Τετάρτη 21 Μαρτίου 2018

Stella Violanti de Grigorios Xénopoulos, mise en scène Georges Lyras




       Grigorios Xénopoulos (1867 – 1951), membre de l’Académie d’Athènes, figure parmi les dramaturges les plus importants et les plus joués des débuts du vingtième siècle. Son œuvre littéraire (romans, nouvelles, pièces de théâtre) a également intéressé les réalisateurs qui ont porté à l’écran certaines de ses histoires, calquées sur la réalité ambiante. Aussi, ses sujets embrassent-ils un vaste champ de thématiques appuyées sur la vérité idéologique et culturelle de l’écrivain grec et de son entourage.
       Grigorios Xénopoulos avait vécu, en plus, les particularités de la politique en place, dominée par les italiens qui avaient à l’époque cultivé l’esprit de la division du peuple, en noblesse et en « popolari ». Cette idéologie, propre à la politique dans les îles ioniennes, sous les italiens, traduisait une rupture au corpus même du peuple qui se révoltait de temps à autre en réclamant son droit à l’égalité. Pourtant, les problèmes sociaux ont plutôt fortifié, relativement vite, le statut économique de ceux qui n’appartenaient pas à cette espèce de noblesse décadente et oisive. Désormais riches, les gens du peuple dominent favorisés par le commerce et le travail.
        Le sujet en question traverse de façon aiguë la pièce de Xénopoulos. Stella Violanti est l’adaptation d’une nouvelle de l’auteur, intitulée Amour crucifié, étant donné que le motif central porte à la lumière du jour l’histoire d’une jeune fille torturée par un amour non vraiment partagé : son amoureux, noble appauvri, subit un comportement futile et, à la fin, il s’oblige de trahir l’amour pur et chaste de Stella qui doit également supporter l’humeur outrageante et la sévérité de son père. Le dernier, riche bourgeois, gouverne chez lui en despote absolu qui se soucie uniquement de l’opinion publique. Il ne peut accepter ni tolérer la honte du comportement de sa fille. Il désire qu’elle se marie avec un vieux mais très riche. Elle refuse. Elle aime Christakis. Il l’enferme dans une mansarde. Néanmoins, la passion de Stella se dégénère en une obstination mortelle : Stella ne veut plus vivre malgré l’attitude adoucie de son père. Rien n’a plus d’importance une fois le malheur consommé.
        La représentation athénienne, au Théâtre « Dimitris Horn », rend avec exactitude les motivations les plus cachées de chaque personnage impliqué au déroulement de l’action. Eugénie Dimitropoulou, dans le rôle de Stella Violanti, se laisse montrer une expression du pathos de l’héroïne qui lie la pièce, aussi bien à la société de l’époque de Xénopoulos qu’à la société de tout temps scellé par le savoir faire conformiste. Dans le rôle de la mère, Nektaria Yannoudaki interprète les deux faces de la mère qui se soucie profondément du sort de sa fille. Son jeu favorise la tension de la personne référentielle, conçue par l’auteur dramatique et montre ainsi comment se cacher derrière le masque du « comme il faut ».
        En tant que père, Dimitris Papanikolaou interprète également la tension en y ajoutant la force psychologique du maître de tout ce qui respire dans la maison. Aux antipodes de celui-ci, le rôle du frère, assumé par Ilias Latsis, se penche du côté de la moquerie qui rend davantage plus futile l’histoire d’amour de sa sœur avec le noble appauvri Christakis. Avgoustinos Koumoulos incarne avec justesse l’homme dépourvu de tout honneur que promet sa caste.
        Pénélope Markopoulou, comme tante – nourrice, souligne la sentimentalité exhaustive de la femme dédiée en entier à la personne de sa nièce, Stella. L’excellente comédienne joue avec son regard et ses grimaces expressifs traduisant ainsi une personne de l’intrigue bien travaillée. Dans le rôle de la servante, Athina Sakali complète l’impression d’un ensemble des comédiens prompts et pleins de vitalité sur le plateau.
        D’ailleurs, la mise en scène de Georges Lyras, extrêmement bénéficiaire des bons résultats de tous les acteurs, elle exploite aussi les avantages que lui offre la scénographie et les costumes d’Apollon Papathéocharis. Il est à noter que Georges Lyras crée une atmosphère fondée sur l’esthétique d’un naturalisme provoquant, ce qui met en valeur le romantisme dépouillé du « romanzo ». On souligne pourtant l’extravagance de la robe – piège que porte Stella ainsi que le parallélépipède de la table énorme qui occupe le plein centre de l’action. Ces deux pointes indicatives sont, malgré tout, de taille à annoncer un certain symbolisme qui ne se manifeste pas encore. Cependant, la musique et certains effets sonores d’Antoine Papakonstantinou fonctionnent, pensons nous, en présence d’éléments du méta-moderne. De même l’éclairage d’Alexandros Alexandrou met l’accent sur l’extravagance de quelques moments emportés par l’expressionisme d’une attente dépourvue de substance opératoire.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre « Dimitris Horn », 10 rue Amerikis, Athènes, T. : 0030 210 36 12 500

Τετάρτη 7 Μαρτίου 2018

Karaflobekatsos et Spyridoula de Lena Kitsopoulou, mise en scène Konstantinos Markellos



       La pièce de Lena Kitsopoulou, intitulée Karaflobekatsos et Spyridoula, appartient à un répertoire qui propose l’insolite à la place peut-être de l’esthétique du méta-moderne. Cependant, l’insolite de l’écrivaine grecque projette plutôt le grotesque bourré d’éléments d’un méta-langage centré sur les stéréotypes ainsi que sur certains clichés caractéristiques. Il se crée donc une espèce d’expression linguistique à l’intérieur de la langue utilisée par l’entourage dénonciateur. Il s’agit, l’on dirait, d’une mise en pages d’un phénomène langagier proche de ce que l’on appelle le « théâtre dans le théâtre ». L’élément expressif accompagne un acte corporel à côté de la thématique associée au faire et au dire. Il est bien entendu que le mot énoncé provoque l’explosion de la manière de présenter l’esthétique des extrémités.
        Dans le texte de Lena Kitsopoulou, les clichés provocateurs font légion, ce qui constitue un texte qui se veut d’un côté provocateur et d’un autre dénonciateur visant la classe médiocre des petits bourgeois. Ainsi, la provocation et la dénonciation s’affilient dans le but de montrer au public les modalités qui aident à formuler, le mieux possible, la partie prise de l’auteure. En effet, Lena Kitsopoulou projette ses accusations à l’égard de l’ordre établi et prend le spectateur en témoin pour exorciser avec aisance les forces maléfiques des bienséances au détriment, bien entendu, de la vraisemblance dont on n’a pas besoin paraît-il. On peut très bien vivre sans les contraintes de toute sorte, dans un climat donc d’euphorie après avoir tourné en ridicule les façons de faire et de dire des gens autour de nous.
         Cependant, présenter sur la scène, à travers le corps du comédien, la trivialité des choses dans une société donnée qui, en plus, a besoin d’être guérie de ses multiples maladies, semble, à vrai dire, à l’effort de Dieu qui aurait le pouvoir de purifier les maudits. Or, Lena Kitsopoulou n’a pratiquement rien à faire même lorsqu’elle se met en quatre pour choquer le public et l’inviter ainsi à voir la vérité vulgaire de face. Pourtant, depuis que la civilisation existe, le théâtre se donne la peine de corriger les mœurs et cela sans toujours hurler son désespoir car rien ne bouge. Ce que Kitsopoulou entreprend de faire devient de plus en plus incapable d’assurer le pouvoir énorme du théâtre, qui perd ainsi de sa force vitale. Le spectateur aboutit à perdre de vue l’objectif de ce théâtre de grandes et de trop nombreuses thématiques « masquées » par la grossièreté du langage. L’esprit soi-disant provocateur n’est en fait qu’une fourberie cachée sous les apparences d’un vouloir changer le monde et l’humanité.
         Dans la représentation de la pièce Karaflobekatsos et Spyridoula au Théâtre « Stathmos », les comédiens suivent avec exactitude les paramètres de leurs rôles, conformes à une conception de mise en scène du vulgaire. La représentation se produit sur deux volets, le premier occupé par l’Homme (Karaflobekatsos) et le second par la Femme (Spyridoula). L’Homme, interprété par Konstantinos Avarikiotis, ne fait que parler à soi-même et notamment à ses couilles, pauvre type ! Il a tant de choses à raconter à sa partie génitale qu’à la fin, il succombe aux puissances maléfiques de son corps « mal foutu » et des particularités de son cul. Sinon, Konstantinos Avarikiotis joue avec de la bonne humeur et fournit à son personnage une petite dose de vérité obsessionnelle qui le rend sympathique.
         D’ailleurs, Hélène Stergiou, dans la deuxième partie de la pièce, incarne une espèce de femme fatale, habillée de façon appropriée, une femme qui ne fait que parler aussi et étaler les menus détails de sa vie comme « femme » qui cache sa vraie nature. Oui, l’homme caché sous la corporalité d’ensemble de Spyridoula, débite des mots « choquants », des soi-disant inconnus du public considéré apparemment comme un amas d’imbéciles, surtout dans un théâtre à Athènes, une ville qui pilule de petits et de grands théâtres qui pratiquent l’avant-garde.
         Aussi, la mise en scène de Konstantinos Markellos tombe-t-elle dans le piège tendu par le texte et n’a pas beaucoup de choix de montrer l’élément désaxé en relation avec son homologue, polyvalent et sincère. Toutefois, l’ambiance créée par la scénographie de Giorgos Vafias ainsi que les éclairages de Melina Mascha et la musique de Giorgos Kassavetis permettent d’entrevoir une petite « lumière » proche d’une coexistence de « vérité » fictionnelle et de fiction basée sur le soi-disant. Il est à souligner que le décor a, en tant qu’éléments séparés, sa propre place qui reflète les désirs et les passions tout internes : la présence des colonnes – boîtes montre de prime abord un univers uniforme. Au fur et à mesure que l’action avance, les colonnes dévoilent leur contenu, c’est-à-dire des objets personnels et de petites localités caractéristiques. Le passage de la métonymie à la métaphore se fait sans brusquer l’entourage sur la scène et cela amplifie la portée de la dynamique du spectacle.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre « Stathmos », 55 rue Victor Hugo, Athènes, tél. 0030 211 40 36 322


Πέμπτη 1 Μαρτίου 2018

Les femmes diaboliques au Théâtre « Tzeni Karezi »



      Sara Ganoti et Nikos Stavrakoudis signent une adaptation théâtrale, bien réussie, du film Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot d’après le roman Celle qui n’était plus de Pierre Louis Boileau et Pierre Ayraud, dit Thomas Narcejac. Le metteur en scène Paris Mexis obtient un résultat scénique approprié. Il donne un souffle particulier à une histoire de cocuage lié à la chronique, disons, d’un meurtre, encadré dans le schéma « vrai – faux – secret – mensonge ». En effet, tous les personnages de l’intrigue sont impliqués à des situations ou à de petits épisodes caractéristiques d’un constat qui leur est attribué. Au fur et à mesure que l’action se développe au sein d’une microsociété, comme l’école privée de Madame Delassalle, le vrai et le faux s’entremêlent et accusent une situation de désordre concernant aussi bien ceux qui gèrent l’école que ceux qui y travaillent ou qui y étudient.
        L’atmosphère, créée par la mise en scène, met en relief l’ambivalence et l’ambigüité nées, par exemple, du secret soupçonné dans son côté négatif. Le secret porte en lui la duperie consommée par le manque de confiance. Les personnages de l’intrigue baignent tous dans l’accusation, les uns montrant du doigt les autres, au niveau bien entendu de ceux qui sont concernés : la femme soupçonne son époux, l’époux sa maîtresse, la maîtresse son associé et tout cela jusqu’à ce que le vrai perd tous ses liens avec les notions contraires lui devenant synonyme dans un espace peuplé d’oxymores et d’éléments fluides.
        En fait, l’espace scénographique de Paris Mexis est indiqué et fortement souligné grâce à une piscine qui constitue le fond où se déroule l’action. D’ailleurs, le spectateur a l’impression que tout commence de la piscine et aboutit à elle comme lieu de rencontres de toutes les antithèses, qui mettent sur pied la rhétorique des eaux emportant tous les mensonges et toutes les vérités. En outre, la piscine fonctionne également comme un endroit purificateur qui lave les péchés. Toutefois, la piscine – purgatoire ne se laisse faire si facilement : le corps plongé c’est le summum de l’action de la piscine, considérée comme une pièce d’eau qui se venge, peut-être, dans le but de prêcher la morale aux futurs pécheurs, forgés dans et par l’adultère, créateur d’idées. Or, l’idée majeure c’est commettre un meurtre pour se faire une vie.
        La représentation athénienne, au Théâtre « Tzeni Karezi », traite la pièce comme une étrange mosaïque d’incertitudes et d’interrogations. Qui a raison ? Qui a tort ? Est-ce que vraiment le mari un salaud ? Et l’épouse ? Est-elle vraiment innocente ? Autant de questions qui arrivent jusqu’à l’inspecteur, mis en doute lui aussi.
        Dans le rôle de Christine Delassalle, Maria Kavoyanni ajoute une certaine sentimentalité mélancolique alors que la maitresse Nicole Horner de Kaiti Konstantinou est présentée comme engagée aux extrémités de son rôle, c’est-à-dire elle joue d’un air plus austère et plus décisif qu’on n’aurait attendu. Toutefois, son rythme scénique est impeccable, comme celui de son amant, l’époux de Christine, le directeur de l’école, Michel Delassalle. Dans ce rôle, Nikos Arvanitis accentue, par ailleurs, le fait que l’action a lieu pratiquement dans l’école, cette grande entité qui crée l’antithèse centrale entre le lieu d’apprentissage et le lieu des inscriptions des désirs innommables.  
        En tant que Plantiveau, le concierge de l’école, Dimitris Liolios se démène en courant dans l’espace jusqu’aux rangs des spectateurs. Il montre ainsi le professionnel affairé et toujours préoccupé, quelqu’un chassé par les circonstances ainsi que par les besognes attachés à son boulot. Dans le même esprit, ou presque, l’élève Philippe de Michalis Prospathopoulos suit le cours du rythme scénique et court aussi de long en large comme s’il était chassé par un esprit maléfique. Cependant, il porte à la lumière du jour le point culminant de tous les secrets de son entourage. Le jeune élève de Michalis Prospathopoulos se laisse aller au dessous d’un réalisme « parfumé » d’un absurde tout à fait toléré.
        Notons que, contrairement au « va et vient » exhaustif, on dirait, la sérénité et ce quelque chose d’innocent dans la tenue de l’inspecteur Fichet, interprété par Sotiris Tsakomidis, rendent l’ensemble des comportements des personnages beaucoup plus équilibré. Pourtant, l’inspecteur qui pose souvent trop de questions n’est vu que d’un œil peu confiant. Ici, l’inspecteur de Sotiris Tsakomidis répand plutôt de la paix sereine, le tout vu des yeux d’un enfant.
        La représentation au Théâtre « Tzeni Karezi » réunit de bons collaborateurs artistiques : les costumes de Paris Mexis nous introduisent aisément dans l’ambiance contrôlable (l’école) et sont d’une harmonie rare. De même, les effets sonores de Katerina Vamva en relation avec l’éclairage de Giorgos Tellos tissent un entourage scénique parfait.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre « Tzeni Karezi », 3 rue Akadimias, Athènes, tél. 0030 210 3636144