Δευτέρα 30 Οκτωβρίου 2023

Sandra à la lumière d’Akis Dimou, mise en scène de Chryssa Kapsouli


Cet auteur grec de cinquante-neuf ans est l’un des plus joués dans le théâtre public ou privé. Diplômé de la Faculté de droit à Thessalonique où il habite aujourd’hui, il a écrit plus de cinquante pièces et nous avions assisté en 1994 à la première, ... et Juliette, un monologue.

Ici, devant un tribunal invisible, Sandra témoigne  de la mort d’un «ami». Tout au long de l’interrogatoire et témoignage, elle essaye de garder une distance par rapport à l’accident. Elle raconte les événements qui ont suivi sa rencontre avec un artiste gréco-canadien, Dani Thomasson, spécialisé dans les films de scènes violentes dans l’ensemble du règne animal. 

 

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Un monologue en référence d’abord à un film où on suit les dernières heures d’un scarabée avant que la botte d’un homme ne l’écrase, puis à un autre film que Dani a réalisé à l’insu de Sandra sur ses ébats sexuels !  Son ami Tryphon, fabricant de meubles à Corinthe, découvre ce tournage secret et elle cherchera et finira par rencontrer Dani dans un hall d’exposition où il prépare un nouveau film,  cette fois avec des écureuils. Au cours de la conversation, elle le pousse avec force.  Il tombe alors contre une vitre et se blesse mortellement.
Le plus intéressant ici est le discours fragmenté de Sandra avec des réactions émotionnelles contradictoires quand elle décrit ces événements. Elle  semble observer et évaluer son image à distance, comme si elle était enregistrée par une caméra invisible: celle utilisée par Dani ou celle qui enregistre son interrogatoire. 

Le langage poétique et les images métaphoriques se combinent. Chryssa Kapsouli érige le personnage de Sandra en symbole de toutes les femmes maltraitées, violées et assassinées à cause de leur sexe. Un commentaire de vidéos projetées sur les féminicides en Grèce  souligne le caractère activiste de ce théâtre.
La metteuse en scène dénonce ici avec cet hommage-protestation d’Akis Dimou, l’attitude de la Justice envers les victimes et ajoute un bref récit: Marianne Bachmeier (1950-1996) est devenue célèbre en Allemagne après avoir en 1981, tué le meurtrier présumé de sa fille dans la salle du tribunal de Lübeck. Elle avait été condamnée à six ans de prison. 
Interprétation vibrante de Katerina Tsoligka qui EST Sandra et dont le corps-signe nous rappelle des vérités que nous nous préférons souvent ne pas affronter… 

Nektarios-Georgios Konstantinidis 

Théâtre Fournos, 168 rue Mavromichali, Athènes. T. : 0030 210 6460748.

https://www.youtube.com/watch?v=1LGGlvujKeQ

Σάββατο 28 Οκτωβρίου 2023

Soudain, l’été dernier de Tennessee Williams, traduction d’Adonis Galéos, mise en scène de Lilly Melemé


Le monde du grand écrivain américain (1914-1983), ce sont avant tout ces hommes et ces femmes qui, au-delà ou en deçà de la psychologie traditionnelle, se désirent et se haïssent parfois sans le savoir et toujours sans le vouloir. Ils s’entre-déchirent dans une atmosphère élégante et tragique où, sous le raffinement, rôde la sauvagerie. En costumes d’un blanc immaculé, les corps transpirent, les glaçons tintent dans les verres d’alcool qui fait des ravages. Des personnages simples comme des héros des westerns ou de grandes tragédies vivent dans un climat lourd d’avant l’orage, comme un signe de leur destin.  Les odeurs entêtantes s’entremêlent avec les cris stridents des oiseaux de proie ou ceux des enfants, rappelant que le monde est une jungle. Il y a aussi la musiques nostalgique d’airs de jazz jouée sur de vieux pianos qu’on entend dans le lointain. 

Tennessee Williams ici convoque les thèmes qui lui sont chers comme la vieillesse,  la beauté des femmes, la folie et son cortège diabolique sous un soleil blanc  incandescent… Cela donne un charme salé mais insupportable à ce Suddenly, Last Summer (1958).
Dans un jardin tropical vénéneux et inquiétant, la richissime Mrs Venable essaye d’en convaincre le jeune et beau docteur Coukrowicz (sucre en polonais): sa nièce Catherine est  responsable de la mort de Sébastien, son fils unique et adoré qui est mort dans des circonstances étranges l’été dernier. La sentence exigée par la vieille dame est terrible: faire subir une lobotomie à Catherine pour qu’elle cesse ses insupportables ragots!
Mais où est la vérité ? Sébastien, dont l’appétit n’était jamais satisfait, sera littéralement dévoré par des enfants maigres, affamés et acharnés comme des oiseaux. Les hommes, comme les femmes, sont victimes de cette solitude fondamentale qui est notre lot à tous, « condamnés à la réclusion solitaire à l’intérieur de notre propre peau. » Le «lyrisme personnel » est le cri d’un prisonnier dans la cellule où il est comme nous enfermé pour la durée de ses jours.
D’abord m
ise en scène par Karolos Koun en 1959, cette pièce riche de possibles interprétations fait souvent l’objet de réalisations en Grèce. Celle-ci  est simple mais pauvre en idées et Lilly Melemé n’arrive pas à avoir une nouvelle approche de ce texte fabuleux. Et même si on l’entend clairement, tout reste à la surface…
La metteuse en scène souligne la dépendance de chacun des personnages à Madame Venable qui les manipule pour cacher la vérité… Son fauteuil au centre de la scène, indique bien que cette femme est très autoritaire mais les grandes idées, le conflit, les paradoxes et les contrastes, les refoulés et sous-entendus, bref toute la poétique magique et obscure de la partition de Tennessee Williams passent inaperçus. Et même s’il y a de bons moments, le compte n’y est pas. Dommage…

Nektarios-Georgios Konstantinidis 

Théâtre Akadimos, 17 rue Ippokratous, Athènes, T. : 0030 2103625119.

https://www.youtube.com/watch?v=4tJsjGJL40s


Τρίτη 24 Οκτωβρίου 2023

L’Ombre de Mart de Stig Dagerman, traduction de Marguerite Melberg, mise en scène de Chryssa Kapsouli

 


Cet écrivain et journaliste libertaire suédois né en 1923 se suicidera à trente et un ans. Dans son œuvre (romans, chroniques, essais, théâtre, poésie) qui sera traduite en plusieurs langues, il aborde des préoccupations universelles : morale, conscience, sexualité, philosophie sociale, amour, compassion, justice…
Il sonde la douloureuse réalité de l’existence et des émotions comme la peur, la culpabilité et la solitude.

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Dans  L’Ombre de Mart, l’écrivain explore la question du salut et témoigne de l’angoisse de l’homme moderne, vaincu, abandonné par la raison, victime de lui-même et fuyant sa propre histoire.
Cette pièce est aussi une réflexion profonde sur la guerre et ses ambiguïtés et une variation sur le culte du héros mort… Et une tragédie où la femme est objet de désir et cause d’échec et surtout pour un jeune homme, éternel perdant, écrasé par l’ombre de son frère. 

En 1947, Still Dagerman avait rencontré à Paris l’écrivaine juive Etta Federn qui avait survécu à l’occupation nazie. Un de ses deux fils, résistant, a été assassiné par la milice française. L’auteur s’inspire de cette histoire pour écrire cette pièce où il noircit le tableau. Il met en scène une femme monstrueuse et poussant au matricide Gabriel, son fils cadet survivant mais mal-aimé.

Tout commence par une histoire de tableau. On sonne à la porte. C’est le facteur qui apporte un tableau représentant Mart, mort à la guerre en héros courageux et que tout le monde glorifie.
Son ombre, ce fameux « mort à la guerre », pèse lourdement sur le jeune Gabriel. Par lâcheté et comme il a été réformé pour cause de myopie, il n’est jamais allé au front et a continué à vivre normalement. Il va tomber amoureux de Thérèse, l’amante de Mart.

Mais l’amour de sa mère et de Thérèse est digne d’un homme courageux, et non d’un lâche. Victor qui, lui, a combattu, est plus digne. La mère de Mart lui offrira son fusil et Thérèse, son amour. Gabriel se retrouvera alors bien seul…La demeure est comme un mausolée élevé à la mémoire de Mart, héros tué au combat et elle est devenue une maternité nazie où, en dépit d’efforts incessants, on n’a pas encore réussi à éliminer les «mal-faits» comme Gabriel…
Là, se terre « la bête immonde », toujours prête à renaître et tant redoutée par Bertolt Brecht. Tuer sa mère, «crime impensable», devenir «le serpent», c’est anéantir ce cerveau inique et choisir de ne plus avoir de dialogue qu’avec la mort.
Still Dagerman a réussi avec L’Ombre de Mart à écrire une confession dramatique qui est aussi l’autobiographie d’un poète abandonné par sa mère à la naissance. Il révèle ici les cauchemars qui le hantent et le vide effroyable qui l’a laissé infirme à jamais.

Chryssa Kapsouli a mis en scène ce spectacle avec un bon rythme, et où sont dévoilées les pensées intimes de l’écrivain. Mais elle accentue aussi discrètement l’aspect politique du texte. Cela se passe dans le salon où trône le portrait de Mart, et dans la chambre de Thérèse, un espace de passion/confession: là se révèlent les personnages. La pénombre et les lumières contrastées imaginées par Yorgos Ayiannitis tracent des lignes de séparation entre rêve et réalité.

Aimilia Ypsilandi incarne cette mère despotique, haineuse, et au dynamisme et à la sévérité remarquables. Fotis Karalis souligne la fragilité, la peur et l’instabilité mais aussi et surtout, le traumatisme de Gabriel, ce fils à la recherche d’un amour maternel et charnel à la fois.
Séduction, passion et sensualité féminine : Emmanuelle Kontogiwrgou fait de Thérèse, un personnage complexe et crée le mystère en ajoutant un élément de doute. Enfin, Theofilos Manologlou joue avec clarté un Victor, fat et manipulateur… La mise en scène comme la direction d’acteurs de Chryssa Kapsouli sont remarquables, à la hauteur de ce grand texte.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis 

 Théâtre Argw, 15 rue Elefsiniwn, Athènes, T. : 00302105201684 

 https://youtu.be/xe8ZMyToYtg

Τρίτη 17 Οκτωβρίου 2023

Isabelle Rimbaud, Mon Arthur à moi d’Efstathia, mise en scène de Vicky Volioti


Efstathia est une auteure-compositrice, interprète et dramaturge grecque. Diplômée de la faculté de théologie de l’Université d’Athènes, elle a publié cinq albums personnels de ses chansons et a écrit, entre autres, une pièce: L’Apologie de Marie Curie. Elle a toujours ressenti le besoin de promouvoir des modèles d’intellectuels pour créer un éveil de la société sur les questions d’écologie, de respect mutuel et d’autonomie des femmes.

Dans ce monologue polyphonique, elle donne la parole à Isabelle Rimbaud (1860-1917),  la plus jeune sœur du poète. Quand il tomba gravement malade  elle le veilla à chaque instant de la fin de sa vie et devint son légataire universel.
La pièce s’inspire de son livre Mon frère Arthur, de lettres et documents authentiques et des grands recueils poétiques: Les IlluminationsUne Saison en enfer, Le Bateau ivre.  Un abbé représentant la foi chrétienne et Isabelle tracent le portrait de cet enfant terrible. Avec des lettres choisies de la correspondance de sa sœur avec sa mère au sujet d’Arthur sur qui elle veilla sur durant sa longue agonie. Avec aussi des souvenirs de la vie du poète et des vers de lui.

 

© Marita Amorgianou

© Marita Amorgianou

Isabelle, femme simple, humble, à l’ombre de son frère, sans reconnaissance sociale, est une sœur aimante, imprégnée d’une éducation chrétienne et rigoriste qui admirait tellement. cet «homme aux semelles de vent» et qu’elle évoque avec lyrisme.  Dans le temps du deuil et avec un ressenti intact, elle nous parle d’une expérience salvatrice d’amour fraternel. Elle consacra sa vie à bâtir sa légende. Témoin privilégié des derniers jours de Rimbaud, elle défendra sa mémoire, avec son futur mari Paterne Berrichon, artiste et homme de lettres lui aussi. 

La metteuse en scène souligne le contraste entre le «péché» d’une âme pure et libre et la «piété» d’un monde hypocrite et corrompu. Une longue table avec une bougie allumée renvoie au rituel catholique et à la messe. Tout en créant un univers religieux et poétique à la fois, elle suggère un espace de confession et d’isolement où la sœur d’Arthur Rimbaud  nous offre ses souvenirs. 

Vicky Volioti incarne une Isabelle d’une intimité touchante qui gagne le public dès les premiers instants. Assise au début parmi les spectateurs, elle partage avec eux des photos de la famille Rimbaud, créant ainsi une émotion palpable. La lumière de la salle s’éteint, l’actrice gagne la scène et exprime remarquablement cette Isabelle qui, à la fin, dira quelques vers de Départ, un poème des Illuminations:  «Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs./Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours. /Assez connu. Les arrêts de la vie. –Ô Rumeurs et Visions ! /Départ dans l’affection et le bruit neufs !
Ce petit hommage théâtral à Rimbaud restera gravé dans notre mémoire…

 Nektarios-Georgios Konstantinidis 

 Théâtre Mikro Anessis, 14 avenue Kifissias, Athènes. T. : 00302107718943.

Δευτέρα 16 Οκτωβρίου 2023

Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri de David Lelait-Helo, traduction d’Aggeliki Vouloumanou, mise en scène d’Elissaios Vlachos


Après avoir obtenu un doctorat en littérature et civilisation hispaniques à l’Université de Montpellier, cet écrivain de cinquante-et-un ans enseigne l’espagnol. Il se consacre en particulier dans ses livres à des personnalités féminines comme Eva Peron, Maria Callas, Barbara, Dalida…
Parus en 2016, ce roman d’initiation et d’apprentissage est aussi une auto-fiction. Milou, un adolescent dont l’auteur se dit très proche, devient un grand admirateur de Nana Mouskouri, chanteuse grecque de réputation internationale devenue eurodéputée.

Solitaire et rêveur, Milou touché par sa voix, s’éclaire soudain, désire l’imiter, s’habiller et s’exprimer comme elle. Il prend alors la décision de sa vie: il sera Nana Mouskouri. Même si il n’est pas grec, s’il n’a pas de longs cheveux noirs, s’il ne chante pas, s’il ne porte pas de lunettes. Et pire, s’il est un garçon !  

David Lelait-Helo raconte les étapes par lesquelles passe un adolescent qui découvre son identité, en évoquant largement le pouvoir des rêves. Milou réalise finalement que son vrai but n’est pas de devenir la Mouskouri mais d’accepter sa nature et de s’ouvrir aux autres sans avoir peur. À travers son déguisement, il tracera son chemin vers le bonheur. 

Le spectacle  est touchant, ludique, plein de trouvailles originales qui renforcent les points forts du texte, tout en accentuant les non-dits refoulés du personnage. Le metteur en scène révèle l’admiration,  l’enthousiasme, la naïveté, la passion mais aussi l’angoisse, la rêverie et toute la soif qu’a Milou de découvrir le monde.

Elissaios Vlachos souligne ici avec discrétion le sentiment d’être différent des autres et son acceptation sereine. Grâce également aux décors et costumes de Sémiramis Moshovaki, à la musique de Nikos Kollaros et aux lumières de Yorgos Ayiannitis

De ce roman, Virginie Lemoine avait fait une adaptation avec Didier Constant au off d’Avignon 2019.  
David Lelait-Helos serait sans doute très heureux de voir jouer Manos Karatzoyannis dans cette autre adaptation de Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri. Une interprétation exceptionnelle de Milou !
L’acteur bouleverse les stéréotypes de la masculinité et de la féminité qui peuvent cohabiter sous un seul corps... Il sait aussi recréer dans un méta-texte, l’itinéraire de l’adolescence, à l’âge adulte, avec une riche palette d’émotions.  La sincérité de Manos Karatzoyannis,  sa gestuelle et son regard sensibles bafouent l’homophobie et touchent profondément le public. 
Un spectacle à ne pas manquer!   

 Nektarios-Georgios Konstantinidis 

Théâtre Stathmos, 55 rue Victor Hugo, Athènes. T. : 00302105230267 

https://www.youtube.com/watch?v=pg522nnkHR4