Δευτέρα 26 Δεκεμβρίου 2022

Qui a tué mon père d’Édouard Louis, traduction de Stela Zoumboulaki, mise en scène de Christos Théodoridis


Une histoire fragmentée de colère et résistance avec, au centre, l’amour et l’humain. Un jeune homme revient après des années d’absence chez son père qu’il retrouve complètement détruit par des années de travail à l’usine. Il s’interroge sur sa relation avec lui, sur les mécanismes sociaux qui ont fait de son enfance, une blessure. Et il réfléchit aux conditions qui détruisent les corps de milliers d’ouvriers. «L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique. » Dans ce roman autobiographique (2018), le politique rejoint l’intime et se racontent ici les corps des hommes marqués par l’Histoire. Un vibrant appel à la transformation du monde, en commençant par la main tendue d’un fils à son père.

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Qui a tué mon père n’est pas une question mais une accusation. L’auteur dresse la liste de ceux qu’il juge responsables de la destruction du corps paternel. Selon lui, les présidents comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron… ont mené des réformes qui ont abimé la vie des plus démunis. Il dit vouloir faire entrer par vengeance ces noms de politiques dans l’Histoire. Louis critique ici la croyance populaire selon laquelle la Culture à l’école serait aux antipodes de l’affirmation d’une identité sexuelle masculine.

Dans cet espace de domination selon lui, s’y soumettre équivaudrait à avoir une identité sexuelle féminine. Rien d’étonnant, puisque dans les représentations littéraires de l’école, le premier de la classe s’oppose au cancre. Le premier séduit très peu, alors que le second est le symbole de la masculinité révoltée contre l’ordre établi. Un cancre est considéré plus viril. L’échec scolaire semble correspondre à un idéal de la masculinité, alors que la réussite est associée à la féminité, mais pas uniquement.
Les ouvriers, dont l’histoire politique n’est pas encore écrite dans les manuels d’histoire, subissent le même sort que la masculinité qui se construit en marge des systèmes éducatifs. Cette littérature veut dénoncer l’acte oppressif d’une Histoire excluant les pauvres, les personnes racisées ou les minorités sexuelles.

Est-ce une pièce de théâtre? Plutôt un récit adressé et il y a donc théâtre. Edouard Louis commence par un beau préambule: «Si c’était un texte de théâtre, c’est avec ces mots-là, qu’il faudrait commencer : un père et un fils sont à quelques mètres l’un de l’autre dans un grand espace vide.»Exactement ce que nous voyons  et Christos Théodoridis, avec de grandes qualités d’évocation, parle avec une douceur amère, de la violence homophobe. Un hangar vide est transformé en salle de théâtre, soit un vaste espace avec  peu d’objets, un grand lit, un frigo, un micro-ondes et quelques ustensiles de cuisine. À travers des fragments mémoriels, les comédiens interprètent ce monologue viscéral en alternant les personnages du fils, du père et des autres personnages.
Le spectacle commence par un très long silence: face à face, Denis Makris sur le lit et Giorgos Kissandrakis debout. Le texte se raconte à travers les corps, les voix et surtout le regard. «Regarde-moi» répètent-ils souvent. Et ils soulignent le droit pour chacun d’être différent et  aussi ce qu’il veut être. Une gestualité et une expression exemplaire avec panache et conviction pour dire les mots de ce roman-pamphlet. Tantôt parole fracassante, tantôt simple murmure, ce texte frontal d’une grande intensité nous étreint. Et tout ce qu’il énonce, est parfaitement audible…

Nektarios-Georgios Konstantinidis

 ΠΛΥΦΑ, 39 rue Korytsas, Athènes, T. : 00306938690612

https://www.youtube.com/watch?v=e9Ojn4y8eGo 

Παρασκευή 23 Δεκεμβρίου 2022

Lettre à Oreste d’Iakovos Kambanellis, mise en scène de Yannis Papayannis


Dans ce monologue (1993), Clytemnestre ou l’actrice qui va jouer ce personnage (une distanciation chère à l’auteur) écrit à Oreste une lettre où elle dit son amour pour ses enfants, les conditions où ils sont nés et sa crainte pour la vie d’Electre. Elle sait que la mort l’attend mais voudrait qu’Oreste ne soit pas un parricide. Elle ne voit pas qu’il fera ce geste fatal! Cette œuvre pleine d’affection pour la reine et marquée par un ton féministe et c’est le chant d’une femme qui demande la fin de ses condamnations. Elle veut rétablir la vérité en jetant la lumière sur le mobile de son acte et dans cette lettre adressée à Oreste, dit quelle a été sa vie.

Soumise à un homme agressif et égoïste, elle a voulu sauver sa dignité avec un acte qui lui donnerait droit à un véritable amour en l’occurence : Egisthe. Cette lettre, écrite et réécrite sur scène, met l’héroïne à la place de l’écrivain. Théâtralité assurée : c’est une pièce de théâtre épique et Clytemnestre est là comme pour une répétition. Et selon l’auteur: « toute représentation, comme nous savons tous, est une hypothèse. »

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Le titre est déjà un commentaire méta-théâtral sur la tragédie et pas seulement du mythe des Atrides. Il implique une lectrice-émettrice et Clytemnestre est ici en même temps écrivaine et comédienne. Cette lettre, écrite et dite sur un ton de conversation et narratif, tend souvent vers le monologue intérieur mais aussi vers un dialogue vivant. L’auteur a déplacé le personnage de Clytemnestre, de l’univers tragique à celui du théâtre moderne et il y a de nombreux anachronismes : cigarettes, cendrier, papiers…

La relation entre Agamemnon et Clytemnestre, et les motifs de ses actes sont le thème de cette Lettre à Oreste qui est toujours à écrire… Une allusion faite à la richesse du mythe et en même temps, l’expression d’une confusion intérieure chez elle qui s’adresse à Oreste absent, et indirectement au public. Elle raconte ce qu’a été sa vie avec Agamemnon,son époux et le père de ses enfants et dit ses vérités sur les deux sexes…Une version anti-héroïque du mythe : Clytemnestre se métamorphose en femme au quotidien et pour elle, les lois de la Cité ont la même valeur que pour toutes les autres femmes. Face à l’image repoussante d’Agamemnon qui a une soif de domination exprimé envers sa femme, Égisthe représente pour la reine, l’autre aspect du sexe masculin. Il lui a appris que la vie n’est pas seulement une misère et qu’on peut la mener à son gré. Il est ici l’homme qui défend le matriarcat et les droits des femmes…. Ce spectacle, dont le texte a été traduit par Selma Ancira, a été présenté au Mexique en octobre, au festival Emillio Carballido, dans le cadre d’un hommage à l’écrivain grec.

Yannis Papayannis, fidèle à l’esthétique du texte, souligne les conditions d’une répétition et la théâtralité. Sur scène trois cadres pendus et la robe rouge de Clytemnestre (un costume magnifique du grand Yannis Metzikof) attend la l’actrice qui va interpréter ce personnage. Sur scène, juste un bureau et un escabeau. Marianthi Sontaki excelle en Clytemnestre et avec une remarquable gestuelle, elle met en valeur la dimension tragique et le message politique du texte. La lumière souvent rouge foncé fait allusion à la passion et au crime que souligne la musique de Platon Andritsakis. La dernière scène, une tirade de la Comédienne, est extraite du Souper, une pièce de l’auteur et rappelle les noms de tous les féminicides commis en Grèce ces dernières années. Un spectacle émouvant et de grande qualité…

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

Spectacle créé sous l’égide de l’Académie d’Athènes et du Ministère de la Culture, vu le 20 décembre à l’ Apollon- Théâtre municipal de Patras, T. : 00302610273613

Δευτέρα 19 Δεκεμβρίου 2022

Rabbit Hole de David Lindsay-Abaire, traduction de Christine Malakou, mise en scène de Vaggelis Lymberopoulos


Becka et Harry ont perdu leur fils Danny dans un accident de voiture. Huit mois plus tard, ils doivent faire leur deuil, alors qu’autour d’eux, la vie continue … La sœur de Becka et sa mère, le jeune homme qui a renversé leur fils, essayent de leur offrir une consolation mais ils sombrent un peu plus chaque jour dans un trou noir qui les isole. Comment retrouver sa place dans le monde après la mort d’un enfant et vivre avec le poids de ce fantôme ?

L’auteur américain ne nous place pas en temps réel avec le drame et n’en fait pas non plus un souvenir lointain enfoui, qu’une circonstance rappellerait douloureusement à la mémoire. Il situe son texte dans cet intervalle étrange et fait d’incessants allers et retours émotionnels où chacun essaie d’accepter l’inacceptable. Deux façons de comprendre le titre : trou de lapin et trou noir et cela fait sans doute la beauté de cette pièce créée en 2006 à New York et qui a tout d’une chronique de la vie quotidienne d’une famille américaine meurtrie par une perte. Le trou noir est ce puits sans fond où on s’engouffre et qui absorbe tout, même la lumière mais c’est aussi une énergie invisible considérable qui rappelle celle de la vie.

Pour sa première mise en scène au théâtre, le cinéaste Vaggelis Lymberopoulos crée un spectacle intime avec des personnages d’un quotidien au naturalisme stylisé. Il révèle l’invisible pour donner du sens à tout ce qui existe entre les mots et une figure humaine au mystère de cette énergie qui pousse chacun, à un moment de sa vie, à se relever et à faire un pas de plus. Les comédiens dévoilent les non-dits et le sens souterrain et font appel à la sensibilité. Nous sortons de la salle empreints d’une douce mélancolie, avec le sentiment qu’il y a toujours un lendemain, un rythme de vie très mystérieux et que tout continue… et nous incite à continuer !

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre 104, 41 rue Evmolpidwn, Athènes, T. : 00302103455020


Πέμπτη 15 Δεκεμβρίου 2022

Felice et Lily d’Eleni Karassavvidou, adaptation-mise en scène de Katerina Polychronopoulou


Berlin, 1942, donc en pleine guerre: Felice, une jeune femme juive, à l’esprit libre, dynamique, passionnée et rêveuse, n’hésite pas à provoquer et s’amuser, alors qu’elle risque d’être arrêtée à chaque instant. Lily, épouse d’un officier nazi et mère de quatre enfants… Elles se rencontrent et très attirées l’une par l’autre, vivront un amour passionné pendant dix-huit mois. Puis Felice sera envoyée à Terezin, un camp de concentration… Lily, hantée par cet amour, la cherchera en jusqu’au bout et aura recours à leurs souvenirs pour se consoler, mais ne réussira jamais à la retrouver, ni tout le bonheur qu’elle eut avec elle.

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L’histoire réelle de ces jeunes femmes, Aimée et Jaguar, une histoire d’amour d’Erica Fischer (1943) et,adapté de ce roman, un film de Max Färberböck (1999), ont inspiré Eleni Karassavvidou mais aussi la dangereuse montée actuelle du nazisme et des attentats racistes dans le monde et les attaques contre les femmes, les homosexuels, les personnes handicapées ou celles qui ont des particularités. L’auteure nous offre ici un documentaire scénique aux réminiscences douloureuses, à travers le récit de Lily et sa relation mouvementée avec Felice qui a défini sa vie et a aussi fondamentalement changé la façon dont elle percevait son pays, son idéologie et le monde qui l’entourait. Les souvenirs de la vieille Lily reviennent encore et encore dans sa mémoire, et donnent vie à des moments de bonheur et d’amour avec sa bien-aimée, perdue à jamais. Tout un monde est catalysé et un autre, nouveau, s’établit chez elle, alors que guerre, génocide, prohibition, violence et terreur s’imposent, nous rappelant que, pour changer, ce monde doit d’abord être peint en rouge… A la fois par le sang et par l’amour.

Katerina Polychronopoulou raconte l’histoire de Felice et Lily avec audace, sensibilité, tendresse et passion. Grâce aussi aux lumières et aux décors simples et fonctionnels, aux remarquables costumes et aux clins d’œil musicaux. Rythme serré, tension montant sans cesse jusqu’à un point culminant, gestuelle des comédiennes et leurs échanges de regard… tout cela crée un ensemble où est mise en lumière la sensualité des personnages, leur alchimie inattendue mais irrésistible, la tension dans leur couple, leur humour et leur désespoir, leurs émotions…Une époque aux menaces de mort permanentes et aussi partout l’envie de vivre sont ici traitées avec sensibilité. L’élément politique restant décisif et en parfaite harmonie avec le quotidien des héroïnes et la menace qui empoisonne leur amour et la terreur qui imprègne leur existence.

Dimitra Syrou interprète Lily à l’âge mûr avec une mélancolie et une acceptation de son destin tumultueux, un sens poignant de la résignation qui s’adoucit, quand elle regarde l’action prendre vie à travers ses souvenirs doux-amers.Dimitra Vamvakari (Lily, jeune) est sensible et touchante et Elena Tirea crée une Felice étonnante, sensuelle mais aussi drôle et fantasque, et en même temps tragique, avec toute une gamme d’émotions. Katerina Polychronopoulou a bien su mettre en valeur le talent de ses actrices et  avec de belles images,  nous offre aussi un plaisir esthétique subtil…

Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Vault, 26 rue Melenikou, Athènes. T. : 0030 213 0356472.

Τρίτη 13 Δεκεμβρίου 2022

La Vénus à la fourrure de Léopold von Sacher-Masoch, adaptation de Nikoleta Kotsaïlidou et Spyros Kyriazopoulos, mise en scène de Thanassis Kourlabas


Ce roman court érotique (1870) de l’écrivain allemand -dont le nom a donné naissance au terme: masochisme, a aussi inspiré le film éponyme de Roman Polanski sorti en 2013. 

Au théâtre,  Christine Letailleur l’avait adapté en 2008 et  Guido Crepax en avait tiré une bande dessinée en 84. Dans cette autobiographie romancée, Séverin, jeune gentilhomme aux idéaux romantiques, voue une passion déraisonnable pour la figure antique de Vénus. Et quand il rencontre Wanda, une jeune femme à la beauté ensorcelante, elle lui apparaît comme l’incarnation de la déesse de l’amour. Entre eux, se noue une relation hors normes : il devient son esclave et en jouit. Uni par un contrat établissant sa soumission, Séverin suit sa Vénus à la fourrure, au gré d’un itinéraire qui les mènera des Carpates, à Florence. Mais peu à peu, leurs liens vont s’étioler et leurs rapports prendront une tournure dangereuse.

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Pour écrire ce roman, Léopold von Sacher-Masoch s’inspira de ses liaisons amoureuses, entre autres celle qu’il eut avec Anna Kottowitz qui lui inspira notamment La Femme séparée.
Avec Fanny von Pistor, il élabora pour la première fois, en 1869, un contrat où il s’engageait à être son esclave pour une durée de six mois. Et avec Aurora Rümelin, il en signa un sur dix ans et l’épousa en 1873. L’écrivain a su traduire son monde intérieur, scruter les désirs enfouis au plus profond des êtres.
Avant Freud, il sonde les rêves et les premiers émois sensuels de l’enfance. Loin du discours puritain et normatif, il a su questionner l’origine du désir, la sexualité, le rapport homme/femme à son époque et réinventa la relation amoureuse. Chez lui, ce n’est plus une jeune fille, l’héroïne d’un roman mais une femme d’expérience, partenaire et complice idéale qui saura, au plus fort de la tension érotique, se montrer à la fois cruelle et voluptueuse. S’inspirant des déesses de l’Antiquité et des tsarines, il aime à la parer de somptueuses fourrures et lui offrir des cravaches. Ses amantes avaient bien compris qu’il était de leur côté et plaidait en faveur de leur émancipation. 
Léopold von Sacher-Masoch voit dans l’amour, une guerre des sexes et sait qu’une femme ne pourra devenir sa véritable partenaire et complice, que si elle s’affranchit des conventions morales et sociales et si elle a les mêmes droits que l’homme. Dans une relation maître/esclave inversée…

Les dialogues de cette adaptation, fidèles à l’esprit du roman, sont à la fois vifs et  pertinents, et leur auteur exalte la volupté mais sait aussi ménager le suspense. Sur le plateau semé des feuilles, au centre, une longue table-lit et deux chaises. Thanassis Kourlabas tout en noir, incarne Séverin et va en dévoiler tout le mystère et le vice. L’acteur forme un duo exceptionnel avec Amalia Ninou qui, en robe blanche, souligne les hésitations et les angoisses de Wanda. Thanassis Kourlabas a bien dirigé ses acteurs qui mettent en relief dans ce couple les nombreuses facettes de l’amour, en alternant joie et douleur…

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Anessis, 14 avenue Kifissias, Athènes. T. : 0030 2103625119

Παρασκευή 9 Δεκεμβρίου 2022

Dogville, adaptation théâtrale du film de Lars von Trier par Christian Lollike, traduction en grec d’Adonis Galeos, mise en scène de Lilly Melemé

 


Ce film du grand réalisateur danois (2003) a connu le succès dans le monde entier et a été adapté plusieurs fois au théâtre. Dans un décor minimal, arrive Grace, une fugitive recherchée par des gangsters puis par la police, à Dogville, un bourg isolé. Les habitants acceptent de l’héberger et de la cacher, en contrepartie de travaux ménagers, entretien du jardin, garde d’enfants, cueillette de pommes, etc. Mais peu à peu, ils révèlent leur vraie nature et ce bourg, de refuge, deviendra prison.

©Patrok Skafidas

©Patrok Skafidas

Qu’on le trouve cynique ou d’un réalisme distant façon Bertolt Brecht ou Friedrich Dürrenmatt,  spectateur est le détective impuissant ou le complice de ce film noir. (Personnes sensibles s’abstenir). En neuf volets et un prologue, une récit encadré comme une démonstration ou une révélation mettant au jour la misère morale de ses personnages. Il n’illustre pas mais démonte et fait voir l’envers, peu reluisant, du décor…. L’absence de murs aux maisons ou abris des habitants de Dogville donne le sentiment d’avoir accès à leur vie comme à leur âme, de façon transparente et crue.

Lilly Melemé sait créer des spectacles de grande qualité après une solide recherche dramaturgique. Et dans ce microcosme, dialoguent l’ici et le maintenant. Un clin d’œil discret et amer… Et elle nous amène à une réflexion critique sur les abus du pouvoir. Décor symbolique, costumes soulignant la fonction des personnages, bon rythme et suspense: Lilly Melemé a conçu une mise en scène où elle a su transformer ce petit paradis de Dogville, en enfer. Et les acteurs, bien dirigés sont tous excellents. A voir absolument.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Akadimos, 17 rue Ippokratous, Athènes, T. : 0030 2103625119

https://www.youtube.com/watch?v=dvHsqOCuNT8

 

Τετάρτη 7 Δεκεμβρίου 2022

Le Procès, adaptation du roman de Franz Kafka, mise en scène d’Andreas Theocharis, Vangelis Felouzis et Andreas Kokakis

 


Ce livre édité en 1925, après la mort de l’écrivain praguois de langue allemande, relate les mésaventures de Joseph K. (on ignore son nom de famille complet). Il se réveille un matin et, pour une raison obscure, sera arrêté et soumis aux rigueurs de la Justice. Ce Procès est une critique du système judiciaire, machine anonyme à broyer les individus. Avec des juges, avocats, policiers… tous gangrenés par la corruption et la bureaucratie. Mais une analyse plus fine relève d’autres thèmes récurrents chez Franz Kafka: absurdité et inhumanité du monde moderne, totalitarisme, aliénation de la subjectivité, ce dont le philosophe et sociologue Herbert Marcuse (1898-1979) parle dans L’Homme unidimensionnel…

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Dès le début, ce récit illogique est augmenté par ce qui arrive à Joseph K. L’absurde total semble désigner chez Franz Kafka un vide rationnel dans le monde, dans la mesure où tout a été englouti par une hyper-rationalisation. L’Ecole de Francfort, notamment Theodor W. Adorno, verra ce processus comme l’avènement d’un monde totalitaire et devenant inhumain, car hostile à la subjectivité. L’homme n’a plus alors d’autre choix que de se fondre dans la foule…
J. K. -qui n’a  pas de nom!- est à vrai dire insaisissable et énigmatique : l’homme en général est opaque pour lui-même  et je est un autre. Une thématique approfondie par Martin 
Heidegger dans Etre et Temps où  il décrit le monde public, comme une dictature du : on, et une forme d’inauthenticité. Chez Kafka, autrui est le bourreau, comme il le sera dans Huis-Clos de  Jean-Paul Sartre. Son anti-héro, vit dans l’inauthenticité. Accusé sans doute à tort, il finit par abdiquer et se persuadera qu’il est coupable. Alors qu’il pourrait s’échapper du tribunal, J. K. préfère se laisser tuer après  s’être laissé dominer par une société qui l’a objectivé et rivé dans sa culpabilité. Il a abandonné toute volonté de vivre et sera abattu comme un chien.On reconnaît ici des thèses développées par Nietzsche sur le dernier homme, ou celles de Sartre sur la mauvaise foi. 

Cela se passe au sous-sol du théâtre-laboratoire de recherche Koryvantes. Dans la pénombre, salle et scène ne font qu’un et forment un univers kafkaïen engendrant angoisse et terreur.
Le public, en témoin oculaire, fait l’expérience de la situation absurde et du cauchemar vécu par J. K.. A la lumière des bougies et dans une pénombre qui dissimule et dévoile à la fois une scène-labyrinthe où se déroule chaque séquence. Ici, le temps se dilate avec de longs silences éloquents mais avec aussi des bruits et des musiques qui augmentent la peur. 

Andreas Kokakis (Joseph K. ) et Andreas Theocharis qui incarne de façon aussi remarquable les autres personnages du roman, réussissent à nous transporter dans l’univers suffocant de Franz Kafka. Et la scène du peintre (Andrea Theocharis) dans son vieil atelier -la seule en couleurs- est d’une grande beauté… comme les autres dans la pénombre, entre autres celle du fouet symbolisant très bien la cruauté, pour arriver au coup de feu du dénouement.  A distance des acteurs, nous avons fait le plein d’émotions et ce rituel scénique serait sans doute apprécié par le public d’un grand festival comme, entre autres, celui d’Avignon…    

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Koryvantes, 78 rue Myllerou, Athènes, T. : 0030 2155404045. 

http://theatrekoryvantes.blogspot.com/2022/11/h.html

Κυριακή 4 Δεκεμβρίου 2022

Pomona d’Alistair McDowall, traduction de Thomas Moshopoulos, mise en scène de Sigurdur F3 et de Thomas Moshopoulos


L’auteur  (trente-cinq ans) né en milieu rural au Nord-Est de l’Angleterre, y a grandi et n’est donc pas allé souvent au théâtre. Mais une professeure de théâtre lui a fait découvrir des pièces de Samuel Beckett, Harold Pinter, Sarah Kane… qu’il a dévorés avec passion et qui l’ont beaucoup influencé. Révélé en 2010 avec Plain Jane au Royal Exchange de Manchester, il collabore avec des théâtres prestigieux londoniens comme le Royal Court, le Paines Plough et le National Theatre Studio.  Brilliant adventures remporte en 2011 le Bruntwood Prize Judges’ Award et l’année suivante le Royal Court Young Writers’Festival. En 2013, Talk show est créée au Royal Court eCaptain Amazing au Live Theatre de Newcastle.

©Patroklos Skafidas

©Patroklos Skafidas

Pomona connaît un beau succès en 2014 à l’Orange Tree Theatre à Londres et sera ensuite jouée au National Theatre. Autour de Pomona, sur une île désaffectée au centre de Manchester, tous les personnages se déterminent dans un espace-temps à l’écart du réel. Ollie va à la recherche de sa sœur disparue qui a le même prénom qu’elle. Zeppo, un magnat de l’immobilier vers lequel Keaton oriente Ollie, lui suggère d’aller chercher sa sœur à Pomona tout en lui déconseillant le voyage. Sans doute Fay qui se prostitue dans un bordel à Pomona a-t-elle l’intuition de la disparition d’Ollie et prend la fuite, avec l’ordinateur de Gale, une des cadres de Pomona. Elle découvre alors avec terreur que la direction de l’île connait les groupes sanguins de tous les travailleurs sexuels.
Gale tente alors de la faire assassiner par les vigiles de Pomona qui fonctionnent comme un duo de clowns. avec Charlie, l’Auguste naïf et pacifique et Moe, le clown blanc, qui confesse ses tendances hyper-violentes à Fay. Quand ils mettent la main sur elle, Moe décide de la laisser vivre. Cette grâce accordée à la victime signe la mort de Charlie. Pour échapper aux foudres de Gale qui ne pardonnerait pas cette clémence, Moe et Charlie se blessent et se frappent pour faire croire que des agresseurs leur ont enlevé Fay. Mais Charlie perdra la vie dans cette simulation.

Alistair McDowall suggère que les activités criminelles à Pomona se poursuivront comme avant. Dans une sorte d’infirmerie qui évoque les camps de la mort, Ollie, dont on ne sait si elle est la même ou une autre, nous sert de guide pour aveugles… Des exploiteurs de chair humaine obligent les femmes à faire des bébés qui seront ensuite vendus sur des marchés occultes et on prélèvera leurs organes à des fins mercantiles !
Ce que nous verrons qu’à peine mais qui est facile à imaginer… Des crimes n’existant peut-être qu’à l’échelle d’un vaste jeu de rôles et où Charlie, la seule victime de cette histoire, joue avec la plus grande criminelle supposée de la pièce, Keaton qui dicte ses ordres à Gale se jetant comme un fleuve dans la mer des fantasmes du spectateur.

Flash-back ou fable linéaire, réalité ou cauchemar, espace ludique inter-actif, Pomona est tout cela à la fois, puisqu’elle ne réfère qu’à elle-même. Elle nous donne un vertige analogue à celui des grandes fresques déconstruites de David Lynch. 

Ce spectacle est issu d’une collaboration entre Sigurdur F3, un artiste conceptuel islandais et membre actif de la culture Role Playing Game, et du metteur en scène grec Thomas Moshopoulos. Ils sont arrivés à créer une sorte de thriller, tout en nous plongeant dans une dystopie entre réel et virtuel où dominent le cauchemar et la cruauté.
Nous croyons participer à un jeu vidéo et tout ici augmente notre adrénaline et engendre la peur ou le dégoût. Le metteur en scène souligne l’artificiel et le décalage entre fiction et répétition. Avec lumières intenses et musique tonitruante.  Les acteurs en  costumes excentriques interprètent les personnages et d’autres diront ensuite les didascalies comme : «Pause », 
«Il/elle reprend haleine » ou «Il/elle fait un geste». Sur le plateau, de nombreuses cuvettes de w.c. à usage multiple et,  au centre,  un praticable où on joue aux dès et où ont lieu les moments cruciaux de l’intrigue. Mais cette histoire d’horreur urbaine, bien interprétée, se consume vite, malgré un suspense réel. Alistair McDowall veut nous impressionner -et il y réussit- mais sa dramaturgie reste superficielle. Dommage…

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Porta, 59 avenue Mesogeiwn, Athènes, T. : 00302107711333

https://www.youtube.com/watch?v=0BeTya_QHWM

 

Πέμπτη 1 Δεκεμβρίου 2022

La Maladie de la mort de Marguerite Duras, traduction de Kyveli Malamati, adaptation et mise en scène d’Emanuel Mavros

Dans les textes du Nouveau Roman qui ont été adaptés pour le théâtre, la parole, souveraine, constitue souvent la seule action. Le nombre de personnages est réduit et il y a surtout des  voix. Les frontières s’effacent alors entre roman et théâtre. Dans La Maladie de la mort (1982), un homme paye une femme pour lui parler quelques nuits. Les personnages alors ne jouent plus les faits mais en sont les narrateurs qui disent aussi les didascalies. Un théâtre qui est donc plus littérature que spectacle et où la parole est à la fois incantation du passé, de la passion, des désirs et souvenirs. Comme elle est ressassement du rien chez Samuel Beckett, ou affleurement du subconscient chez Nathalie Sarraute.Ici, l’amour impossible et l’absence de désir, est, en filigrane, l’histoire que Marguerite Duras eut avec Yann Andréa, homosexuel et donc incapable de la désirer, alors qu’elle l’aimait ouvertement. Un thème qui sera aussi celui des Yeux bleus, cheveux noirs (1986).

La Maladie de la mort, une confession de l’autrice avec un message aujourd’hui daté: les homosexuels ne pourraient pas s’attacher et seraient condamnés à passer de relation en relation, sans pouvoir construire un amour avec un partenaire… Une idée forte chez elle, qu’elle estime grave et qu’elle nomme : maladie de la mort. Soit une incapacité à aimer réellementCe roman a été pénible à écrire pour Marguerite Duras: affaiblie et peu attentive à cause de son alcoolisme, elle dictait son texte à son secrétaire qui avait du mal à interpréter ses paroles brouillonnes. Une cure de désintoxication retarda son achèvement et donc sa publication. Le titre original: Une Odeur d’héliotrope et de cédrat fut abandonné quand le roman fut devenu conséquent. L’écrivaine essaya de l’adapter au théâtre mais le projet n’aboutit pas.

L’adaptation d’Emanuel Mavros, à l’esthétique proche de l’écrivaine, l’aurait sans doute réjouie. Dominant ici l’espace, un très grand voile blanc, alcôve ou grand lit, est une métonymie d’un couple uni et, par extension, du monde. Côté cour et jardin, un écran où seront projetés des extraits de films tout au long du spectacle. Et la voix off de la narration, accompagnée de musique, crée une forte émotion. Images d’un couple au bord de la mer, beauté de la nature, voluptueux cris d’amour, visages de l’homme et de la femme enfants:tout cela crée un univers et renforce la grandeur tragique du vide.

Nous avons particulièrement apprécié le rythme du spectacle, la mise en scène teintée de psychanalyse et l’interprétation de Yannis Apostolidis et Styliani Kleidwna. Ils font avec sensualité, érotisme fervent et mélancolie, le portait des personnages et soulignent bien les non-dits et sous-entendus du texte.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Dromos, 25 rue Agiou Meletiou, Athènes. T. : 0030 2108818906

https://www.youtube.com/watch?v=5YdlGM6Pnfc


Δευτέρα 28 Νοεμβρίου 2022

Chacun meurt pour lui seul, adaptation du roman éponyme d’Hans Fallada par Fotis Makris, Stella Krouska et Effie Revmata, mise en scène de Fotis Makris


Le pseudonyme : Hans Fallada, celui de l’écrivain allemand Rudolf Wilhelm Adolf Dizen (1893-1947) évoque les personnages d’Hans et du cheval Falada de La petite  Gardeuse d’oies, un conte des frères Grimm. 

Ce roman Chacun meurt pour lui seul, publié en 1947 évoque la résistance allemande au Troisième Reich et les conditions de survie pendant la seconde guerre mondiale. Fondé sur l’histoire réelle d’Otto Hampel, exécuté le 8 avril 43 à la prison de Plötzensee pour actes de résistance. et d’Anna, elle, semble avoir été oubliée par les autorités, mourra au cours d’un bombardement allié sans avoir appris la mort d’Otto. Après la guerre, leur dossier à la Gestapo a été transmis à Hans Fallada. Ces ouvriers ont, en plus de deux ans, auront écrit et mis un peu partout dans Berlin, quelque deux cent tracts et cartes appelant à la résistance contre le régime hitlérien. Avec réalisme, Hans Fellada dénonce le Troisième Reich, les bassesses de la nature humaine quand les Allemands ont été soumis à la peur et à la haine et il montre tout le courage de certains qui, pour rester en accord avec leur conscience et mettre à bas le régime, étaient prêts à mourir… Le romancier  raconte la vie de gens ordinaires dans un immeuble à Berlin et, à travers leurs histoires, celle de toute la société. Persécuteurs et persécutés cohabitent, comme Frau Rosenthal, juive, dénoncée et dont le domicile sera pillé par ses voisins, Baldur Persicke, jeune recrue des S.S. qui terrorise sa famille. Ou Otto et Anna Quangel, les protagonistes: lui, contremaître dans une usine de meubles, taiseux, distant et rigoureux, ne semble aimer rien ni personne, hormis sa femme pour laquelle il a de rares paroles et signes d’affection. Elle, membre du Parti nazi, dévouée à son mari et à son fils, Ottochen, envoyé au front. Dans un premier temps, leur confiance envers le régime nous déstabilise mais nous réalisons vite que leur vote pour Hitler a été motivé par des raisons économiques, et non idéologiques. Ensuite Otto et Anna Quangel remettront en cause le Parti et s’interrogent sur leurs aspirations.

Cette adaptation se concentre sur leur histoire dans une série de micro-scènes qui font progresser l’action. L’auteur, en alternant dialogue et récits et en esquisse, avec une vision critique, le portrait de ces opprimants et opprimés. A l’entrée de la salle, les acteurs accueillent le public qui peut voir sur la scène des images de la Résistance. Une belle introduction qui sensibilise le public et le fait méditer sur les atrocités de la guerre. Bon rythme et jeu riche en émotion intense créent le suspense. Fotis Makris souligne l’amertume d’Hans Fallada: solitude devant la mort, vanité des révolutions mais aussi valeur de la vie… Un remarquable spectacle, à ne pas manquer ! 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes, T. : 0030 2106453330.

https://www.youtube.com/watch?v=K_c03okKXZE 

Le roman en version non expurgée est publié chez Gallimard Folio.

Παρασκευή 25 Νοεμβρίου 2022

Filumena Marturano d’Eduardo de Filippo, traduction d’Irène Bozopoulou, mise en scène d’Odysseas Papaspiliopoulos


Cet acteur mais aussi dramaturge, réalisateur et scénariste italien (1900-1984) a représenté la tradition du grand théâtre populaire et a été aussi un guide. On a vu en lui un acteur de génie mais aussi un poète écrivant ses pièces en dialecte napolitain: « Je crois, disait-il, que le langage théâtral doit s’adapter au type de dramaturgie. Il y a la comédie, le drame, la tragédie, la farce, le genre grotesque, la satire. On peut utiliser de nombreux langages qui appartiennent à la langue parlée, à la langue usuelle. » Il a été considéré comme un successeur de Pirandello mais aussi  apprécié comme député et homme politique. 

Dans cette célèbre comédie créée en 1946 et jouée dans le monde entier, Filumena «la Napolitaine», mère de trois enfants était autrefois, très amoureuse de Domenico Soriano, un invétéré coureur de jupons qui l’a abandonnée. Profondément blessée, Filumena a lutté avec courage pour élever ses trois enfants et ne s’est jamais résignée. Aujourd’hui, elle aime quand même toujours avec passion son Domenico mais décide de se venger et lui avoue qu’il est le père d’un de ses enfants. Sans lui révéler lequel…
Il va donc se comporter comme un père avec les trois, ce qu’elle voulait… Filumena Marturano parle déjà des revendications féminines et le célèbre auteur y dénonce la condition des femmes pauvres à Naples…
Une pièce cruelle malgré une belle fin avec une famille reconstituée. Mais Domenico et Filumena ont l’un et l’autre perdu ce qu’il y a de meilleur avec les enfants: les voir grandir. Ils sont, nous disent-ils à la fin, des poulains qu’on fait courir et qui prennent le relais des adultes… Eduardo De Filippo est ici fidèle au mythe méridional: celui de la vie continuant à travers les enfants. En 1946, après la longue période noire du fascisme et de la guerre, il lançait sans doute un message d’espoir…

Le metteur en scène approfondit ce texte qui oscille entre comique et dramatique, tout en alternant rythme accéléré ou ralenti. Il accentue les moments comiques avec une gestualité farcesque. Comme dans cette scène de jalousie de Diana et celle où se disputent les trois frères. La lumière faiblit aux moments de dilemme ou grande tension et les comédiens nuancent les mobiles et les arrières-pensées de leurs personnages.
Décor majestueux, remarquables costumes et la dernière scène est d’une immense beauté. Domenico (Ilias Meletis) déchire les tapisseries du salon,  et apparaît alors une forêt illuminée, un jardin d’Eden. Maria Nafpliotou y excelle en Filumena et nous transmet le message de la pièce: «Les enfants sont des enfants. » Pénélope Markopoulos, elle, sait créer une Rosalia Solimene riche en sentiments, comme les autres comédiens de ce spectacle émouvant. 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Dimitris Chorn,  10 rue Amérikis, Athènes. T. : 0030 2103612500.

Σάββατο 5 Νοεμβρίου 2022

Stella aux gants rouges d’Iakovos Kambanellis, mise en scène de Yannos Perlegkas

 


La Grèce rend hommage à ce grand dramaturge né à Naxos en 1922 et mort à Athènes en 2011. Père du théâtre grec moderne, il a été déporté de 43 à 45 et Mauthausen, un récit de ses années de camp et des mois qui ont suivi sa libération, publié en 1963, a été traduit en plusieurs langues.  
En 1954, il rencontra Mélina Mercouri pour qui il écrit Stella aux gants rouges. Adapté l’année suivante au cinéma par Michaelis Cacoyannis, le film rencontra un très grand succès. La Cour des miracles, une œuvre néoréaliste qui avait été mise en scène par Karolos Koun trois ans plus tard, a marqué un tournant dans l’histoire du théâtre grec.

Et Notre grand cirque (1973) fut considéré comme un acte de résistance à la dictature des colonels. Il écrivit une quarantaine de pièces aux thèmes et genres variés et fut membre de l’Académie d’Athènes.

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Ce spectacle est coproduit par le Théâtre National de Grèce et le théâtre Technis. Stella est chanteuse de rebetiko dans une boîte de nuit et les hommes tombent tous amoureux d’elle mais elle choisit ses amants et refuse le mariage: selon elle un esclavage. Et elle préfère mourir plutôt que de perdre sa liberté de vivre et d’aimer qui elle veut, et quand elle veut. Elle refuse aussi la domination patriarcale traditionnelle. Miltos lui proposera le mariage et veut la faire changer « comme si elle n’était qu’un disque » mais elle le quittera sur les escaliers de l’église. Une grande offense et la fin de la pièce sera tragique… Le spectacle se focalise sur les stéréotypes des deux sexes et la crise économique d’une société en quête de son identité qui essaye d’oublier la guerre civile qui a ruiné le pays.

Le metteur en scène a actualisé la pièce avec musique et fête… Et deux musiciens dont le metteur en scène participent aussi à l’action.  Que Yannos Perlegkas schématise en créant des micro-scènes de grande intensité où il met en valeur la passion, la volupté mais aussi l’esprit fier, l’âme libre, la mise en danger. Bref, tout ce qui fait le personnage de Stella. Sur trois tapis verts, des chaises, tables… marquent les lignes de partage entre ordre et désordre, logique et la passion, liberté et prison. Nous garderons longtemps en mémoire des images bouleversantes, comme un feu d’artifice ou des scènes de théâtre d’ombres. Le jeu très physique des acteurs participe de cette actualisation et nous pensons aux séries de féminicides et aux oppressions.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Technis-Karolos Koun, 14 rue Frynichou, Plaka, Athènes. T. : 0030 2103222464.

Da d’Hugh Leonard, traduction d’Andonis Galeos, mise en scène de Petros Zoulias


Scénariste et acteur irlandais, Hugh Leonard (1926-2009) a aussi écrit plus de dix-huit pièces, deux essais et de nombreux textes pour le cinéma et la télévision. Dans les années soixante et soixante-dix, il adapte pour la télévision plusieurs classiques de la littérature anglaise.  Da (papa) créée en 1973 à l’Olney Theatre Center d’Olney (Maryland) a été jouée off-off-Broadway à l’Hudson Guild Theatre en 1978, avant de l’être à Broadway. Un très grand succès traduit en plusieurs langues, mis en scène dans le monde entier et qui a valu à son auteur le Tony Award et le Drama Best Award de la meilleure pièce. Da a ensuite été adaptée au cinéma en 1988 avec Martin Sheen et Barnard Hughes.

Cette auto-fiction met en valeur les relations père-fils et parents-enfant, des relations fortes et complexes. La phrase-clé de la pièce: « J' ai soixante-dix ans et à mon âge, je ne suis sûr que d’une chose. Les parents ne doivent pas être parfaits. Il suffit d’aimer leur enfant. N’oublie jamais ça .»

Après la mort de son père adoptif, Charlie (Hugh Leonard), un écrivain qui vit à Londres depuis longtemps, retourne dans sa maison où il vécut enfant, à Dalkey près de Dublin. Il la voit remplie de fantômes, notamment ceux de ses parents et de lui enfant, puis adolescent. Son père, un petit bonhomme cocasse et fou, pense que pour l’Irlande Churchill, n’est pas l’homme adéquat. La mère, de celles qui supportent leur destin, essaye d’être autoritaire. L’Américaine du village trouble les cœurs par sa beauté aguichante… Et Charlie (vivant) parle avec des morts et tout au long de la pièce, revit des moments du passé. La figure de son père le suit partout et le hantera jusqu’au dénouement. Il n’arrive jamais à se débarrasser de lui et cette présence/absence va peser sur sa sa vie. Le flashback est utilisé ici d’une manière exemplaire et la pièce vacille entre réalité, et images-souvenirs, cauchemars, bons et mauvais moments… que chacun peut reconnaître comme les siens…

Ici, le metteur en scène fait une lecture efficace de la pièce et met l’accent sur le conflit intérieur de Charlie, la quête de son identité et ses doutes. Le décor montre les limites entre réalité présente et réminiscences et les comédiens ont un jeu chargé d’émotion qui nous a profondément touché. Grigoris Valtinos incarne avec douceur et mélancolie ce père qui reconnaît ses défauts. Mihalis Oikonomou (Charlie), Maria Kallimani (la Mère), Nektaria Giannoudaki et Giorgos Souxes (Dram) sont aussi excellents dans ce spectacle de grande qualité, soutenu par les belles mélodies d’Evanthia Reboutsika. 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Ilissia, 4 rue Papadiamantopoulou, Athènes, T. : 0030 2107210045

https://www.youtube.com/watch?v=K5Q4FAPEuQk


Κυριακή 30 Οκτωβρίου 2022

Le Message d’Argyris Chionis, par la compagnie APUS, mise en scène d’Anthi Founda


Cette pièce, que son auteur (1943-2011), a écrite en grec à Amsterdam en 1973, est inspirée d’une histoire de Franco Sacchetti, poète et romancier italien (1335-v. 1400) déjà curieusement proche… d’En attendant Godot de Samuel Beckett.

Argyris Chionis surtout connu pour sa poésie et ses récits, n’a écrit que trois pièces. Dans cette farce en quatre tableaux, deux messagers (A et B) qui n’ont pas aucune destination précise, sont chargés de transmettre un message très important à un Monsieur inconnu. Ils doivent parcourir une distance énorme mais elle nous avons l’impression qu’elle est dans leur moi profond. Même toujours en marche, ils restent souvent immobiles dans un coin et ont oublié ce message important. Mais, à travers une série de micro-actions, ils font des efforts pour s’en souvenir, tout en se livrant à un délire existentiel, métaphysique et aussi profondément politique. Le metteur en scène a limité l’action, ce qui renforce l’allégorie de ce Message.

Les acteurs transforment tout au long du spectacle les éléments de décor  pour figurer un chemin, à une maison, voire une sorte de prison. Et cela accentue le fait que ces personnages sont condamnés à un ressassement et à des rappels lancinants de leurs repères. Anthi Founda a ajouté au texte original des répliques où il commente l’actualité contemporaine, comme la présence de la Police à l’Université. Antoine Kyriakakis et Georges Paterakis forment un duo aux mêmes codes d’expression et leur jeu très corporel souligne la parole politique, toujours entre burlesque et «sérieux». 

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Choros, 6-8 rue Praviou, Athènes. T. : 0030 2107234567.