Παρασκευή 11 Ιανουαρίου 2019

Anatole d’Arthur Schnitzler, traduction de Marios Ploritis, mise en scène de Yannis Vouros

Le célèbre écrivain autrichien (1862-1931) représente la liaison miraculeuse entre médecine et poésie (Sigmund Freud voyait en lui son double). « Schnitzler, dit Heinrich Mann, c’est la vie douce à proximité de la nécessité amère de la mort. Schnitzler, c’est la balance tchekhovienne entre la sensibilité psychologique et la dureté objective. Il brosse des portraits atmosphériques de jeunes Viennois à la fin du XIX ème siècle, d’une façon réaliste et impressionniste, et décrit la décadence post-bourgeoise. »
Le personnage central d’Anatole (1893), en sept épisodes et un épilogue relatant les aventures d’un Casanova avec des femmes, est un alter ego de l’écrivain qui donne à voir  des personnages féminins: mystérieuses, artistes, coquettes, jalouses, frivoles, libertines, fatales, précieuses, fragiles ou invulnérables, des femmes passent dans la vie d’Anatole. Jeunes ou âgées, pauvres ou riches, fameuses ou inconnues, elles sont les protagonistes d’instantanés farcesques, ironiques, sarcastiques ou mélodramatiques. Avec scènes de rupture, dialogues amoureux et moments de volupté. Et dans cette histoire embrouillée, on ne sait jamais qui est le bourreau et qui est la victime car la passion charnelle entraîne les personnages dans les mensonges et les quiproquos. Toujours insatiable et insatisfait, ce Dom Juan cherche une consolation auprès d’amours éphémères, ce qui le conduit à des impasses. Auprès de lui, son ami Max, un « sage philosophe », commente  l’action avec humour et cynisme, en citant des vers ou en faisant des plaisanteries spirituelles.
 Yannis Vouros met en valeur la pièce avec un décor simple mais soigné et de bons costumes. La première scène est une sorte de procès d’Arthur Schnitzler ! Une voix enregistrée (celle d’un juge) pose des questions à l’écrivain et l’accuse d’écrire des pièces immorales et indignes d’être présentées sur scène. Lui, répond du tac au tac, avec un esprit étincelant. Peris Michailidis est ici un Schnitzler exceptionnel, puis devient Max son ami. Avec une voix et une gestuelle remarquables, il  crée à la fois un personnage et commente l’action. Lefteris Vassilakis incarne Anatole avec une expression fervente, tout en insistant sur le style de vie trépidant d’un jeune homme. Julie Souma, elle,  joue sept personnages  avec précision et sensualité.
Un spectacle qui respecte l’esprit du texte: nous pouvons ainsi, quelque cent cinquante ans plus tard, nous poser toujours autant de questions qu’Arthur Schnitzler, sur la fidélité à une liaison et sur la durée de la passion…
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Alkmini, 8 rue Alkminis, Athènes.  T. : 0030 210-3428651.

Τρίτη 8 Ιανουαρίου 2019

Cock de Mike Bartlett, traduction de Katerina Evangelatou, mise en scène de Minos Theocharis

À trente quatre ans, Mike Bartlett est un des jeunes dramaturges anglais les plus doués: Bull, Contractions, Love, love, love, et Mon Enfant.  En résidence au Royal Court Theatre en 2007 puis au National Theatre en 2011, il est auteur associé à la compagnie Paines Plough. Il écrit pour le théâtre, la radio, la télévision et le cinéma. Cock reçoit un Olivier Award et  Love, love, love a reçu le prix de la meilleure pièce contemporaine aux Theatre Award.
Ecrite en 2008 et créée au Royal Court Theatre de Londres, Cock, une comédie amère, traite de l’orientation sexuelle et des troubles provoqués dans un couple homosexuel avec l’apparition d’une femme. John vit depuis sept ans avec son conjoint qui le traite parfois comme un incapable, ou le fait suffoquer dans une relation où chacun ignore les vrais besoins de l’autre. Et la 
communication va être difficile dans ce couple en crise: John a  en effet rencontré une femme dont il est tombé amoureux. Une première fois pour lui! Et il n’est pas sûr de ses sentiments. Cette expérience le fait réfléchir. Qui est-il? Homo ou hétérosexuel? Une remise en cause à travers l’exploration de ses fantasmes les mieux enfouis, avec mensonges et jeux de pouvoir. Son compagnon revendique alors sa place dans la vie de John et invite cette femme pour un dîner… qui va finir en véritable bataille.
La situation devient plus complexe, quand arrive le père du compagnon de John. Invité aussi au dîner, il soutient la liaison de son fils avec John, tout en exposant ses arguments sur la sexualité et les problèmes auxquels les gens peuvent faire face au long de leur vie. John doit prendre une décision: suivre cette femme et créer avec elle une famille et avoir des enfants. Ou rester avec son compagnon et vivre avec lui comme avant. John se demande s’il est bisexuel mais chaque fois les réponses ne sont pas satisfaisantes, ou son ami le manipule. Il ne sait plus alors quel chemin prendre et se force à rester en couple pour conserver sa sécurité. Malgré une relation usée…
Katerina Evangelatou a trouvé des équivalences pour traduire les expressions argotiques, avec un texte clair pour le public grec. Minos Théocharis  crée une mise en scène autour d’un décor simple avec juste, en fond de scène  une tapisserie.  Et le spectateur imagine tout ce que la parole expose. Rythme rapide, répliques souvent inachevées et chorégraphie renforçant le burlesque de la pièce. Les comédiens soulignent les situations avec une gestualité proche du jeu de marionnettes, et avec ironie. Ilias Moulas (John) exprime l’angoisse et le manque de confiance en lui de ce personnage complexe. Dimitris Makalias (le compagnon de John) a un comportement hystérique avec voix de crécelle et gestes efféminés. Fotini Athéridou, elle, joue avec rigueur et brio, La Femme, devenue ici pomme de discorde. Alexandros Kalpakidis (Le Père) développe une dialectique entre raison et sentiments pour sauver la situation et assurer le bonheur de son fils.
Un spectacle amusant, mais qui sait aussi être profond et émouvant: de quoi alimenter les discussions pour la soirée!  
      
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Athinwn, 10 rue Voukourestiou, Athènes. T. : 0030 210 33 12 343.

Παρασκευή 4 Ιανουαρίου 2019

"Ήρωες" Le Vent des peupliers de Gérald Sibleyras, mise en scène de Nikita Milivojevic

Dans cette pièce créée au Théâtre Montparnasse à Paris en 2003 par  Jean-Luc Tardieu,  Georges Wilson, Jacques Sereys et Maurice Chevit interprétaient trois vieux militaires, Gustave, René et Fernand. Sur la petite terrasse isolée -qu’ils considèrent un peu comme à eux- de leur maison de retraite, ils essayent de faire passer le temps: besoins d’ailleurs, fanfaronnades,  rêveries et mensonges… Intrigués par le vent qui secoue les peupliers sur la colline d’en face, ils décident d’y aller mais ils ont perdu leurs forces …
Alors, ils parlent du Temps et de l’anniversaire imminent de Chassagne, un de leurs compagnons. Ils critiquent aussi sœur Madeleine, la directrice de cette maison de retraite qui fait son possible pour animer le quotidien de ces personnes âgées. Six scènes comiques, comme celle où Fernand est persuadé de voir bouger le chien en pierre qui orne la terrasse, avec de courtes répliques et  des échanges assez vifs entre eux…
Bien décidés à aller pique-niquer sur la colline aux peupliers, Fernand, Gustave et René  se préparent à une véritable expédition. Après avoir déjoué la vigilance de sœur Madeleine pour s’enfuir, ils doivent subir une autre épreuve: franchir une rivière et six cent mètres de dénivelé pour atteindre leur objectif… Ils doivent surtout faire face à la solitude, à la vieillesse, à la mort et au Temps, leur  ennemi ! Ils sont différents mais l’un complète l’autre. René veut toujours bien faire. Gustave, sans cesse de  mauvaise humeur, veut être au centre de l’action. Et Fernand, discipliné et méthodique à l’extrême, s’évanouit très souvent.
Nikita Milivojevic crée un spectacle magnifique; il renforce le caractère comique et parfois amer du texte qu’il a mis en scène avec une grande  rigueur, avec une musique de Dimitris Kamarotos. Giorgos Gavalas a suivi les didascalies et a créé un espace symbolique qui évoque l’écoulement du temps, la nostalgie des jours heureux et la mélancolie. Comme avec ces feuilles fanées qui tombent…
Trois grands comédiens grecs incarnent les personnages imaginés par Gérald Sibleyras: Giannis Fertis est un Fernand à la fois émouvant et drôle avec ses évanouissements fréquents. On reconnait Dimitris Piatas (René) à sa voix caractéristique. Ieroklis Michailidis souligne la mythomanie  de Gustave. Ils expriment l’angoisse de héros qui cherchent un ailleurs, au soir de leur vie. A la fois inquiets, fatigués, impuissants mais résolus à rêver…
Un spectacle touchant , à ne pas manquer !
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Katerina Vassilakou, 3 rue Prophète Daniel et Plataiwn, Athènes, T. : 0030 211 01 32 002 – 005

Τετάρτη 2 Ιανουαρίου 2019

Le Tambour de Günter Grass, adaptation d’Adonis Galleos mise en scène de Dimitra Chatoupi

Après avoir étudié la sculpture et la peinture, le romancier et dramaturge allemand Günter Grass (1927-2015), séjourne quatre ans à Paris, et écrit Le Tambour, roman paru en 1959, qui lui assure une réputation internationale.  Oskar a trois ans, et refuse de grandir, et ne se sépare plus de son tambour. Günter Grass dessine ici une fresque picaresque, truculente et sarcastique de l’Allemagne du Nord, de Dantzig à Düsseldorf, et de l’Empire allemand, au Wirtschaftswunder.
À travers l’histoire d’Oskar, l’auteur abolit la frontière entre merveilleux, réalisme, fantasme, monde quotidien, rêve et délire. Le fantastique et l’extraordinaire (arrêt volontaire de croissance, intervention divine, voix vitricide, personnages traversant le temps et les âges comme Bebra, mémoire précédant la naissance du narrateur etc.) sont présentés par Oskar comme parfaitement normaux, voire banals.
Le lecteur voit sa capacité de croyance mise à l’épreuve:  l’improbable lui est présenté comme vérité. Le symbolisme, présent dans la relecture grivoise et irrévérencieuse de la mythologie germanique et d’éléments bibliques (livre de la Genèse, Apocalypse, prophète et prophéties), jalonne aussi le roman et l’écrivain allemand réfute toute lecture purement rationnelle et objective de la réalité. En proposant une vision élargie par le mythe et l’allégorie, Le Tambour préfigure les thèmes et l’esthétique du réalisme magique latino-américain des années 1960.
Adonis Galleos a adapté ce roman pour le théâtre, avec une série d’instantanés… Dimitra Chatoupi renvoie au cirque en incorporant des éléments du théâtre d’ombres, de la pantomime, du jonglage, du théâtre de la rue, du music-hall, du cabaret et des improvisations rappelant le cinéma muet. Dans cette performance musicale et théâtrale, Dimitra Chatoupi conjugue parole et gestuelle qu’elle met au service de l’idéologie du texte. Le décor se compose et se décompose en permanence pour représenter les actions et lieux des épisodes du roman. Les costumes en noir et blanc renvoient à celui du clown comme le maquillage blanc des visages qui neutralise l’expression. Tous Les comédiens, jeunes et talentueux, jouent, chantent, dansent et forment avec unité.
Aris Andonopoulos (Narrateur/Oskar) commente l’action au micro devant une console et intervient aux moments cruciaux. Dimitris Tsiklis (Oskar) souligne le message politique du texte  et son caractère allégorique. Katerina Skylogianni (Maria) et Nikos Samouridis (Marcus) se distinguent par une remarquable gestuelle. Georgia Zachou (Lioumba) jongle et avale le feu ! Stella Papakonstantinou (Maîtresse), un beau personnage comique, critique le système scolaire et les méthodes du fascisme. Anastasia Dendia (Grand-mère), Giorgos Korobilis (Feingolid), Elli Stergiou (Agnès), Théoni Tsourma (Madame Smou), Christiana Chatzipiera (Souzy) et Alkistis Christopoulou (Nana)  grâce à leur gestualité, soulignent les  non-dits des situations. 
Giorgis Partalidis (Jan), Nikos Sigalas (Matzerath) et Giannis Simos (Nain) soulignent par leurs expressions signifiantes l’esthétique dominant du spectacle. 
Ce spectacle correspond bien aux intentions de Günter Grass: celles d’un «conte sombre de formation pendant la période de la montée du nazisme en Europe ».
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Simio, 4 rue Charilaou Trikoupi, Kallithea, Athènes. T. : 0030 210 92 29 579