Aux Balkans, en des temps troublés, histoires de trahison, conflits civils, grandes puissances qui s’affrontent créent des sécessions, guerres et révolutions dans des lieux d’une importance géopolitique particulière où les États-Unis sont omniprésents. Et le Kosovo, ce morceau de terre, devient un prix à revendiquer.
Ce dramaturge kosovar de langue albanaise (quarante-huit ans) situe l’action de cette pièce (2012) dans un théâtre, à l’époque de la déclaration d’indépendance, après une série de conflits meurtriers et d’affrontements internationaux. Théâtre dans le théâtre, comme dans l’hilarant Noises off de Michael Frayn, la pièce s’ouvre sur la troupe mercantile du Théâtre National. Les acteurs répètent En attendant Godot de Samuel Beckett et sirotent raki sur raki. Chacun d’eux rêve d’une vie différente…
Le protagoniste décadent qui a une femme et une maîtresse, se consacre au Roi Lear de William Shakespeare qu’il peut jouer à tout moment, malgré trop d’alcool et les années qui passent. L’actrice principale s’imagine jouer Scarlett O’ Hara d‘Autant en emporte le vent dans un célèbre théâtre de Broadway. Le metteur en scène veut surtout la gloire et l’argent et, bien sûr, un poste permanent de metteur en scène.Leur routine paranoïaque va être perturbée par l’arrivée du Secrétaire aux sports ! Il aspire à devenir ministre et, sur ordre du Premier ministre qui veut et peut le rester, il commande un spectacle pour commémorer l’anniversaire de l’indépendance qui reprendrait tous les événements historiques qui l’ont définie. Ce grand projet serait peut-être réalisable si l’on connaissait… ce jour de l’Indépendance mais il reste malheureusement un secret d’État! S’ensuit une série d’événements hilarants couvrant avec art le drame des Kosovars piégés dans des intérêts à l’étranger mais qui refusent de voir la réalité, préférant simuler l’amour, poursuivre des carrières insignifiantes et trouver un argent inexistant, se tendre des pièges les uns aux autres, faire du chantage, pratiquer des extorsions… et boire sans arrêt.
Dans un élan de patriotisme, l’éclairagiste essayera de piloter une machine volante artisanale pour diffuser des proclamations indépendantistes et être un héros aux yeux de son père décédé et de la nation. Un scénario qui rappelle le légendaire Underground d’Emir Kusturica (1995) mais sans les personnages qui s’apparentent plus ici à des caricatures.La juxtaposition comique des héros et l’alternance tonitruante d’actions absurdes et sarcastiques participent à une satire impitoyable de la psyché du lumpen, des excès nationalistes et des ambitions inaccessibles, de l’opportunisme politique écrasant l’art, de la censure impitoyable et presque absurde, et de la soumission à toute force qui peut garantir une paranoïa absolue, une décadence humiliante et une confusion impensable.
Enke Fezollari suit la ligne dramaturgique qu’il s’est fixée et crée un spectacle dense avec élans d’interprétation intenses, chorégraphies légères, nombreux airs des Balkans, reconstitutions de clichés reconnaissables, extraits d’œuvres patriotiques prospérant sous les régimes autoritaires, tours comiques improvisés et confrontations assourdissantes. Mais l’action avec une tension artificielle, n’est pas ici soulagée par des scènes plus douces qui permettraient aux personnages d’exister avec clarté.
Mais Ada Giannoukaki, Kyriakos Kosmidis, Chrysovalantis Kostopoulos, Apostolos Malebitzis et Enke Fezollari, tous très bons acteurs, suivent avec aisance le rythme épuisant de cette création et en font ressortir les éléments comiques grâce à une discipline impressionnante. Dans l’esprit de cette mise en scène, les décors et costumes de Giorgos Lyntzeris, la musique de Dani Koumartzis, les éclairages de Semina Papalexandropoulou et les vidéos d’Ada Liakos participent à la réussite de ce spectacle.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Noūs-Creative Space, 34 rue Troias, AthènesT. : 0030 2108237333
https://www.youtube.com/watch?v=ry6MY_Tj0V0
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