Δευτέρα 28 Νοεμβρίου 2022

Chacun meurt pour lui seul, adaptation du roman éponyme d’Hans Fallada par Fotis Makris, Stella Krouska et Effie Revmata, mise en scène de Fotis Makris


Le pseudonyme : Hans Fallada, celui de l’écrivain allemand Rudolf Wilhelm Adolf Dizen (1893-1947) évoque les personnages d’Hans et du cheval Falada de La petite  Gardeuse d’oies, un conte des frères Grimm. 

Ce roman Chacun meurt pour lui seul, publié en 1947 évoque la résistance allemande au Troisième Reich et les conditions de survie pendant la seconde guerre mondiale. Fondé sur l’histoire réelle d’Otto Hampel, exécuté le 8 avril 43 à la prison de Plötzensee pour actes de résistance. et d’Anna, elle, semble avoir été oubliée par les autorités, mourra au cours d’un bombardement allié sans avoir appris la mort d’Otto. Après la guerre, leur dossier à la Gestapo a été transmis à Hans Fallada. Ces ouvriers ont, en plus de deux ans, auront écrit et mis un peu partout dans Berlin, quelque deux cent tracts et cartes appelant à la résistance contre le régime hitlérien. Avec réalisme, Hans Fellada dénonce le Troisième Reich, les bassesses de la nature humaine quand les Allemands ont été soumis à la peur et à la haine et il montre tout le courage de certains qui, pour rester en accord avec leur conscience et mettre à bas le régime, étaient prêts à mourir… Le romancier  raconte la vie de gens ordinaires dans un immeuble à Berlin et, à travers leurs histoires, celle de toute la société. Persécuteurs et persécutés cohabitent, comme Frau Rosenthal, juive, dénoncée et dont le domicile sera pillé par ses voisins, Baldur Persicke, jeune recrue des S.S. qui terrorise sa famille. Ou Otto et Anna Quangel, les protagonistes: lui, contremaître dans une usine de meubles, taiseux, distant et rigoureux, ne semble aimer rien ni personne, hormis sa femme pour laquelle il a de rares paroles et signes d’affection. Elle, membre du Parti nazi, dévouée à son mari et à son fils, Ottochen, envoyé au front. Dans un premier temps, leur confiance envers le régime nous déstabilise mais nous réalisons vite que leur vote pour Hitler a été motivé par des raisons économiques, et non idéologiques. Ensuite Otto et Anna Quangel remettront en cause le Parti et s’interrogent sur leurs aspirations.

Cette adaptation se concentre sur leur histoire dans une série de micro-scènes qui font progresser l’action. L’auteur, en alternant dialogue et récits et en esquisse, avec une vision critique, le portrait de ces opprimants et opprimés. A l’entrée de la salle, les acteurs accueillent le public qui peut voir sur la scène des images de la Résistance. Une belle introduction qui sensibilise le public et le fait méditer sur les atrocités de la guerre. Bon rythme et jeu riche en émotion intense créent le suspense. Fotis Makris souligne l’amertume d’Hans Fallada: solitude devant la mort, vanité des révolutions mais aussi valeur de la vie… Un remarquable spectacle, à ne pas manquer ! 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes, T. : 0030 2106453330.

https://www.youtube.com/watch?v=K_c03okKXZE 

Le roman en version non expurgée est publié chez Gallimard Folio.

Παρασκευή 25 Νοεμβρίου 2022

Filumena Marturano d’Eduardo de Filippo, traduction d’Irène Bozopoulou, mise en scène d’Odysseas Papaspiliopoulos


Cet acteur mais aussi dramaturge, réalisateur et scénariste italien (1900-1984) a représenté la tradition du grand théâtre populaire et a été aussi un guide. On a vu en lui un acteur de génie mais aussi un poète écrivant ses pièces en dialecte napolitain: « Je crois, disait-il, que le langage théâtral doit s’adapter au type de dramaturgie. Il y a la comédie, le drame, la tragédie, la farce, le genre grotesque, la satire. On peut utiliser de nombreux langages qui appartiennent à la langue parlée, à la langue usuelle. » Il a été considéré comme un successeur de Pirandello mais aussi  apprécié comme député et homme politique. 

Dans cette célèbre comédie créée en 1946 et jouée dans le monde entier, Filumena «la Napolitaine», mère de trois enfants était autrefois, très amoureuse de Domenico Soriano, un invétéré coureur de jupons qui l’a abandonnée. Profondément blessée, Filumena a lutté avec courage pour élever ses trois enfants et ne s’est jamais résignée. Aujourd’hui, elle aime quand même toujours avec passion son Domenico mais décide de se venger et lui avoue qu’il est le père d’un de ses enfants. Sans lui révéler lequel…
Il va donc se comporter comme un père avec les trois, ce qu’elle voulait… Filumena Marturano parle déjà des revendications féminines et le célèbre auteur y dénonce la condition des femmes pauvres à Naples…
Une pièce cruelle malgré une belle fin avec une famille reconstituée. Mais Domenico et Filumena ont l’un et l’autre perdu ce qu’il y a de meilleur avec les enfants: les voir grandir. Ils sont, nous disent-ils à la fin, des poulains qu’on fait courir et qui prennent le relais des adultes… Eduardo De Filippo est ici fidèle au mythe méridional: celui de la vie continuant à travers les enfants. En 1946, après la longue période noire du fascisme et de la guerre, il lançait sans doute un message d’espoir…

Le metteur en scène approfondit ce texte qui oscille entre comique et dramatique, tout en alternant rythme accéléré ou ralenti. Il accentue les moments comiques avec une gestualité farcesque. Comme dans cette scène de jalousie de Diana et celle où se disputent les trois frères. La lumière faiblit aux moments de dilemme ou grande tension et les comédiens nuancent les mobiles et les arrières-pensées de leurs personnages.
Décor majestueux, remarquables costumes et la dernière scène est d’une immense beauté. Domenico (Ilias Meletis) déchire les tapisseries du salon,  et apparaît alors une forêt illuminée, un jardin d’Eden. Maria Nafpliotou y excelle en Filumena et nous transmet le message de la pièce: «Les enfants sont des enfants. » Pénélope Markopoulos, elle, sait créer une Rosalia Solimene riche en sentiments, comme les autres comédiens de ce spectacle émouvant. 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Dimitris Chorn,  10 rue Amérikis, Athènes. T. : 0030 2103612500.

Σάββατο 5 Νοεμβρίου 2022

Stella aux gants rouges d’Iakovos Kambanellis, mise en scène de Yannos Perlegkas

 


La Grèce rend hommage à ce grand dramaturge né à Naxos en 1922 et mort à Athènes en 2011. Père du théâtre grec moderne, il a été déporté de 43 à 45 et Mauthausen, un récit de ses années de camp et des mois qui ont suivi sa libération, publié en 1963, a été traduit en plusieurs langues.  
En 1954, il rencontra Mélina Mercouri pour qui il écrit Stella aux gants rouges. Adapté l’année suivante au cinéma par Michaelis Cacoyannis, le film rencontra un très grand succès. La Cour des miracles, une œuvre néoréaliste qui avait été mise en scène par Karolos Koun trois ans plus tard, a marqué un tournant dans l’histoire du théâtre grec.

Et Notre grand cirque (1973) fut considéré comme un acte de résistance à la dictature des colonels. Il écrivit une quarantaine de pièces aux thèmes et genres variés et fut membre de l’Académie d’Athènes.

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Ce spectacle est coproduit par le Théâtre National de Grèce et le théâtre Technis. Stella est chanteuse de rebetiko dans une boîte de nuit et les hommes tombent tous amoureux d’elle mais elle choisit ses amants et refuse le mariage: selon elle un esclavage. Et elle préfère mourir plutôt que de perdre sa liberté de vivre et d’aimer qui elle veut, et quand elle veut. Elle refuse aussi la domination patriarcale traditionnelle. Miltos lui proposera le mariage et veut la faire changer « comme si elle n’était qu’un disque » mais elle le quittera sur les escaliers de l’église. Une grande offense et la fin de la pièce sera tragique… Le spectacle se focalise sur les stéréotypes des deux sexes et la crise économique d’une société en quête de son identité qui essaye d’oublier la guerre civile qui a ruiné le pays.

Le metteur en scène a actualisé la pièce avec musique et fête… Et deux musiciens dont le metteur en scène participent aussi à l’action.  Que Yannos Perlegkas schématise en créant des micro-scènes de grande intensité où il met en valeur la passion, la volupté mais aussi l’esprit fier, l’âme libre, la mise en danger. Bref, tout ce qui fait le personnage de Stella. Sur trois tapis verts, des chaises, tables… marquent les lignes de partage entre ordre et désordre, logique et la passion, liberté et prison. Nous garderons longtemps en mémoire des images bouleversantes, comme un feu d’artifice ou des scènes de théâtre d’ombres. Le jeu très physique des acteurs participe de cette actualisation et nous pensons aux séries de féminicides et aux oppressions.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Technis-Karolos Koun, 14 rue Frynichou, Plaka, Athènes. T. : 0030 2103222464.

Da d’Hugh Leonard, traduction d’Andonis Galeos, mise en scène de Petros Zoulias


Scénariste et acteur irlandais, Hugh Leonard (1926-2009) a aussi écrit plus de dix-huit pièces, deux essais et de nombreux textes pour le cinéma et la télévision. Dans les années soixante et soixante-dix, il adapte pour la télévision plusieurs classiques de la littérature anglaise.  Da (papa) créée en 1973 à l’Olney Theatre Center d’Olney (Maryland) a été jouée off-off-Broadway à l’Hudson Guild Theatre en 1978, avant de l’être à Broadway. Un très grand succès traduit en plusieurs langues, mis en scène dans le monde entier et qui a valu à son auteur le Tony Award et le Drama Best Award de la meilleure pièce. Da a ensuite été adaptée au cinéma en 1988 avec Martin Sheen et Barnard Hughes.

Cette auto-fiction met en valeur les relations père-fils et parents-enfant, des relations fortes et complexes. La phrase-clé de la pièce: « J' ai soixante-dix ans et à mon âge, je ne suis sûr que d’une chose. Les parents ne doivent pas être parfaits. Il suffit d’aimer leur enfant. N’oublie jamais ça .»

Après la mort de son père adoptif, Charlie (Hugh Leonard), un écrivain qui vit à Londres depuis longtemps, retourne dans sa maison où il vécut enfant, à Dalkey près de Dublin. Il la voit remplie de fantômes, notamment ceux de ses parents et de lui enfant, puis adolescent. Son père, un petit bonhomme cocasse et fou, pense que pour l’Irlande Churchill, n’est pas l’homme adéquat. La mère, de celles qui supportent leur destin, essaye d’être autoritaire. L’Américaine du village trouble les cœurs par sa beauté aguichante… Et Charlie (vivant) parle avec des morts et tout au long de la pièce, revit des moments du passé. La figure de son père le suit partout et le hantera jusqu’au dénouement. Il n’arrive jamais à se débarrasser de lui et cette présence/absence va peser sur sa sa vie. Le flashback est utilisé ici d’une manière exemplaire et la pièce vacille entre réalité, et images-souvenirs, cauchemars, bons et mauvais moments… que chacun peut reconnaître comme les siens…

Ici, le metteur en scène fait une lecture efficace de la pièce et met l’accent sur le conflit intérieur de Charlie, la quête de son identité et ses doutes. Le décor montre les limites entre réalité présente et réminiscences et les comédiens ont un jeu chargé d’émotion qui nous a profondément touché. Grigoris Valtinos incarne avec douceur et mélancolie ce père qui reconnaît ses défauts. Mihalis Oikonomou (Charlie), Maria Kallimani (la Mère), Nektaria Giannoudaki et Giorgos Souxes (Dram) sont aussi excellents dans ce spectacle de grande qualité, soutenu par les belles mélodies d’Evanthia Reboutsika. 

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Ilissia, 4 rue Papadiamantopoulou, Athènes, T. : 0030 2107210045

https://www.youtube.com/watch?v=K5Q4FAPEuQk