Κυριακή 30 Δεκεμβρίου 2018

La Belle Hélène de Jacques Offenbach, mise en scène de Panagiotis Adam

Cet opéra-bouffe en trois actes, créé au Théâtre des Variétés à Paris le 17 décembre 1864, remporta un vif succès, même si certains critiques dénoncèrent son caractère licencieux. Ouvertement parodique, le livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy transpose avec beaucoup de liberté, un épisode bien connu de L’Iliade. Quant au personnage éponyme, il se voit ravalé du statut de mythe, à celui de femme frivole.
Ainsi à l’acte II Hélène attend l’arrivée du berger Pâris, qui va lui être présenté en récompense, après les trois épreuves qu’il a remportées. Troublée par cette visite, la fille de Jupiter s’adresse à son père puis à Vénus. Et on retrouve ici  le thème vaudevillesque de l’infidélité conjugale. Mais les librettistes instaurent un décalage burlesque entre ce thème grivois et le motif tragique de la fatalité. On pourrait même voir une parodie du fameux monologue de Phèdre : « C’est Vénus tout entière à sa proie attachée… », où l’héroïne de Racine se dit victime de ses origines et prisonnière d’un destin qui la dépasse.
Hélène, elle aussi, paie le prix d’une naissance exceptionnelle. Fille du premier des dieux, elle supplie Vénus de ne pas mettre sa vertu à l’épreuve pour lui épargner le sort jadis subi par sa mère. Tout le comique vient du ton familier qu’elle emploie pour s’adresser à la déesse de l’amour. « Vénus, la friponne » se voit mise en accusation avec un vocabulaire inattendu. La musique d’Offenbach fait preuve d’une grande invention sur le plan mélodique, ce qui renforce la séduction exercée par le personnage. Comme l’écrit son biographe Jean-Claude Yon, le compositeur de La Belle Hélène sait à merveille « susciter le plaisir et le rire de façon imparable et presque physique ».
Petros Chryssakis et Panagiotis Adam ont traduit en grec le texte et signé une adaptation avec les  équivalences adéquates pour renforcer l’esprit des dialogues. La mise en scène est pleine des trouvailles qui rendent le livret moderne et accessible au public. Le décor est minimal: quelques objets métonymiques, et les costumes de Valia Syriopoulou ont des couleurs intenses. Il faut signaler la chorégraphie de Loukas Théodossopoulos et les joyeux éclairages de Christina Thanassoula. Et au piano, Maria Papapetropoulou, Giannis Tsanakaliotis, au violon, Avgoustinos Moustakas, au violoncelle, et à la flûte Kaiti Pantzari et Maria Pachnisti.
Tous les comédiens-chanteurs ont une belle voix et jouent avec un expressionnisme modéré comme dans les cartoons aux rythmes effrénés. Marissia Papalexiou crée une  Hélène comique entre burlesque et caricature. Giannis Filias  joue un Pâris avec générosité. Pavlos Pandazopoulos (Calchas), Anastassios Lazarou (Agamemnon), Giannis Vryzakis (Ménélas), Stellios Kelleris (Oreste), Konstantinos Zabounis (Achilleas), Lélla Xatzielefthériou (Vénus), Loukas Théodossopoulos et Pétros Tsofyllas (Eros) construisent des figures comiques élaborées dans l’esprit parodique de cet opéra-bouffe.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Fondation Michalis Kakkogiannis, 206 rue Peiraios, Athènes, T. : 0030 210 34 18 550

Σάββατο 29 Δεκεμβρίου 2018

Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, traduction en grec et mise en scène de Thomas Mosshopoulos

Dans ce roman dystopique, publié en 1953, Ray Bradbury (1920-2012), célèbre écrivain américain, montre une vision pessimiste d’un futur souvent totalitaire, à l’opposé de toute amélioration. Il en proposa lui-même en 1979, une version théâtrale. «Avant tout, je n’écris pas de science-fiction. J’ai écrit seulement un livre de science-fiction et Fahrenheit 451 est fondé sur la réalité. La science-fiction est une description de la réalité. Le fantastique est une description de l’irréel. »
Ici, le rôle des pompiers a bien changé: ils ne sont désormais plus chargés d’éteindre les  incendies, mais plutôt de les allumer. Ainsi, ils doivent détruire par le feu tous les livres existants. Le titre fait référence à la température en degrés Fahrenheit à laquelle le papier s’enflamme et se consume, soit environ 232,8 °C.  Les pompiers ont aussi pour mission de traquer les résistants qui cachent des ouvrages chez eux. Mais l’un d’eux, Guy Montag, va se sentir attiré par la lecture et prêt à entreprendre une mission dangereuse qui changera radicalement sa vie. Ray Bradbury critique la restriction de la liberté de la pensée, la censure, et les stratégies de manipulation des régimes totalitaires.
Thomas Mosshopoulos crée un spectacle imposant sur un plateau plein de fumées, et soutenu par des projections vidéo. Il nous montre la vie au futur telle que l’imagine Ray Bradbury dont les personnages agissent comme des automates, manquent de spiritualité et dont les relations professionnelles sont cruelles. Les livres s’enflamment virtuellement et l’espionnage électronique trace un espace étouffant. Evangélia Therianou a conçu un décor métonymique de cet univers où l’homme est une machine, incapable de réfléchir, mais docile et apte à consommer. Les costumes de Claire Bracewell sont ceux, professionnels, des personnages et la musique de Kornilios Selampsis comme les éclairages de Sophia Alexiadou renforcent la terreur et l’angoisse des situations. Alexandros Logothétis incarne Montag, en montrant l’évolution et le revirement du personnage. Anna Masha exprime avec intensité le cynisme de Beatty, une carriériste d’une inébranlable volonté. Evdokia Roumelioti soutient avec justesse le personnage de Mildred. Kitty Paitazoglou joue à la fois Clarisse et Hélène. Haris Tsitsakis incarne Faber tout en soulignant la résistance qui caractérise ce personnage. Xénia Kalogéropoulou joue Madame Hadson avec passion et fureur pour renforcer le sacrifice, la constance et hélas, l’autodestruction qui caractérisent cette héroïne. Le duo Manos Galanis (Black) et Thanos Lekkas (Holden) critique les médias et leur influence sur la conscience des masses.
Un spectacle de grande qualité qui stigmatise sans didactisme les dangers menaçant le monde à venir où les gens privés d’esprit critique sont incités à consommer toujours davantage…
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Porta, 59 avenue Mesogeion, Athènes. T. : 0030 210 77 11 333

Τρίτη 18 Δεκεμβρίου 2018

En attendant Godot de Samuel Beckett, traduction d’Alexandra Papathanassopoulou, adaptation et mise en scène d’Hélène Mavridou

La pièce présentée pour la première fois en 1953 au Théâtre Babylone à Paris dans une mise en scène de Roger Blin, fut ensuite jouée dans le monde entier avec succès. En refusant les codes dramaturgiques traditionnels, son auteur inventait avec Eugène Ionesco, Arthur Adamov… un nouveau théâtre que l’on a appelé de manière réductrice: théâtre de l’absurde.
Au sortir de la guerre, l’Irlandais Samuel Beckett s’était mis à écrire en français, avec  du 9 octobre 1948 au 29 janvier 1949 selon le manuscrit, cette incroyable pièce. «J’ai commencé d’écrire Godot pour me détendre, dit-il, pour fuir l’horrible prose que j’écrivais à l’époque». Il invente alors cette situation à la fois extraordinaire et banale de deux compères en rase campagne, près d’un arbre, qui espèrent la venue d’un certain Godot, censé les aider. Pozzo et son serviteur Lucky vont passer. Un jeune garçon à la fin annonce que Godot ne viendra pas ce soir, mais demain.
Un deuxième acte réitère le même schéma que le premier. Rien ne se passe donc: une situation à la fois dérisoire, comique et troublante.Tout finit par un effet de bouclage, avec les mêmes répliques qu’à la fin de l’acte I, mais les locuteurs changent, et cette fois Estragon parle en dernier. Même effet de distorsion entre ce qui est dit, et ce qui est fait : Le texte dit: « Allons-y. » mais la didascalie précise: ils ne bougent pas. Le microcosme scénique s’agrandit au macrocosme, avec le soleil et la lune en mouvement.
Dans cette adaptation, sur le plateau nu, dépourvue d’objets mais plein de fumée, l’arbre  mentionné dans les  didascalies n’existe plus. A sa place, un éclairage en cercle au milieu du plateau. Hélène Mavridou  insiste sur la création d’une clownerie, entre burlesque et grotesque, pour exprimer la détresse et l’impasse de la condition humaine. Et les costumes et masques d’Ioanna Plessa renvoient à l’esthétique du cirque et du théâtre de rue. Les éclairages de Périclès Mathièllis tracent des lignes de démarcation et renforcent l’atmosphère ténébreuse de la musique et des sons de Giorgos Mavridis. 
Avec ce spectacle fondé sur la corporalité et la scission du personnage, la metteuse en scène fait une sorte de commentaire du texte. Vladimir : Kimon Kouris et Giannis Léakos, et Estragon: Andreas Kanellopoulos et Giannis Karababas, ces couples  jouent alternativement le texte. Quand le premier est muet, l’autre parle ou les couples se complètent et commentent l’action de l’autre. Kimon Kouris est un Pozzo d’une grossièreté adéquate au personnage. Et Giorgos Katsis incarne d’une façon exceptionnelle Lucky, en particulier dans son monologue délirant. Le jeune garçon est joué par deux comédiens, l’un sur le dos de l’autre et forment un personnage presque monstrueux.Et on ne voit pas qu’il s’agit de deux corps: Natassa Exindavéloni et Andreas Kanellopoulos  ont une gestuelle généreuse.  
Une mise en scène de grande qualité pour un chef-d’œuvre universellement connu.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Choros, 6 rue Praviou, Votanikos, Athènes.  T. : 00 30 210 3426736

Παρασκευή 14 Δεκεμβρίου 2018

Πουλιά στον αέρα (Le Dindon) de Georges Feydeau, adaptation et mise en scène de Nikos Mastorakis

Avec ce Dindon, sobrement dite « pièce en trois actes », l’auteur veut rompre avec les codes de l’ancien vaudeville, et atteindre un comique universel, même si elle a été créée dans le temple du genre: le Palais-Royal à Paris, le 8 février 1896. L’intrigue? Comme toujours chez ce grand dramaturge français, d’une redoutable complexité… Vatelin, un avoué (une sorte de notaire) est menacé de scandale par son ancienne maîtresse, Maggy Soldignac -Svetlana dans cette adaptation- s’il refuse de lui donner rendez-vous. Vatelin demande alors à son ami Pontagnac, l’adresse d’un hôtel spécialisé. Lequel va essayer de séduire Lucienne, la femme de Vatelin  mais elle ne veut lui céder que s’il lui prouve l’infidélité de son mari. Pontagnac tient donc l’occasion rêvée.
A l’acte II, dans la chambre 39 de l’hôtel Amour, Pontagnac a installé sous le matelas deux sonnettes électriques qui signaleront le moment où les amants pourront être surpris par Lucienne. Mais les choses se corsent: Soldignac l’époux de Svletana, y a rendez-vous avec une prostituée, Amandine que fréquente aussi Rédillon, un autre amoureux de Lucienne Vatelin. Au troisième acte, tous les malentendus disparaissent dans un happy-end à la satisfaction de tous…
Nikos Mastorakis respecte ici l’esprit du texte, sans trouvailles de mise en scène qui casseraient sa structure. Et grâce à un bon rythme, la panique des personnages provoque le rire et le metteur en scène renforce le comique de la pièce, grâce au jeu, disons généreux, qu’il impose aux acteurs. Le décor de Manolis Pantelidakis et les costumes sombres de Katerina Papanikolaou servent au mieux cette célèbre pièce si souvent jouée.
Christos Chatzipanagiotis (Vatelin) et Vicky Stavropoulou (Lucienne, son épouse)  forment un duo exceptionnel. Giorgos Chraniotis (Pontagnac) et Ioannis Papazisis (Rédillon)  sont des amants qui draguent impudemment toutes les femmes, mariées ou pas. Marilou Katsafadou (Madame Pontagnac) et Christina Tsafou (Joséphine) créent des personnages complexes. Théodora Tzimou (Svetlana) et Konstantia Christoforidou (Amandine) incarnent des femmes prêtes à satisfaire l’appétit sexuel des hommes. Dimitris Liolios (Soldignac) et Giannis Roussos (Victor)  jouent avec aisance ces petits rôles qui ont toujours de l’importance chez Georges Feydeau. Nikos Arvanitis et Maria Konstantaki (Monsieur et Madame Pensar) forment un curieux couple où la communication est difficile: lui, drague les garçons et elle, est sourde!
Bref, une comédie amusante et bien menée mais pas seulement, puisqu’elle traite aussi de l’éternelle complexité des relations conjugales et de l’infidélité dans les couples mariés…       
  
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Aliki, 4 rue Amerikis, Athènes (Grèce). T. : 0030 210 32 100 21.