Τετάρτη 27 Φεβρουαρίου 2019

La Caisse d’après le roman d’Aris Alexandrou, adaptation et mise en scène de Fotis Makris et Kleopatra Tologkou

Aris Alexandrou, de son vrai nom, Aristotelis Vassiliadis, est un écrivain et traducteur grec, principalement connu pour son unique roman La Caisse. Né à Pétrograd en 1922, le jeune Aris Alexandrou suit son père grec et sa mère russe dans leur exil en Grèce en 1930.  Il a une activité de traducteur, notamment du russe (Vladimir Maïakovski, Fiodor Dostoïevski, Anton Tchekhov, Anna Akhmatova) mais aussi du français (Voltaire) et de l’anglais. Et il adhère au Parti Communiste, ce qui lui vaudra des années de persécution et il sera interné quatre  ans dans le camp de Makronissos. Il se réfugie en France en 1967 après le coup d’État des colonels. Il  mourut à Paris en 1978.
Son roman qu’il finit d’écrire en 72, est paru en Grèce deux ans plus tard. C’est une suite de dix-huit lettres, datées du 27 septembre au 15 novembre 1949, adressées au Juge d’instruction par un prisonnier qui reçoit chaque jour quelques feuillets pour écrire sa déposition. Un gardien les emporte aussitôt mais il ne reçoit jamais de réponse. Au cours de la guerre civile grecque, l’auteur de ce récit a été choisi pour participer, avec une trentaine de camarades, à une mission-suicide organisée par le Parti Communiste :  ils doivent apporter de la ville de N. , à celle de K. une caisse fermée dont le contenu leur est inconnu. De la réussite de cette mission dépend entièrement l’issue de la guerre contre les forces gouvernementales. Dès son arrivée à N., le narrateur reçoit,  comme les autres hommes qui ont été choisis, un entraînement militaire spécial, déguisé en entraînement de football. Dans cette ville occupée par les forces communistes, la suspicion est partout et les exécutions pour l’exemple, fréquentes. Ils  s’en vont enfin mais la progression est difficile: le commandement impose un parcours plein de détours. Et il y a des offensives, de nombreux accidents ont lieu et les blessés sont exécutés, si bien que le narrateur se retrouve bientôt seul pour apporter la caisse à K.
Aris Alexandrou utilise sa propre expérience pour décrire une vie coincée entre un communisme intransigeant et une dictature étouffante créant ainsi un monde militarisé où fleurissent les prisons. Le Parti Communiste déshumanise ses adhérents, en les soumettant à une logique hiérarchique suicidaire et à une discipline de fer qui les rend indifférents à leur propre mort comme à celle des autres… Fotis Makris et Kleopatra Tologkou ont adapté le roman  pour en faire un monologue mais en se focalisant sur les scènes d’action. Le narrateur, soumis à un procès imaginaire, se défend devant un public-tribunal en racontant tous les évènements du transport de cette caisse. Les metteurs en scène ont réussi à créer un suspense et le décor simple mais symbolique représente une salle d’instruction. Fotis Makris, seul en scène, joue avec ardeur et passion mais d’une voix parfois criarde et monotone. En quatre-vingt minutes, il arrive cependant à  donner vie à ce texte. Bref, un spectacle intéressant qui fait naître des discussions politiques fécondes.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes. T. : 00 30 210 64 53 330

Παρασκευή 22 Φεβρουαρίου 2019

La Promesse (Mon pauvre Marat) d’Alexeï Arbouzov, traduction de Giorgos Sevastikoglou, mise en scène d’Eleanne Santorinaiou

Le dramaturge russe (1908-1986) analyse la psychologie et la situation sociale de ses personnages dans un style à la fois lyrique et drôle. La pièce (1965), montée à Paris deux ans plus tard par Michel Fagadau, raconte le parcours de trois adolescents qui se sont rencontrés pendant la guerre. Marik (Marat), un jeune soldat, cherche à survivre dans un refuge. Lika, une fille de seize ans en danger, y trouve aussi un abri. Les conditions sont terribles mais ils goûtent à leur première expérience amoureuse. Un jour, un blessé, Léonidic, les rejoint et le triangle vacille entre l’amitié et l’amour. Très différents, ces jeunes gens partagent leurs difficultés et leurs rêves, leurs rires mais aussi les pleurs et la famine. Marik veut devenir constructeur de ponts: «Les ponts, dit-il souvent, unissent les gens». Lika, elle, rêve faire de la recherche médicale pour sauver le monde des maladies et Léonidic écrit des vers et désire être poète. Des années se sont écoulées, Marik devient un héros mais est porté disparu. Léonidic a perdu une main au combat et est amoureux de Lika. La réapparition de Marik après la fin de la guerre complique la situation: Lika et Léonidic vivent en couple depuis treize ans! Mais qui aime vraiment Lika? Alexeï Arbouzov esquisse d’une façon exceptionnelle les troubles des sentiments et le psychisme de cet étrange triangle de personnages qui vont, après une innocente adolescence, découvrir la dure réalité de l’âge adulte. Ils  ne peuvent plus rester dans la frivolité et devront prendre des décisions qui marqueront leur avenir.
Le spectacle d’Eléanne Santorinaiou, plein de sensibilité et tendresse, alterne moments dynamiques et plus statiques mais l’intérêt du public ne faiblit pas. Jeu et mise en scène sont au service d’une bonne lisibilité des motivations et des actions. Panagiotis Gavrelas (Marik) souligne la difficulté de son héros à exprimer les vrais sentiments qu’il éprouve et à gérer ses relations avec son entourage. Errikos Miliaris (Léonidic) crée un personnage, fragile en apparence mais dynamique et volontaire. Koni Zikou (Lika) incarne la femme : pomme de discorde, elle hésite entre ces hommes représentant deux visions du monde différentes. Un spectacle qui nous a plongés dans une douce mélancolie, tout en nous incitant à réfléchir à la complexité des relations humaines.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Fournos, 168 rue Mavromichali, Athènes.  T. : 0030 210 64 60 748