Τρίτη 30 Ιανουαρίου 2024

Le Mot progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux de Mateï Visniec, traduction d’Ersi Vassilikioti, mise en scène de Catherine Papageorgiou


Avec cette œuvre clairement antimilitariste (2005), l’écrivain roumain francophone met l’accent sur les conséquences humanitaires et la culpabilité d’une «victime», symptôme de tout désastre qui s’abat sur l’homme. Des cadavres s’entassent dans une pièce où la solitude de soldats morts écrase celle des vivants qui ont perdu leur enfant, ignorant aussi la terre (la tombe) qui les recouvre.

La Mère, représentant toutes les mères, s’exclame  : «Dans ce pays, une mère heureuse, c' est une mère qui sait où sont enterrés ses enfants. Une mère heureuse est une mère qui peut s’occuper à volonté d’une tombe, et qui est sûre que, dans cette tombe-là, se trouve bien le corps de son fils et non pas un cadavre de fortune ». Ce cri de désespoir universel s’accompagne d’actions presque uniques dans leur symbolisme. Ici, les femmes enterrent leur fils dans des chariots-tombeaux mobiles…

Mateï Visniec économise l’action avec une trouvaille ingénieuse: parmi d’autres, celle du présent-absent. Le fils (Vibko), protagoniste mort, réapparaît comme une ombre désirable  qui parle mais sans  jamais vraiment parler, à ses parents. Le tragique, dans la même économie, est imprégné d’actions violentes touchant au grotesque, en soulageant le spectateur et en rendant aussi pathétique, l’univers du deuil. 

Catherine Papageorgiou illustre le texte avec imagination, en soulignant le scepticisme amer que dégage le personnage d’une vieille Folle: «Tous les os sont mélangés, maintenant, c’est comme ça. À quoi bon vouloir une tombe ? Toute la terre est une tombe. »

©x

©x

La metteuse en scène suit l’esthétique de l’auteur, fait évoluer les personnages dans un monde cauchemardesque entre réalisme et absurde, voire métaphysique.  Myrto Stampoulou a imaginé une scénographie où sont séparées clairement les actions, avec un objet caractéristique: une table boiteuse au centre du plateau est le signe de la destruction totale de la maison. Les costumes d’Irini Georgakila, la musique originale de Marina Chronopoulou et les éclairages de Kostis Mousikos contribuent à illustrer le deuil et l’identité des personnages.

Mania Papadimitriou, grande actrice grecque (la Mère) exprime avec une émotion contrôlée la profondeur et le poids du chagrin. Elle embellit aussi le rôle de la Patronne avec des éléments comiques: exubérance et extraversion. 

Dimitris Petropoulos évolue dans le même esprit, en exprimant intérieurement l’angoisse et le désespoir du Père mais il montre aussi le cynisme d’un impitoyable maquereau.
Tassos Lekkas incarne le Fils, traçant avec clarté la ligne de démarcation entre le monde des morts et celui des vivants. Il est également Caroline, un travesti intelligent qui condamne avec un esprit caustique toutes les idéologies qui ont mené l’Humanité vers des conflits sanglants et des impasses.

Alexandros Varthis interprète Stanko, le Milicien, le nouveau Voisin, le Soldat, avec le poids des mots et une expression fondée sur l’exagération. Dans le Nouveau Voisin en particulier, il exprime de façon para-linguistique mais poignante l’attitude impitoyable d’un homme n’ayant ni barrières ni inhibitions… et à l’intelligence et à l’empathie limitées…
Elisa Skolidi joue Ida, une fille effrayée et vulnérable, réduite à se prostituer, transmettant terreur et insécurité. La danse sensuelle sur une barre suspendue (chorégraphie de Chrysiis Liatziviri et pole danse, Mello Diannellaki) symbolise l’éclat trompeur d’un monde nocturne où rien n’est ce qu’il semble être... Elisa Skolidi excelle en Mirka, la vieille dame folle au visage mauvais et dans une transformation fulgurante, elle joue habilement des tons comiques ou dramatiques, toujours sur le fil du rasoir.

L’image finale de ce spectacle incontournable est le retour de la Fille, à la maison, optimiste malgré tout: «Et la maison n’est pas entièrement brûlée, on va s’en sortir.» Et quand Ida creuse la terre et y plante une fleur, un jeune homme, sans dire un mot, arrose cette fleur avec… du papier-monnaie: l’argent gouverne le monde et c’est l’ennemi… 

Mateï Visniec serait sans doute heureux de voir ce spectacle !

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Bellos, 1 rue Kekropos, Plaka, Acropole d’Athènes. T. : 00306948230899.

Δεν υπάρχουν σχόλια:

Δημοσίευση σχολίου