d’artiste, androgyne, être parfait tantôt dominé, tantôt dominant « gibier et chasseur » à la fois. L’artiste travaille dans une solitude mortelle qui cache sa blessure secrète. Le funambule, au costume rouge et doré, au maquillage excessif, représente le Monstre, figure singulière du cirque, remontée des époques diluviennes. Le danseur sur la corde suit une étape initiatique dans la solitude exempté de toute prétention. Ce rite de passage lui permettra d’accéder à une contrée fabuleuse. Le funambule incarne pour Genet l’acteur parfait, une « surmarionette », qu’il voulait pour le spectacle explosif dont il rêvait.
      L’idée de l’artiste solitaire et maudit n’est pas nouvelle. Baudelaire, Rimbaud, Nerval l’ont exprimée. Ce qui est nouveau dans la création de Genet, c’est que le funambule se cache dans le déshérité, la clocharde, pour rendre plus extraordinaire sa métamorphose en artiste étincelant. Cette Figure représente toute l’humanité : dominants, dominés et exclus.
       Le spectacle que propose Zoi Manda se construit à des matérielles élémentaires et essentielles qui renforcent la dynamique du discours : la corporalité et le dessein – symbole. La ligne – corde, signe des oppositions traitées dans le texte, domine à la scénographie, grâce à la technologie (projection vidéo) qui contribue à la création d’un « dialogue » avec les corps des acteurs. La mise en scène partage le texte en deux comédiens, un homme (Lefteris Papakostas) et une femme (Vallia Papachristou) qui incarnent la personnalité de l’artiste en tant que idée ou idéologie. D’ailleurs, le décor (semé de figures géométriques) facilite l’expression corporelle qui souligne la trajectoire des instantanés. L’espace et la lumière « se transforment » continuellement pour tracer les lignes de démarcation d’un itinéraire qui jongle avec le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux, le secret et le mensonge, la vie et la mort.

Nektarios-Georgios Konstantinidis


Théâtre Argo, « Small Argo full of Art », 15, rue Elefsinion, Metaxourghio, Athènes, tél. 0030 210 52 01 684