Παρασκευή 14 Φεβρουαρίου 2020

Le Lys et le serpent de Nikos Kazantzakis, mise en scène de Christos Thanos

Avec un ensemble considérable de romans, essais philosophiques, théâtre, poésie… Nikos Kazantzakis, né en Crète en 1883 et mort en 1957 en Allemagne, est l’une des figures les plus marquantes de la littérature grecque moderne. Son premier roman, Le Lys et le Serpent (1906) emprunte la forme du journal intime pour nous livrer l’histoire passionnelle d’un jeune couple. Transmis du point de vue d’un homme aux sentiments extrêmes, rythmé par le passage des saisons, ce texte empreint de mystère et de lyrisme a marqué les esprits dès sa parution et a constitué une entrée en littérature précoce impressionnante du grand écrivain grec  sous le pseudonyme littéraire Kárma Nirvamí. Il avait vingt-trois ans… 
Le livre annonce les thèmes centraux qui jalonneront son œuvre dès le début: « J’ai de la fièvre encore aujourd’hui. Tout mon corps est traversé de frissons. Quelque chose s’agite et se tend dans mon esprit -on dirait qu’un ressort se détache brusquement, que derrière mon front, se dévide, avec violence, une pensée non domestiquée.  » (…) « Il me semble que ses lèvres rouges sont deux grosses gouttes de sang et quand je me penche sur elles et les baise, un désir sauvage, un violent instinct anthropophage d’un âge primitif se déverse dans mes veines – et je frissonne tout entier et je crois sucer de la chair humaine dégoulinante de sang. »
Iro Bezou et Christos Thanos ont adapté le texte pour le théâtre et en proposent une belle narration  grâce à une gestualité et une diction vibrantes. Dans une salle carrée, une robe rouge pendue sur un cintre, symbole du corps féminin et de la passion. Et sur de longs et étroits praticables, ils marchent très lentement et disent le texte en déchirant des feuilles de papier. Avec une voix sensuelle, une respiration profonde, des expressions hédoniques, un regard parfois érotique et des pauses significatives A la fin, ils arrivent au proscénium. Noir brutal puis on entend un bruit de combat. Tableau vivant des deux corps et forte sémiotisation du caractère guerrier de l’amour. Un spectacle où les metteurs en scène arrivent à exprimer de façon très intéressante la dialectique entre chair et esprit,  lumière et obscurité, amour et mort.
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Théâtre alternatif  BIOS, 84 rue Peiraios, Athènes, T. : 0030 210 3425335.

Κυριακή 9 Φεβρουαρίου 2020

Le Système de Ponzi de David Lescot, traduction en grec d’Ersi Vassilikioti, mise en scène de Michalis Sionas

On retrouve chez l’auteur un esprit d’utopie et de résistance, consistant à mêler rêve et réalité afin d’ouvrir au théâtre, le champ des possibles. Avec un esprit adapté au nouvel état de la planète, de l’Europe et au désenchantement du monde.  Son écriture et son travail scénique mêlent théâtre et formes non‐dramatiques, musique, danse et une matière documentaire. Cet opéra parlé, écrit en 2012, participe d’un récit épique où son auteur crée un espace et une esthétique de la dislocation et du réagencement permanent, à l’image d’un monde-champignon qui se dresse, s’écroule et renaît sans relâche.
A partir d’une thématique de l’argent et du profit, l’écrivain veut provoquer notre  conscience et il critique l’existence même, sans bavardage. Il en transpose ici la question la plus aigüe: celle de la valeur des choses. Dans un monde qui tourne selon les actions de la Bourse, l’homme réagit comme une marionnette vouée aux principes du capitalisme. L’Italien Charles Ponzi (1882-1949) émigra aux États-Unis au début du vingtième siècle et monta à Boston une monumentale escroquerie dont s’est ensuite inspiré Bernard Madoff… Fondée sur un principe simple, une structure pyramidale avec des intérêts versés aux épargnants prélevés sur les sommes placées par les souscripteurs suivants. Mais pour que les recettes couvrent ces versements, il faut évidemment une croissance permanente des souscriptions… Souvent condamnée et strictement interdite, cette pratique, très dangereux, ne peut fonctionner très longtemps! Mais Charles Ponzi garantissait aux investisseurs 50% d’intérêts en quatre-vingt dix jours! Une escroquerie devenue emblématique des fausses promesses de la Finance et dont la crise des «subprimes » est le plus récent écho.
Michalis Sionas a conçu une mise en scène minimale -ni musique ni danse- avec, pour seuls accessoires, deux  téléphones, des billets de banque et des journaux. Il met en valeur les improvisations corporelles et le jeu des acteurs qui excellent dans la narration. Dans une salle carrée, rien d’autre que des bancs. Au début, les  personnages restent muets et immobiles. Par la suite, parole et mouvement emplissent la scène  et donnent vie aux aventures de Ponzi. Séquence après séquence, Diamantis Adamantidis (Ponzi), Tryfonia Aggelidou, Yannis Sampsalakis et Maria Hanou interprètent plus des trente personnages de cette histoire.  Le metteur en scène met en avant un discours politique qui mène du particulier au général et nous nous sentons tous concernés. Un spectacle  à ne pas manquer !
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Théâtre 104, 41 rue Evmolpidon, Athènes. T. : 0030 34 55 020