Τετάρτη 31 Ιανουαρίου 2018

Oncle Vania d’Anton Tchékhov au Théâtre « Anessis »

      

     Anton Tchékhov est un auteur russe très connu du public grec qui a eu souvent l’occasion de voir portées sur scène pratiquement toutes ses pièces. D’ailleurs, les grands comédiens dans l’histoire du théâtre en Grèce ont presque tous attaché leur nom et leur notoriété aux grands rôles de la dramaturgie de Tchékhov.

      Oncle Vania se place parmi les pièces les plus aimées de la part des spectateurs mais aussi de la part des comédiens d’expérience auxquels s’offre la possibilité, à travers cette œuvre, de construire à zéro certaines personnalités comme l’oncle Vania, le docteur Astrof et d’autres. Vania exprime l’effort interminable de se donner en entier pourvu que son travail soit reconnu tout en ajoutant sur sa fierté d’homme. L’on pourrait dire que les personnages autour de lui ne font que fortifier sa « gloire » : En tant que satellite ou membre d’un orchestre dirigé par lui, les compagnons de route de Vania dépeignent le mouvement incessant, un mouvement symbolisé par les « éternelles » valises portées par les uns et les autres, rien que pour bien fixer l’espace de Vania.
       La représentation au Théâtre « Anessis » suit le cours de la pensée ci-haut formulée dans le but apparemment de faire dégager l’esprit de paix ensemble avec celui de la révolte : Vania vacille entre les deux humeurs et cela produit une situation centrale censée exprimer l’envie d’un équilibre salutaire.
       Toutefois, Démosthène Papadopoulos, metteur en scène, traducteur et responsable de l’éclairage ainsi que de la musique de la représentation, n’arrive pas à trouver l’harmonie de son spectacle ce qui est dû, à mon avis, au besoin de montrer surtout la décadence des forces motrices qui vivifient les personnages – anaphores. En fait, il n’a pas trouvé le chemin vers le rajeunissement de la pièce s’il est question, à vrai dire, d’opérer sur un système donné en passant outre sur l’esthétique qu’on veut défendre. Pourtant, la mise en scène de Démosthène Papadopoulos ne prête aucune attention à la clarté de l’esthétique même s’il s’agit de vouloir coûte que coûte moderniser ou encore plus amusant « post-moderniser » une pièce quelconque.
       Cependant, le talent de Démosthène Papadopoulos est bien apprécié par la critique et par le public grec. Il s’agit d’un acteur dont l’expérience aurait pu garantir la création d’une atmosphère valable et pure, à travers le personnage de Vania qu’il interprète. Monsieur Papadopoulos, dans le rôle de Vania, repose sur une esthétique criarde et bien éloignée des « bienséances » de l’actualité théâtrale. Sa création de l’oncle Vania n’a aucun (ou presque aucun) support en dehors du nom du personnage en tant que référence. L’esthétique et la thématique torturées, il y reste seulement la structure de surface de la pièce sur scène, chose qui n’a présenté aucun empêchement vital, concernant le passage de l’axe horizontal à l’axe vertical de la construction scénique.
       En outre, vues les intentions du metteur en scène, les comédiens – rôles baignent dans une atmosphère de laisser aller. En tant que docteur Astrof, Vassilis Bisbikis soutient une sorte de réalisme mal placé et mal à l’aise. L’Elena de Thalia Matika essaie de sauver la face qui risque de virer dans une sexualité extravagante. Aux antipodes de cette bonne comédienne après tout, la Sonia de Sophia Panagou, bien qu’elle défende la figure austère et par trop fermée en elle-même, découpe son personnage du reste de la troupe et donne l’impression qu’elle veut s’emparer de tout instant du spectacle. La mise en scène et l’esthétique du « boiteux » rendent le personnage de Sonia étranger par rapport à tous les autres.
       Il est à noter que le reste des comédiens de la troupe, Théodoros Kandiliotis (Sérebriakof), Dimitris Diakossavas (Marie), Dimitris Kapétanakos (Téléguin) et Manos Kazamias (Marine) forment un ensemble de personnages auxiliaires, très bien manié, dans le but de présenter un entourage vaguement tchékhovien même s’il représente sur le plateau une esthétique bourrée d’esthétiques sans aucune cohérence.  Notons, par ailleurs, que la scénographie de Stavros Litinas permet la communication de l’intérieur à l’extérieur et vice versa, alors que les costumes d’Ilénia Douladiri, c’est la catastrophe. Ils suivent la mentalité de n’importe quoi.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre « Anessis », 14 Kifissias Avenue, Ambelokipi, tél. 0030 210 74 88 881


Κυριακή 28 Ιανουαρίου 2018

Nouvelle page (Chapter Two) de Neil Simon au Théâtre « Mikro Gloria »

     

       Neil Simon est un auteur dramatique américain, enclin plutôt à une graphie théâtrale qui place au centre de ses thématiques la « lutte » entre le comique et le sérieux. La préoccupation majeure de Simon, c’est la mise en relief de tout ce qui considère la vision du monde colorée de toutes les couleurs possibles. La procédure s’élargit pour se soumettre à la fin à l’élément bipolaire oscillant entre le blanc et le noir. Neil Simon observe avec hardiesse l’entourage de ses personnages qu’il voit de l’intérieur. Il s’agit d’ailleurs d’une façon d’envisager des moments de sa vie à lui, de ses rencontres furtives ou encore plus stables en ce qui est de leur durée « socio-temporelle ». Cela dit, la sociabilité des personnages – anaphores de Simon semble être attachée à une espèce de temps qui marche de pair avec l’ambiance vertigineuse dans laquelle se développent les héros des pièces du dramaturge américain. On n’oublie pas que l’Amérique est fortement associée à l’idée que l’on a d’elle à travers la notion « compacte » de l’idéologie de l’Utopie : Le « rêve américain » (« american dream ») traverse toute approche de la dramaturgie américaine, qui se veut soit tragique et dramatique, soit sérieuse, romantique souvent, mais surtout légère.

     Sous cette optique, Neil Simon peut être considéré comme le Feydeau « hyper atlantique », un auteur donc dramatique à la recherche des grands boulevards de Paris. Si à Paris on s’amuse encore aujourd’hui avec les blagues autour d’un cocuage, à New York on se laisse aller à des exaspérants gags humoristiques autour d’un cocuage disons « kinky ». Or, le cocuage est censé être chargé d’un même matériel moral même s’il s’agit d’un couple de gays. Homme ou femme victime de cocuage, la douleur est pareille. Simon parle aujourd’hui de la question du mariage des homosexuels mais il défend la cause des victimes, c’est-à-dire de tous les blessés et des torturés, de tous les vaincus de la « guerre du sexe ».
     Dans Nouvelle page (Chapter Two), pièce écrite en 1977, Georges Schneider, écrivain, veuf, n’ose et ne veut plus connaître une autre femme de peur de la perdre comme la précédente. Cette « certitude » devient une obsession majeure, excentrique, amusante et enfin ridicule. De même, Jennie Malone, comédienne, évite avec ardeur les rendez-vous organisés par ses proches. De plus, elle vient de vivre tout ce qu’un divorce entraîne. Elle ne veut plus goûter de pareil état d’être lui préférant ce sentiment de liberté absolu qu’elle ressent sous les conditions créées par la séparation.
     Dans la représentation d’Athènes, au Théâtre « Mikro Gloria », la traduction et la mise en scène de Yannis Moschos mettent l’accent sur l’actualisation de la pièce de Neil Simon. De toute façon, le public athénien a déjà plusieurs fois vu portée sur scène la Nouvelle page ainsi que l’ensemble (ou presque) de la dramaturgie de Simon qui lui est familière. Yannis Moschos garde toute la fraicheur d’une pièce qui aurait risqué, si l’on peut dire, de passer comme une œuvre périmée. En effet, le traducteur et metteur en scène opère sur certaines expressions langagières qui portent sur le jeu, l’attitude sur le plateau et surtout les grimaces, en tant que gestes du visage. Yannis Moschos obtient un résultat exquis, en combinant des choses hétéroclites, comme la veste vieillie par le temps et notamment par Georges, le personnage qui la porte. Au contraire, les habits de Léo, frère de Georges, gay, sont des couleurs vivantes qui expriment, après tout, la vivacité de Léo comme intermédiaire entre son frère et la femme qu’il lui propose. Le même esprit jaillit des habits des deux femmes, ce qui garantit la symétrie entre jeu et espace. (décors – costumes : Tina Tzoka).   
     Dans le rôle de Georges Schneider, Taxiarhis Hanos s’exprime avec beaucoup de « fausse » sentimentalité, outil généreux quand on pratique le théâtre léger. Associé au frère, incarné par Anguélos Bouras, Hanos projette sa corporalité plutôt statique et lourde, à la limite du trapu. Contrairement au rôle de Georges, Léo de Bouras met en situation sa légèreté d’être et ses gestes peut-être trop mouvementés.
     Dans le terrain des femmes, l’harmonie du spectacle est assurée par Maria Kallimani (Jennie Malone) et Andrie Théodotou (Faye Medwick). Toutes les deux forment un couple scénique de haute qualité, ajoutant à l’ensemble des comédiens leur « historique » de femmes mal menées par leur mariage et par leur relation avec les hommes.
     L’on pourrait dire que la représentation de la Nouvelle page offre au public le plaisir d’un spectacle amusant et riche de moments d’humour et de détente. Et pour finir, on doit mentionner la belle manipulation de la musique, fondée sur le quintette de Luigi Boccherini, actualisé aussi pour répondre aux exigences du spectacle dans l’ici et maintenant. Indépendante par rapport aux actions de l’intrigue de la pièce, la musique compose, elle seule on dirait, une action interne qui fonctionne comme un commentaire bien osé et bien dosé.    

Nektarios-Georgios Konstantinidis


Théâtre « Mikro Gloria », 7 rue Ippokratous, Athènes, tél. 0030 210 36 42 334

Κυριακή 21 Ιανουαρίου 2018

Le Mariage de Maria Braun de Rainer Werner Fassbinder au Théâtre de la rue Cyclades – Lefteris Voyiatzis

      La pièce de Fassbinder, Le Mariage de Maria Braun, peut être analysée comme un système de thématiques, focalisées sur un mariage précipité. En effet, le mariage en question se conclut de toute urgence, ce qui marque le moment même de l’explosion de la guerre. Dans une Allemagne en pleine agitation et dans une humanité entière plongée dans le noir et le désespoir semés par la mort des uns et des autres, le mariage de Maria Braun devient un acte de révolte contre tous ceux qui gagnent du fléau meurtrier.
     Fassbinder décrit avec clarté la source des malheurs à travers ses personnages qui ressemblent d’ailleurs à des marionnettes manipulées par le besoin impérieux de survivre. L’auteur allemand se laisse aller dans les décombres des situations créées par les actions des gens qui sont ses propres exemples. Or, l’axe syntagmatique qui raconte l’histoire de ce mariage « approximatif », nous présente également les événements qui se déroulent alors que les personnages concernés se fixent au fur et à mesure que l’action avance. Toutefois, l’axe paradigmatique, vertical, propose une sorte de rupture entre le fait « phénoménologique » et le fait socio-ontologique : les héros de Fassbinder sont censés rompre avec la conscience globalisante et œcuménique pour s’attarder sur la société précise entourant l’entité humaine, peu importe quelle est la victime ou quel est le bourreau.
     En outre, Le Mariage de Maria Braun met en relief le scepticisme de l’humain lorsque tous les problèmes sont enfin résolus. C’est ici qu’est situé le point culminant de l’intrigue de la pièce : Après tant d’aventures, après s’être murie comme enfant de la guerre, à l’instant même où le bonheur propose une vie heureuse, Maria Braun se suicide. Elle n’a plus rien à attendre et, surtout, rien à réclamer ni à défendre. Une fois le bonheur accompli, son nom est dépourvu de tout ce qui la différenciait des autres qui, durant la guerre se comportaient comme elle. L’acte civil de son mariage, au nom d’une quelconque famille « Braun », montre la vérité invalide, impotente, immobilisée par l’ambiance pourrie. Construite à partir de tous les éléments qui avaient rendu presque héroïques les services ignobles et obsèques, à l’égard de l’ennemi, la vie pour Maria n’a plus de valeur concrète. Tout est neutre et coloré de façon à lui arracher l’auréole du sacrifice et du martyre.
     Maria ne possède plus la carte d’identité qui la rendait unique et qui motivait ses décisions. Cela dit, le rôle de Maria Braun devient extrêmement compliqué, à commencer par la traduction en grec de la pièce. Giorgos Skevas a transposé avec art le langage spécifique de Fassbinder et a pu présenter avec justesse l’humour bien caché, dans une pièce qui met l’accent sur le tragique de la guerre. Toutefois, la mise en scène de Giorgos Skevas relève d’un esprit beaucoup plus profond marchand de pair avec la scénographie et les costumes d’Angelos Mendis. Ainsi il se forme un climat qui vacille entre le sérieux et la détente, qui aurait pu être justifiée par la manière de procéder dans une situation : chaque élément utilisé dans le spectacle est fortifié par l’attente d’un renversement de situation.
     D’ailleurs, l’éclairage choisi par Katerina Maragoudaki forme à lui seul une occasion de s’intégrer à un événement soudain qui fait peur. Le spectateur est obligé de faire très attention pour avoir le plaisir de dire, « ça, moi, je l’avais prévu ».
     La troupe des comédiens, sous la baguette du metteur en scène, compose un ensemble de bonne entente des rôles. Maria Braun, prise en charge par Lena Papaligoura, se montre sous toutes ses facettes tout en s’attachant à son « grand amour » Herman, interprété bien à propos par Maximos Moumouris. Vanguélio Andreadaki joue avec vivacité et humeur le rôle de la mère de Maria Braun. De même, Yannis Dalianis compose le personnage d’Osvald attentivement et de façon émotive. Nikolas Guéorgakakis et Georges Syméonidis mènent à de très bons résultats, à travers les divers rôles de l’ensemble de ce spectacle extrêmement intéressant aux yeux du public athénien.     

Nektarios – Georgios Konstantinidis

Théâtre de la rue Cyclades – Lefteris Voyiatzis, 11 rue Cyclades, Athènes, tél. 0030 210 82 17 877


Κυριακή 14 Ιανουαρίου 2018

Les Chaises d’Eugène Ionesco, mise en scène Jean-Paul Denizon, traduction en grec Hélène Papachristopoulou, Théâtre « Ekstan »

Dans la farce tragique, Les Chaises (1952), en plus de l’indomptabilité du langage apparaît la prolifération de la matière, en l’occurrence, ici, les chaises. Un vieux et sa femme, Sémiramis, vivent seuls dans une maison, avec pour tout viatique un amour usé. Le vieux néanmoins, penseur et écrivain, a un message à livrer à l’humanité dont il a convoqué les meilleurs représentants pour une soirée mémorable. Un à un les invités arriveront, invisibles, matérialisés par les seules chaises. Est attendu aussi l’Orateur, dont la science de la parole doit permettre au message du vieux d’être communiqué au monde. Dans ce néant encombré de fantômes, l’Empereur lui-même viendra. Les deux vieux ne le verront que de loin, quoique étant dans leur propre demeure, tant les chaises déjà les empêchent de bouger. Littéralement engloutis par les chaises, ils réussiront, sans pouvoir se rejoindre, à sauter chacun par une fenêtre alors que l’Orateur, sourd et muet, débite des mots incompréhensibles.
La mise en scène de Jean-Paul Denizon suit une esthétique de la narration pure, illustrée par de petits éléments insolites pour celui qui réfléchit sur le théâtre dit de l’absurde. Denizon opère sur l’axe syntagmatique de la narration et traite la verticalité selon certains paradoxes : par exemple, les chaises sont des objets assurant un certain confort au corps humain qui s’y appuie. Cela dit, l’espace entourant les chaises diminue l’objet (chaises) et en même temps élargit le sentiment de l’attente de la part du spectateur. L’espace devient donc extrêmement spectaculaire en ce qui concerne la dialectique développée  entre ceux qui regardent et ceux qui sont regardés. La conférence qui aura lieu dans la salle indiquée se prépare de façon minutieuse par les responsables de l’événement culturel. Alors, le vieux et la vieille présupposent une habitude durant des années consécutives, une habitude qui devient modus vivendi.
Les comédiens Yannis Stamatiou et Hélène Papachristopoulou incarnent les rôles du vieux et de la vieille qui reçoivent le public tout en soulignant l’impression furtive d’une espèce de « théâtre dans le théâtre ». Ils suivent le rituel de l’interprétation et arrivent à construire le microcosme d’Ionesco avec exactitude. La tension intérieure se reflète sur leur visage, leur apparence, leur attitude et leur comportement. De plus, leur expression se redouble étant donné qu’aussi bien le vieux que la vieille sont censés interpréter des rôles multiples au fur et à mesure que l’audience fictive entre en scène. Notons que le personnage de l’Orateur est muet et se place du côté des présences – absences. Son apparition sur scène se fait à travers une espèce de marionnette – spectre, symbole peut-être d’un ange de la mort qui sème la panique.
Il s’agit d’un spectacle qui respecte l’absurde d’Eugène Ionesco aux tons d’une ironie exaspérante à la limite du tragique. Le comique n’arrive pas à s’emparer du spectacle en entier. Il n’arrive pas non plus à colorer certaines tournures graves de l’humour grotesque et métaphysique, l’on dirait, de l’écrivain roumain d’expression française.

Nektarios – Georgios Konstantinidis

Théâtre « Ekstan », 5 rue Kaftantzoglou, tél. 0030 213 0210339



Δευτέρα 8 Ιανουαρίου 2018

Pour Hélène de Manos Karatzoyannis au Théâtre « Stathmos »

       

      L’histoire d’Hélène Papadaki est liée à deux paramètres bien distincts dans la vie de la fameuse comédienne. D’une part, son train de vie au sein d’une société et d’une époque qui ne tolèrent pas à une femme certaines libertés, comme par exemple le fait de fumer ou l’homosexualité. D’autre part, le cadre historique et politique, dans la société troublée par la Guerre civile en Grèce, accentue les problèmes de toutes sortes qui portent à la lumière du jour le malaise de l’existence et de la coexistence. Exister aux côtés de l’autre, cela présuppose un minimum de volonté de partager des choses et de vivre avec l’autre sous le même toit.

       Cependant, le sujet de l’altérité se dessine à partir de la méfiance qui règne un peu partout sous les traits de l’ennemi. Or, l’ennemi reflète le porteur de la différence. Celui qui diffère, qui n’est pas comme les autres, comme la majorité, dérange l’ « harmonie » superficielle des faits, des causes et des effets. La Guerre civile déchire en deux, puis en petits morceaux, le discours social qui cherche un terrain propice pour y cultiver la paix dans la vie ordinaire des gens.
       Toutefois, l’héroïne tragique de Manos Karatzoyannis, Hélène Papadaki, est conduite presque à l’état de la victime expiatoire : Le bourreau obéit aux ordres donnés par ceux qui propagent la bonne ou la mauvaise réputation. La comédienne, qu’on doit sacrifier, a pratiqué un libertinage qui fut sa manière de provoquer l’entourage : elle renforce l’idéologie du libertinage sans craindre ceux qui la voient faire. Elle attire les regards de partout sachant dans son « moi » profond qu’elle fait des choses, au risque de sa vie, pour soulager ceux qui souffrent.
       Malgré tout, elle n’arrive pas à être plus attentive et cacher par exemple certaines habitudes, comme la cigarette. Elle ne cherche pas non plus à effacer la réputation qui la veut lesbienne. Elle n’imagine pas un instant que son libertinage à elle puisse nuire à qui que ce soit. Son innocence n’a peur de personne car elle n’a commis que de belles « fautes », comme son intervention auprès de l’ennemi quand il a fallu sauver un innocent.
       Manos Karatzoyannis met en scène le monologue de la grande comédienne qui se confesse devant le public juste avant d’être assassinée. La mise en scène s’appuie sur la sentimentalité et l’émotion jaillies de paroles que la comédienne débite. Le metteur en scène et auteur de la pièce, avance avec beaucoup d’attention dans le déploiement de la fable : les mots utilisés par l’actrice retentissent l’envie du personnage d’étaler son argumentation et de fonctionner en juge d’instruction et d’accusée à la fois dans un tribunal. Dans tous les cas, elle aurait dû être emmenée dans un tribunal si la justice de l’ennemi l’avait permis.   
       Maria Kitsou interprète avec justesse le personnage d’Hélène Papadaki, se présentant parfois comme alignée à la vie de la comédienne tuée injustement. Madame Kitsou a fait une véritable synthèse de tous les appâts du personnage jusqu’à ses habits caractéristiques d’une femme libre d’esprit et de manière. L’éclairage d’Alexandre Alexandrou a vraiment contribué aux efforts de l’unique comédienne sur scène, conduite par la mise en scène de façon appropriée. Notons que sur la scène apparaît également Marios Makropoulos dans le rôle de l’interlocuteur muet, qui tue l’héroïne en exécuteur de sang froid au moment de la fin indiquée par le noir qui s’empare de tout le local du théâtre.

Nektarios-Georgios Konstantinidis


Théâtre « Stathmos », 55 rue Victor Hugo, Athènes, tél. 0030 211 40 36 322

Δευτέρα 1 Ιανουαρίου 2018

Les Passagers de Flavio Goldman, mise en scène de Filippos Mendes Lazaris, au Studio Mavromichali

Le texte de l’auteur brésilien Flavio Goldman (traduit en grec par Christodoulos Kakouris et Katerina Kokkinidou) met au proscénium une rencontre entre un psychiatre et son patient. Tous les deux prennent l’ascenseur pour arriver au bureau du médecin mais ils restent enfermés à cause d’une panne. Alors, une séance étrange va se dérouler dans un tout petit espace qui se transforme en ring dévoilant deux psychismes prêts à démontrer leurs instincts fouillés. Les deux personnages coincés échangent des répliques qui entremêlent le vrai, le faux, le secret et le mensonge d’une relation purement professionnel ayant comme but le traitement du patient. D’ailleurs, la psychanalyse est un long voyage douloureux qui comporte des épreuves souvent désagréables afin que la personne prenne conscience de sa situation et définisse ses objectifs. Les limites de l’âme, les réactions de l’inconscient et l’auto-connaissance ne se rangent pas toujours aux données qu’un spécialiste peut manipuler avec sureté. Les méthodes ont des effets différents à chaque client et chaque cas est unique.
Le metteur en scène – brésilien aussi – Filippos Mendes Lazaris suit une approche réaliste et crée un spectacle bien contrôlé par rapport au rythme, les pauses et l’intensité. Le décor de Manolis Iliakis – un ascenseur sur scène – et les lumières de Christina Thanassoula forment une ambiance de clôture et soulignent le « jeu » entre la réalité et le factice. Les deux comédiens constituent un duo exceptionnel et incarnent leurs rôles avec ardeur. Il faut remarquer les expressions du visage d’Alexandros Sotiriou qui interprète le Psychiatre tout en forgeant un caractère qui baigne entre la raison et l’humeur. Stelios Xanthoudakis joue le patient traçant avec clarté les lignes de démarcation de l’être et du paraître.

Nektarios – Georgios Konstantinidis


Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes, tél. 0030 210 64 53 330