Κυριακή 25 Φεβρουαρίου 2018

Mon fils Nikolas Mantzaros de Chryssa Spilioti, mise en scène d’Avgoustinos Remoundos, Théâtre « Vault »


       Le titre de la pièce Mon fils Nikolas Mantzaros de Chryssa Spilioti se réfère bien entendu au fameux compositeur grec, vu de par les yeux de sa mère Regina Turini. Nikolas Mantzaros est né à Corfou en 1795 d’une famille riche. Son père Iakovos Chalikiopoulos-Mantzaros était juriste ayant fait ses études en Italie. Sa mère Regina Turini, poétesse et musicienne descendante d’une famille noble, raconte l’histoire de ses proches parents et met l’accent sur sa relation avec son fils. En effet, Nikolas, dès l’âge de huit ans, a étudié le piano et la théorie de la musique auprès de sa mère.
        La pièce de Chryssa Spilioti est un monologue caractéristique dominé par le parler local et mêlé des paroles italiennes qui donnent un charme particulier à son langage. Regina présente avec humeur et ardeur la relation entre mère et fils, une relation qui porte surtout sur l’art de la musique. La mère a insufflé à son fils l’amour pour la musique et la composition. Regina étale des détails assez émotifs qu’elle situe dans un cadre historique et sociopolitique très précis.
        L’affection de la mère de Nikolas reflète le lien archétypal entre mère et fils. La mère suit de près les premiers reflets de sentimentalité de son enfant qui suit le chemin de la musique ne sachant pas encore qu’un chemin glorieux l’attend. En vérité, au bout des quelques années, il devient ami du grand poète Dionissios Solomos. Sa vie commence à prendre une nouvelle allure à partir du moment où il commence à prendre en conscience de sa grécité, c’est-à-dire de son identité hellénique. D’ailleurs, son ami Dionissios Solomos crée un très long poème, « L’Hymne à la liberté » qui sera plus tard l’hymne national. Les deux artistes-créateurs s’engagent dans une lutte et aspirent à voir un jour la patrie libérée et prête à se former en tant qu’état institutionnalisé. La cause est grave et l’opération doit s’élever à la hauteur d’un niveau approprié. La mère obsédée par son attention pour son fils voit avec beaucoup de joie la « rencontre » de la poésie et de la musique.
        L’Hymne nationale de la Grèce est un fait. Cependant, il faut trouver la marche de la musique : un fugua, une cantate ou bien une marche militaire ?  La question qui se trouve au centre du dilemme c’est la sentimentalité diffusée par la grande poésie de l’hymne national qui est une ode, un chant à la liberté. La musique apporte à chaque strophe les sentiments d’apothéose de la paix à travers le chant du conflit inévitable.
         La mise en scène d’Avgoustinos Remoundos s’appuie sur des petits objets de l’espace dominé par un grand cadre dans le quel on voit la comédienne. Chryssa Spilioti sort du cadre et prend contact avec l’espace dans des moments qui facilitent l’approche entre elle et le public. Mûrie par l’expérience théâtrale, elle circule avec beaucoup d’aisance dans le lieu de l’action et raconte son récit de mère affectueuse absorbée par des particularités de la vie de son fils musicien. L’on remarque la belle robe qu’elle porte (décors-costumes : Tonia Avdelopoulou) et sa façon de rendre son expression corporelle ainsi que ses gestes bien équilibrées. La pièce de Chryssa Spilioti répand dans l’espace une émotion spéciale due pour la plupart à la fusion des vers et de la musique qui font l’apothéose de l’hymne national.

Nektarios-Georgios Konstantinidis


Théâtre Vault, 26 rue Melenikou, Votanikos, tél. 0030  213 0356472

Τετάρτη 21 Φεβρουαρίου 2018

Vu du pont d’Arthur Miller, traduction Giorgos Kimoylis – Nikaiti Kondouri, mise en scène Nikaiti Kondouri, Théâtre National de la Grèce

     
 
      Arthur Miller, dans sa pièce, Vu du pont, (A view from the bridge 1955), met l’accent sur deux questions bien claires dans son œuvre : le problème qu’engendre le phénomène de l’immigration et les problèmes dus aux multiples façons d’exprimer le désir de s’approcher de l’autre. L’écrivain américain exploite à fond la sentimentalité amoureuse établie entre Rodolpho, nouveau venu clandestinement dans la région des travaux du port de New York et la jeune nièce d’Eddie Carbone. Celui-ci offre non sans objections de l’hospitalité à des émigrés, qui, à l’époque, bâtissent un peu partout en Amérique le fameux « American dream ».
        Cependant, l’installation des cousins de Béatrice (femme d’Eddie) ne se fait pas toujours dans de meilleures conditions possibles. Au contraire, les problèmes apparaissent bientôt et tout est à recommencer du point de vue de la mentalité des uns et des autres. Le groupe des Siciliens ne s’adapte pas facilement à la vie de New York, surtout quand il faut se cacher du regard des curieux et de ceux qui se méfient de l’étranger.
        Toutefois, chez Eddie Carbone, tout aurait pu suivre le chemin paisible de la bonne entente si le jeune Rodolpho n’avait pas fait une connaissance intime avec Catherine, la protégée d’Eddie et de sa femme Béatrice. Eddie découvre la relation des deux jeunes. Leur envie de se marier le rend furieux et incapable de se retenir. Il commence à calomnier Rodolpho et à se moquer de sa tenue qu’il juge féminine. La nièce se révolte et veut à tout prix s’éloigner de la maison d’Eddie. D’ailleurs, le comportement de celui-ci dépasse les limites des sentiments purs, à travers lesquels un oncle essaierait d’avertir et de conseiller sa nièce. Dans la pièce d’Arthur Miller, le point focal c’est le désordre sentimental, tout personnel, qui attire l’attention du lecteur/spectateur, alors que la question sociopolitique reste à la surface de la lecture de l’œuvre.    
         Au Théâtre National de la Grèce, sous la direction de Nikaiti Kondouri, la pièce de Miller revivifie le discours de la différence du point de vue de la profondeur de la question sociopolitique, à laquelle se mêle l’histoire d’amour de façon caractéristique. La mise en scène de Nikaiti Kondouri conduit le statut thématique de la pièce dans un environnement dominé par le mouvement surtout rapide mais nonchalant aussi quand il faut montrer les doutes et les moments de revirement.
         Georges Kimoulis incarne le rôle d’Eddie Carbone de manière à rendre au personnage la saveur d’un tragique qui préfère s’abandonner au hasard des situations. Face à Eddie, Béatrice et Catherine, interprétées par Maria Kechagioglou et Iliana Mavromati respectivement arrivent à attirer l’attention du public. Les deux comédiennes approfondissent dans leur rôle. Stathis Panagiotidis (Marco) et Alexandros Mavropoulos (Rodolpho) constituent une paire très dynamique, très utile au déroulement de l’action. Nikos Chatzopoulos (Alfieri) assure la continuité de l’intrigue et rend extrêmement avantageux le rôle du narrateur. Les autres comédiens (Paris Thomopoulos, Tassos Pyrgieris, Kostas Falelakis, Kostas Korakis, Thalia Griva, Nikolas Chanakoulas, Ilia Algaer, Giorgos Matziaris, Anastassis Syméon Laoulakos) encadrent les situations scéniques et dans certains moments créent une espèce de chœur.
         Notons que la scénographie et les costumes de Giorgos Patsas mettent en relief les « complexes » de toute sorte émanées par l’intrigue de la pièce : L’espace et les personnages baignent dans l’atmosphère manipulée par les immenses crochets qui pendent d’un plafond singulier, vaguement provocateur. L’ambiance créée projette le péril et l’incertitude, tout cela contrôlé par l’éclairagiste Lefteris Pavlopoulos qui « construit » l’espace et les objets comme les ombres dans un rêve à la limite du cauchemar.

Nektarios-Georgios Konstantinidis


Théâtre National de la Grèce – Scène Centrale – Bâtiment Tsiller, 22-24 rue Agiou Konstantinou, Place Omonia, Athènes, tél. 0030 210 5288170 

Δευτέρα 19 Φεβρουαρίου 2018

Les garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne, traduction de Dimitra Kondylaki, mise en scène d’Anna Chatzisofia, Théâtre « Alkmini »

       
       La pièce de Guillaume Gallienne, intitulée Les garçons et Guillaume, à table ! et écrite en 2007, est basée sur des éléments autobiographiques. A partir de là, on considère la construction de l’écrivain français comme un long soliloque, rompu dans son développement par des voix internes qui se manifestent en tant qu’interventions. Il s’agit d’un monologue étant donné que les propos du « je » parlant traversent une étape de délire linguistique pour aboutir à une espèce de contrôle interne du langage énoncé.

       Cependant, au fur et à mesure que la parole de Guillaume se développe, il y a d’autres voix qui interviennent des tréfonds de la substance émotionnelle du protagoniste. Les susdites voix forment toute une mosaïque d’informations d’ordre cognitif, esthétique et sentimental. Cela dit, il se déploie devant le lecteur/auditeur/spectateur des menus détails de la vie de Guillaume. En effet, les détails auxquels on se réfère ne font qu’une peinture du tableau vivant de la vie même de l’auteur.
       Ce qu’on cherche à interpréter dans le texte c’est la relation de Guillaume avec ses proches et notamment avec sa mère qui s’adresse toujours à lui comme s’il était une fille ! De cette façon, l’entourage du garçon lui a insufflé l’idée qu’il n’est pas un être masculin mais une présence carrément féminine. Le garçon cherchait donc à imiter la voix et le comportement des femmes pour satisfaire sa mère qui le traite comme un homosexuel. Le monologue de Guillaume Gallienne ne décrit que la trajectoire d’une conscience masculine vers sa maturité : chemin faisant, le héros se retrouve de l’intérieur, c’est-à-dire il découvre son identité sexuelle. De toute façon, son expressivité raffinée à la limite de la tendresse le range depuis sa naissance du côté des « différents ».
        Le personnage monologuant parle de cet état des choses et dévoile en guise de confession devant le public ses moments de doute et de certitude parfois. A vrai dire, Guillaume souffre dedans car sa vie entière est fondée sur une espèce de malentendu et de mensonge. Il se déchire en deux et ne sait pas quelle orientation sexuelle il doit choisir. Lui-même, il se sent dans sa réalité de garçon alors que les autres le considèrent comme une fille. La lutte de Guillaume, dans sa confession, c’est de montrer que mise à part sa mère, la vie le conduit vers les femmes. La vérité c’est que Guillaume fut depuis toujours un enfant ordinaire et non pas extraordinaire. Il forme une présence masculine forte malgré sa finesse, ses sensibilités, ses peurs et son comportement élégant. Il rencontre la femme de sa vie et il se marie avec elle mais il n’a jamais convaincu sa mère. Peut-être parce qu’elle voulait toujours le possédait et considère les autres femmes comme… adversaires !
         La mise en scène d’Anna Chatzisofia met en relief une espèce de communication directe entre le comédien et le public tout en soulignant le caractère comique du monologue. Le décor d’Evelyne Sioupi présente en détails la loge du comédien et chaque objet provoque des allusions et des connotations qui complètent la parole. Par exemple, l’éventail, objet extatique, crée un symbolisme fondé sur un certains clin d’œil qui marque l’état des causes de la situation de Guillaume. Dans ses souvenirs, le garçon et la fille se juxtaposent. Périclès Lianos incarne Guillaume Gallienne avec beaucoup de bonne humeur et éloigne le scepticisme conforme à la thématique traitée. Il change sa voix pour animer les paroles des autres personnages et réussit à contrôler ses gestes pour ne pas dériver à la parodie. La musique de Jacques Drossos et les lumières de Vaggelis Moudrichas focalisent sur les moments crucials et les non-dits.     

Nektarios-Georgios Konstantinidis


Théâtre « Alkmini », 8 – 12 rue Alkmini, Athènes, tél. 0030 210 3428650

Σάββατο 17 Φεβρουαρίου 2018

Ubu roi d’Alfred Jarry, traduction d’Achilleas Kyriakidis, mise en scène Manos Vavadakis, Théâtre National de la Grèce

     

       L’intrigue est simple. Ancien roi d’Aragon, Ubu renverse le roi de Pologne qui est son bienfaiteur. Il fait lâchement massacrer tous ceux qui constituent un obstacle entre lui et le trône. La pièce qui est une réécriture parodique de Macbeth de Shakespeare, nous fait aussi penser à la folie de Caligula que Camus peindra plus tard dans sa fameuse œuvre. En fait, Alfred Jarry fait de l’absurde dans Ubu Roi un instrument d’introspection individuelle autant que de contestation sociale. Nous pouvons signaler qu’il annonce le théâtre de l’absurde. On retrouve dans sa trilogie des souvenirs d’Œdipe roi de Sophocle.  

       Symbole de la cruauté, Ubu est un despote haï. Il représente les instincts les plus bas et il n’a rien de sympathique en tuant aveuglément ses adversaires. Il devient ainsi maître de l’absurde comme il incarne l’arbitraire du pouvoir. C’est un personnage de farce. Ses traits et ses gestes sont démesurément grandis. Il nous permet de gouter à la puissance de subversion et à l’insolence de l’enfance, des jeunes collégiens de Rennes. Jarry s’amusait avec ses camarades de lycée à railler son professeur de physique, M. Hébert. De ces plaisanteries de potaches naît la figure d’Ubu, qui déclenche un immense scandale le 10 décembre 1896, lors de la première représentation d’Ubu roi au Théâtre de l’Œuvre.
       Jarry est le précurseur des dadaïstes et des surréalistes qui ont vu dans Ubu Roi l’expression de l’inconscient. Tout en restant loin des écoles, il ouvre la voie à de nombreux dramaturges et mouvements. En son honneur, en 1926, Antonin Artaud et Roger Vitrac créent le Théâtre « Alfred Jarry ».
       La traduction en grec par Achilleas Kyriakidis propose des énoncés qui gardent intact l’esprit railleur de l’écrivain tout en soulignant le caractère grossier d’une expression comique, disons aristophanienne. Un texte plein des solutions adéquates qui transposent le style baroque d’une écriture qui s’étend de la vulgarité des paroles au paradoxe des situations. D’ailleurs, la mise en scène de Manos Vavadakis se plonge dans un scepticisme mélancolique du début à la fin du spectacle. Aucun changement politique n’apporte quelque chose vraiment de nouveau et tout reste condamné à un cercle vicieux. La crise économique ne prend jamais fin. Ceux qui exercent le pouvoir se comportent toujours d’une avidité nuisible pour l’ensemble de la société. Le peuple en est assez des promesses mais tombe toujours au piège d’un bon orateur qui rêve seulement à satisfaire ses ambitions personnelles.
        La scénographie de Manos Vavadakis projette deux mondes où règne le spectacle : un écran et une sorte de boite de nuit. Les costumes de Giorgina Germanou soutiennent par des éléments hétéroclites le factice et le kitch. La lumière de Stella Kaltsou et surtout la couleur rouge renforce une esthétique qui baigne entre le burlesque et le grotesque. La musique de Giannis Niarros et de Christos Mastroyiannidis anime le caractère comique des scènes. Notons que le video art de Giorgos Tsirogiannis, le décor et les costumes renvoient au jeu vidéo et à la fameuse série « Stars wars ». Cette procédure de parodie crée une sorte de critique de la part de la mise en scène envers l’actualité contemporaine de la Grèce.
        Les comédiens de la troupe (Manos Vavadakis, Stella Voyiatzaki, Chara-Mata Giannatou, Panaghiotis Exaerheas, Katerina Zissoudi, Aris Laskos, Maria Moschouri, Giannis Niarros) jouent les rôles d’un expressionnisme modéré qui trace des lignes de démarcation entre les mouvements légers et les grimaces cruelles. Ils gardent une vivacité et une exagération indispensables au caractère de la pièce.      

Nektarios – Georgios Konstantinidis


Théâtre National de la Grèce, Théâtre « Rex », Scène d’expérimentation -1 (Scène « Katina Paxinou »), 48 rue Panepistimiou, tél. 0030 210 33 01 881