Τετάρτη 29 Ιανουαρίου 2020

La Petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana, traduction en grec de Dimitra Kondylaki, mise en scène de Pantelis Dendakis

Une libre adaptation des Métamorphoses  où Ovide retrace l’histoire du monde, depuis sa naissance jusqu’au règne d’Auguste mais l’écriture  est différente des autres pièces de  l’auteur. Avec l’insertion de didascalies faisant suite à la parole du personnage qui va la lire la didascalie et décrire le geste qu’il fait.  Philippe Minyana transforme les Métamorphoses en une histoire universelle de l’infanticide. Il ne conserve pas les noms des personnages d’Ovide mais  leur donne des noms plus universels : le Roi, la Reine, la Petite. Ce qui permet de  multiples interprétations…
La Petite qui va dans la forêt profonde est une histoire archaïque et atemporelle, un conte dense et noir qui s’inscrit dans une vaste épopée, puisque l’œuvre titanesque d’Ovide réunit des centaines de mythes.  Comme celui de Procné et de Philomèle, le roi et la reine de Thrace que réécrit Philippe Minyana. Philomèle réclame sa jeune sœur et son époux Procné part pour la ramener. Mais  le Roi séduit par sa beauté,l’enlève, la viole et la mutile en lui coupant la langue, avant de faire croire à sa mort. L’épouse se vengera en tuant son fils et en le donnant à manger à son époux. Après cette tragédie, la Petite sœur devient un rossignol, la Reine, une  hirondelle et le Roi, une huppe.
Philippe Minyana adapte le mythe avec une parole économe, fondée sur de petites tragédies personnelles, où on passe en l’espace d’une virgule, de la cruauté, à la tendresse inavouée. Ce récit au verbe ancien, complexe et si lointain, devient ici une fable d’une limpidité franche, au propos resserré et substantiel. Le titre:  La Petite dans la forêt profonde, ancre l’histoire dans notre quotidien et lui donne les allures  d’ un récit simple et familier et son auteur familiarise le mythe d’Ovide en faisant de la tragédie antique, un conte actuel.
Pantelis Dendakis crée une  sorte de performance multimédia où la parole alterne et se complète par des images filmiques renvoyant à des jeux vidéo, bandes dessinées et contes gothiques.  Avec des projections de paysages et  de figures monstrueuses à l’appui des répliques. Au centre du plateau – scénographie de Nikos Dendakis- une table, avec, au dessus, un petit écran et au fond, un autre grand écran de cinéma. Sur la table, les minuscules marionnettes sculptés par Clio Gkizeli sont animées par les comédiens. Une belle trouvaille :  l’écrivain  voit avec amertume que tout est à merci de la fatalité! Et ces personnages  ne sont plus que des pions dans un jeu de vengeance !
Polydoros Vogiatzis et Katerina Louvari-Fassoi, en costume noir, parlent au micro et interprètent tous les rôles de façon remarquable. Avec une voix marquant l’évolution cauchemardesque de la trame. La musique de Stavros Gasparatos contribue à la création d’un  univers mystique, plein de suspense, et à une terreur mêlée de magie. Pantelis Dendakis a renforcé le caractère grotesque et macabre du texte et on a l’impression  de participer à un rituel. Une expérience théâtrale à ne pas manquer !
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Théâtre KET, 91A rue Kyprou et  35A rue Sikinou, Athènes, T. : 0030 213 0040496.

Κυριακή 12 Ιανουαρίου 2020

Les Fausses Confidences de Marivaux, traduction en grec d’Andreas Staikos, mise en scène de Fotis Makris

Cette comédie créée par les Comédiens-Italiens en 1737 est une pièce de maturité. Marivaux a en effet quarante-neuf ans. Son écriture dramatique a changé: peut-être moins vive mais  plus transparente à la réalité psychologique. Les répliques de ses personnages souvent distraits,  laisse l’inconscient affleurer. Comme dans tout son théâtre, l’amour et sa naissance sont trahis par des propos dont la signification leur échappe mais sont évidents pour le  public.
L’énonciation qui structure toute réplique  est ici mise au service d’une révélation à double détente : d’abord pour le spectateur: dans un premier temps, le personnage ignore qu’il est amoureux, triche avec lui-même, fuit la réalité de ses sentiments, puis voit enfin clair en lui-même… La pièce s’achève alors par l’aveu, la déclaration, et la mise au net. Le marivaudage raconte toujours un peu la même histoire : celle d’un amour inconscient mais lisible par le spectateur. Et peu à peu, ce triomphe des obstacles, le plus souvent intérieurs. Dans Les Fausses Confidences, Araminte doit accepter d’aimer au-dessous de sa condition et en rupture avec les ambitions de sa mère rêvant qu’elle épouse un aristocrate plutôt qu’un simple intendant désargenté. Marivaux oblige chacun à être au clair avec son propre désir et place le désir amoureux au-dessus des intérêts pour en en faire une force vive.  Araminte parvient ainsi à être en harmonie avec elle-même et à exercer pleinement sa liberté de femme émancipée par son veuvage. Dubois a beau être un valet machiavélique aux motivations un peu mystérieuses mais, avec véritable maïeutique, il aidera Araminte à accoucher de sa propre vérité.
Le personnage chez Marivaux  a peur de se découvrir désirant et de n’avoir plus la maîtrise de soi. Plus le désir est puissant, plus il plonge l’être qui le ressent dans un chaos qui menace son identité. La surprise et la naissance de l’amour, telles que le célèbre auteur français les met en scène, restent d’une profonde actualité. Les sociétés changent, et avec elles, les préjugés et relations entre hommes et femmes. Mais le désir reste toujours une grande révolution intérieure et l’amour, une extraordinaire aventure où l’on se perd, pour mieux se trouver.
Marivaux mieux que personne, décrit avec la plus grande minutie cette révolution intérieure, ce branle-bas dans notre inconscient que nos paroles révèlent en échappant à notre propre intelligence, en devenant un « lapsus» sur lequel  -bien avant Freud- est souvent fondé le délicat comique de  ce théâtre.
Mais Fotis Makris n’est pas arrivé pas à saisir l’esprit du marivaudage avec tous ses sous-entendus et il crée alors une sorte de méta-texte aux trouvailles para-linguistiques  et il a tendance à commenter presque chaque réplique.
C’est une version « moderne » de la pièce mais ici une gestualité parfois excessive prétend expliquer le texte, et des musiques illustratives  interrompent l’action. Dans un salon  où domine la couleur rose,  dans le jardin un écran de télévision diffuse à des moments précis, des extraits des documentaires sur la reproduction de reptiles, une émission de gymnastique, des scènes de films pornos…. Bref,  une association d’images superficielles pour provoquer et/ou désorienter le public. Avec toujours une tendance à commenter  sentiments et motivations des personnages. A la fin, la scène reste vide d’accessoires. Les comédiens, en costume contemporain, jouent selon l’esthétique du metteur en scène, avec force paradoxes: ce qui pourrait être intéressant dans une recherche expérimentale mais qui n’a pas du tout sa place ici. Mais il faut mentionner la traduction exceptionnelle  d’Andréas Staikos, grand spécialiste du dramaturge français, qui a réussi, lui, à recréer l’esprit du marivaudage.    

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes, T. : 0030 210 64 53 330