Σάββατο 14 Απριλίου 2018

Le Sacrifice d’Abraham, œuvre anonyme, mise en scène de Damianos Konstantinidis



       Ce drame d’inspiration biblique, chef d’œuvre du théâtre crétois (XVIe et XVIIe siècle), met en scène Abraham, qui doit affronter la demande de l’Ange de sacrifier son fils unique Isaac pour l’offrir au Seigneur. On retrouve cet aspect psychologique chez le poète Giorgos Hortatzis, dans sa tragédie Erophile, qui aurait pris comme modèle l’Iphigénie en Aulide d’Euripide. Autres chercheurs attribuent comme auteur Vitzentzos Kornaros, auteur du poème épique Erotokritos.
       Damianos Konstantinidis crée un spectacle très intéressant qui reste respectueux envers son langage poétique (texte en vers rimés) et sa nature religieuse, en proposant un aspect scénique moderne. La mise en scène développe une dialectique entre l’homme et la foi à cette nature superficielle qu’on appelle Dieu et qu’elle porte plusieurs prénoms selon chaque religion. La figure de l’Ange, interprété par le comédien noir Michel Afolayan, souligne le caractère universel de la divinité et les divers traits du culte. Etre fidèle aux règles parfois strictes d’une religion est une épreuve dure et constitue un modus vivendi qui fait souvent les gens souffrir. Konstantinidis propose une sorte de méta-texte et vers la fin du spectacle, les comédiens prononcent des fameuses citations qui mettent en cause la croyance et les obsessions qui l’entraînent. Le décor est les costumes d’Antonis Daglidis sont simples et clairs dans leur fonction symbolique.
       Les comédiens Iossif Iossifidis (Abraham), Despina Sarafidou (Shara), Stergiana Tzegka (Tamar), Tassos Tsoukalis-Dimitriadis (Siban), Dimitris Fourlis (Isaak) et Michel Afolayan (Ange) interprètent leurs rôles tout en gardant une distance critique. Aucun cri. Aucune exagération. Une série d’émotions que le spectateur peut parcourir et se sentir tantôt ému, tantôt distant ou critique envers les personnages. Elle provoque, au-delà de la sympathie, une purgation des passions, qui suscite un scepticisme envers les figures tragiques.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre « Stathmos », 55 rue Victor Hugo, Athènes, T. : 0030 211 40 36 322


Κυριακή 8 Απριλίου 2018

Les Sept Pendus d’Andreïev Leonide, adaptation théâtrale d’Angélique Paspaliari, mise en scène de Konstantinos Gogoulos et Angélique Paspaliari



       Prosateur et auteur dramatique russe, influencé par le symbolisme sans appartenir au mouvement dont certains membres le rejetaient, Andreïev Leonide (Orel 1871 – Neïvala, Finlande, 1919) signe La Vie de l’homme (1907), Le Roi-faim (1908), Les Masques noirs (1909), Celui qui reçoit des gifles (1915) etc. Son théâtre, à l’écriture assez rude, est hanté jusqu’au morbide par la solitude de l’homme face à la mort, par la frontière insaisissable entre la folie et la raison, par la noirceur de la vie sociale.
       La nouvelle Les Sept Pendus (1908) trace les derniers jours de la vie de sept condamnés à mort. Cinq terroristes qui planifiaient l’assassinat du ministre d’économie, un bandit, voleur et assassin russe venant de Orel et un fermier estonien qui a tué son maître et a tenté de violer la femme du maître. Coincés dans une petite cellule, les personnages attendent l’annonce de leur exécution par pendaison. Chaque prisonnier qui prend la parole, juge ses actes, articule sa propre vérité, étale ses souvenirs, essaie de se justifier, défend sa vision du monde, lutte avec son destin et exprime ses sentiments face à l’état inconnu et irrévocable de la mort. L’écrivain russe forme un huis clos amer où le compte à rebours force l’homme de montrer et partager ses inquiétudes et ses angoisses.
       Angélique Paspaliari choisit des passages du texte, crée des forts dialogues qui dévoilent l’état psychologique des prisonniers et focalise sur les relations contradictoires qui se forment durant cette terrible attente de la peine capitale. La mise en scène souligne les différentes mentalités et les débats idéologiques auxquels se livrent les personnages. Le décor est simple, les planches d’une longueur de deux mètres tracent les lignes de démarcation d’une cellule. Les comédiens incarnent les caractères d’une façon chaleureuse, parfois ils exagèrent ou ils crient trop fort, mais toujours soucieux de décrire les nuances sentimentales. Konstantinos Dalamagas (Ivan Ianson) colore à travers ses expressions l’injustice de son châtiment et sème la peur, la panique tout en implorant la pitié. Stergios Kontakiotis (Micha le Tzigane) joue d’une façon extraordinaire mais « dangereuse » aussi, parce qu’il baigne tout le temps entre un burlesque exprimant la mentalité du héros et un grotesque qui reflète la situation présente. Konstantinos Gogoulos (Werner) et Dimitris Papavassiliou (Serge) développent chacun sa propre rhétorique sur les événements qui ont marqués les personnages. Charis Chiotis (Vassili) n’approfondit guère au status quo du condamné et reste à la surface de l’interprétation à travers des moyens extérieurs (cri, gestes). Aggeliki Paspaliari (Tania) et Athanassia Kourkaki (Moussia) figurent en tant que des forces « douces » qui entraînent l’équilibre à un espace plein de tension.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Tempus Verum, 19 rue Iakchou, Gkazi, Athènes, T. : 0030 210 34 25 170

Δευτέρα 2 Απριλίου 2018

Tailleur pour dames de Georges Feydeau, traduction – mise en scène de Dimitris Mylonas


     Cette comédie, en trois actes, a été créée au Théâtre de la Renaissance, le 17 décembre 1886 et se joue encore avec succès dans le monde entier. Georges Feydeau porte à leur point culminant les situations humaines propres à son sujet de prédilection : la guerre des autres. Autre terrain c’est la dénonciation de la bourgeoisie bien-pensante et de son hypocrisie. Dans cette pièce se révèle la méthode adoptée par le dramaturge pour revivifier le genre du vaudeville au moment où la concurrence de l’opérette l’affaiblit : conserver le mécanisme de l’intrigue, mais le porter à un point de complexité inouï, susceptible de conférer un nouvel intérêt aux situations éculées. Comme l’a dit Feydeau, son travail consiste à construire une pyramide à l’envers : partir de la pointe (l’incident fondateur) et élargir par démultiplication des fils ou des rouages. Par exemple, la scène finale du deuxième acte découle en toute logique des situations préparées à l’acte précédent : les reconnaissances s’enchaînent au gré des entrées (« Ma femme ! »/ « Mon mari ! ») et enferment chaque personnage dans un engrenage fatal. Soumis aux lois de la physique et de la mécanique, les corps se chosifient, s’échangent comme les témoins d’une course de relais, tombent inertes ou arpentent l’espace scénique, mus par d’invisibles ressorts. La scène est soumise à un tempo irrésistible, par lequel se figure une sorte de fatalité comique déshumanisante. Cette négation de la vie est à la fois hilarante et inquiétante. Elle inspirera au philosophe Henri Bergson sa célèbre définition du comique : du « mécanique plaqué sur du vivant ».
      La mise en scène de Dimitris Mylonas suit les rapides rythmes farcesques tout en réunissant les ingrédients de l’ « explosion de la bombe ». Le burlesque des situations se crée à travers des improvisations des comédiens qui projettent une espèce de modernité sans s’éloigner de l’esprit du texte. Tout se base à l’abstraction et au terrain du symbole. D’ailleurs, le décor d’Amalia Adoni impose les portes roulantes en tant que objet-extase qui connote l’entrée à la vie privée. Une porte fermée provoque l’imagination et la curiosité par rapport aux secrets qui sont peut-être cachées. Les portes roulantes aident les comédiens non seulement à définir l’espace de chaque scène mais à compléter aussi les non-dits d’un langage plein de sous-entendus ! Il n’y a pas de psychologie chez Feydeau. Aux acteurs d’être sans cesse dans la sincérité et d’aller au bout de leurs intentions, toujours dans l’immédiateté ! Alexandros Bourdoumis, Marouska Panagiotopoulou, Hélène Vaitsou, Anna Elefanti, Efthymis Balagiannis, Dimosthenis Filippas, Hélène Stravodimou, Marie Chanou et Yannis Sampsalakis interprètent leurs rôles avec justesse, en pleine énergie, sans se limiter à la caricature ni à l’exagération qui exige cet espèce de théâtre. Il faut absolument noter la contribution des costumes désignés par Miltos et les éclairages de Giorgos Agiannitis. Ce dernier verse dans l’espace une lumière qui dévoile les notions cachées par la trivialité de l’habitude. 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Apo Michanis Theatro, 13 rue Akadimou, Athènes, T.: 0030 210 52 32 097